Gratuité des soins en Algérie, entre mythe et réalité

Redaction

Un nouvel avant-projet de loi sur la santé consacrant la gratuité des soins est en cours d’élaboration. L’État veut ainsi pérenniser une vieille tradition.

« L’État ne renoncera pas à la gratuité des soins et demeurera le seul garant de l’équité quant au droit aux soins dans les établissements publics privés dans le cadre du système du tiers payant, mais cette gratuité ne sera pas appliquée de la même façon que celle en vigueur depuis 1974 », a déclaré le chargé de communication du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Salim Belkessam, cité par l’APS.

Quoique consacrée dans les textes réglementaires, et appelée à être renforcée, la gratuité des soins existe-t-elle réellement sur le terrain ? Les quelques citoyens interrogés à ce sujets sont unanimes : la gratuité est un mythe.

« Dans un hôpital, on est mal reçu. Aux urgences, on est consulté par des médecins stagiaires qui ne se cassent pas trop la tête. Les médecins de garde abandonnent souvent leur poste. Les appareils médicaux sont généralement défectueux. Tout cela pousse les citoyens à ne pas se faire soigner. On ne se rend dans un hôpital que lorsqu’on est évacué en urgence », se plaint Mohamed, un habitant de Blida. Pour illustrer son propos, ce grand-père raconte l’histoire de son petit-fils qu’il a fait soigner dans un établissement privé, « à défaut d’une prise en charge adéquate dans le CHU de Blida et quatre autres CHU à Alger ». « Peut-on donc parler de gratuité des soins ? », s’indigne-t-il.

Ce constat est également partagé par un citoyen de Laghouat. « Faute de personnel médical, beaucoup de malades, surtout les cas les plus graves, sont contraints de se rendre dans les grandes villes du nord du pays, notamment à Alger, pour se faire consulter par des spécialistes. Si on a du piston on arrive à se faire admettre à l’hôpital, sinon on nous donne rendez-vous dans plusieurs mois, voire une année. Ceux qui en ont les moyens n’attendent évidemment pas et se rendent dans des établissements privés. Les plus démunis meurent à petit feu », regrette Abbas.

Ziad, un habitant de Tizi-Ouzou abonde dans le même sens. « Même si la gratuité des soins est garantie par la loi, le citoyen ne se fait pas soigner gratuitement pour pas mal de raison. D’abord, la qualité des soins dans les établissements publics laisse à désirer. Cette mauvaise prise en charge des patients s’est sérieusement aggravée depuis l’apparition des cliniques privées. Ensuite, il y a un problème d’éthique chez nombre de médecins, surtout ceux qui ont leur propre cabinet médical. Ceux-ci sont devenus des rabatteurs de patients vers leurs établissements privés ou ceux de leurs amis. Il y a également le problème de sabotage des appareils médicaux au sein des hôpitaux publics. La moindre échographie, on est donc obligé de la faire chez des privés. Nos hôpitaux sont ainsi réduits à de simples salles de consultations », explique-t-il . Et de conclure avec amertume : «  Le problème n’est pas dans les textes, mais plutôt dans leur mise en pratique et le suivi sur le terrain. A  quoi sert un texte (de loi) si ceux qui l’élaborent se font soigner à l’étranger ? »

Yacine Omar