La rente de Sonatrach face au nécessaire renouveau de la gouvernance en Algérie 2010/2013

Redaction

Quant un Ministre ou un Wali attendra au perron de son lieu travail des chercheurs et des entreprenants avec des fleurs, comme cela se passe dans les pays développés et les pays émergents, alors le changement de la mentalité rentière bureaucratique aura effectivement commencé en Algérie avec non plus des promesses sans lendemain déconnectées des pratiques sociales mais la concrétisation du message de l’espoir et du renouveau . Car, il suffit que le prix du pétrole soit en hausse pour que la télévision officielle annone cette nouvelle à la UNE avec une résonance sans pareil, sans analyse objective, avec fierté comme si cela étai du génie de nos responsables.

Or la crise mondiale a détruit cette utopie, montrant clairement que la gouvernance interne n’a aucun impact sur les prix du pétrole dépendants largement de la conjoncture économique mondiale. Alors à quant l’ENTV officiel montrera des chercheurs et de véritables entreprenants créateurs de richesses, qui eux font effectivement la fierté de l’Algérie ? Car existe un paradoxe qu’il convient de dénoncer car voulant inculquer au peuple algérien l’utopie mais qui a un effet dévastateur sur la productivité globale du travail ou n’existe pas une politique salariale digne de ce nom récompensant le travail et l’intelligence mais une distribution de la rente de surcroît profondément inégalitaire.

1.-C’est dans ce cadre que l’analyse du plan de financement de Sonatrach est importante car procurant plus de 98% des recettes en devises à l’Algérie, les 146 milliards de dollars de réserves de change fin 2009, étant dues en grande partie à l’envolée des cours passés et non à une bonne gouvernance interne. Il en est de même des dépenses du programme de soutien à la relance économique 2004/2009 qui dépassera certainement 200 milliards de dollars avec un taux de croissance moyen 2006/2009 inférieur à 3% non proportionnel aux dépenses, et invoquer 8/10% de croissance hors hydrocarbures étant un taux artificiel, les véritables créateur de richesses participant à moins de 2% du produit intérieur brut (PIB).

Comme le futur plan 2010/2013 (arrêté à 150 milliards de dollars) sera largement tributaire de l’évolution du cours du pétrole, le prix de cession du gaz étant indexé mais à un prix de cession moyen inférieur de 50% (coût important et marge bénéficiaire réduite). Or, de plus en plus d’analystes en énergie mettent récemment en relief que le monde est entré dans la décroissance de la consommation d’énergie et donc que postuler un modèle de consommation énergétique linéaire est une hypothèse fausse, réhabilitant ainsi les analyses du cycle du grand économiste Joseph Schumpeter dans la mesure où à l’horizon 2020 le monde devrait voir s’équilibrer sa demande tenant compte du nouveau défi écologique dont la généralisation du transport électrique.

Il y a deux raisons intimement liées: le changement certes lent mais graduel du modèle de consommation et la crise économique qui pèse sur la demande, les investisseurs extrapolant le pic pétrolier. En effet, si les Chinois avaient le même taux d’équipement automobile qu’en Europe, leur consommation serait de 17 millions de barils par jour (Mbj), soit autant que toute la production du Moyen-Orient, ce qui est impossible à réaliser. Ainsi, l’évolution du cours du pétrole sera-t-il déterminée fondamentalement par la future politique énergétique des États-Unis d’Amérique, premier consommateur mondial d’hydrocarbures. Donc l’hypothèse d’une demande en faible croissance est donc crédible même s’il y a reprise impliquant d’ailleurs de nouveaux mécanismes de régulation à l’échelle mondiale.

2.- Car la crise actuelle n’est pas conjoncturelle mais structurelle et pourrait se prolonger jusqu’en 2014/2015, car si les réunions du G20 à Londres ni celle aux USA ne se sont attaquées aux causes fondamentales de la crise mondiale la distorsions entre les salaires en baisse au sein du produit intérieur brut ( chômage ) et es profits spéculatifs en hausse caractéristique de la prédominance de la sphère financière sur la sphère réelle et ce à l’instar de la crise de 1929 qui a débuté en 1927, s’est manifestée en octobre 1927, a atteint son apogée entre 1934/1935 pour s’atténuer qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Du fait de l’interdépendance des économies, tous les pays sont atteints, la Chine devrait a eu pour 2009 une croissance d’environ 8%.

La Banque asiatique de développement (BAD) ayant avancé une prévision de 8,9% , le Fonds monétaire international (FMI) de 9% pour 2010 mais tirée essentiellement par la dépense publique intérieure en rappelant que le minimum requis pour la cohésion sociale est de 9% avec une possibilité d’une grave crise sociale et le risque du retour à l’inflation, certains économistes n’écartant pas une bulle immobilière. Car, faut éviter l’illusion chinoise étant utopique de miser uniquement sur la Chine (peut être dans 10 ans) dont le PIB dépasse légèrement celui de l‘Allemagne et si reprise il y a du moins entre 2010/2015, elle ne peut provenir que des État-Unis d’Amérique et accessoirement du Japon et de l’Europe.

Les mesures d’urgence donc conjoncturelles, du risque du passage de la bulle financière à la bulle budgétaire, les déficits budgétaires des pays développés et émergents étant colossaux supportés par les générations futures et tout le problème est ce que les entreprises privées seront –elles le relais de la véritable reprise, ou les deux à la fois. Car avec les taux d’intérêts directeurs des banques centrales se rapprochant de zéro (ce qui pose le problème des dépôts algériens à l’étranger, ne peuvent être que provisoires et il s’agit de s’attaquer à l’essence de la crise qui est structurelle et mondiale, les replâtrages risquant de reporter dans le temps la crise.

C’est que les recettes keynésiennes de relance de la demande globale au moyen du déficit budgétaire (consommation et investissement) ont été conçues dans le cadre d’Etats- Nations et ne sont valables que pour le court terme et le risque est de passer de la déflation (baisse des prix, chômage et de l’activité) à la stagflation (hausse des prix, chômage et baisse de l’activité) avec l’inévitable dérapage du dollar représentant plus de 60% des transactions mondiales, du essentiellement à l’importance du déficit américain, tout en reconnaissant qu’à court terme il est illusoire de parler d’une autre monnaie internationale, car cela suppose la refonte des règles qui régissent le fonctionnement du système monétaire international actuel , la Chine paradoxalement avec l’énorme montant de bons de trésor américain et de ses réserves de change dépassant 2000 milliards de dollars dont une fraction importante libellée en dollars soutenant le statut quo actuel.

3- Pour en revenir à l’Algérie largement dépendante de la situation économique mondiale,tant pour ses exportations que ses importations, tenant compte qu’il ne faille pas confondre la loi sur la monnaie et le crédit qui stipule pour toute entreprise de transiter par la Banque d’Algérie pour déposer ses recettes à l’exportation et l’autofinancement de Sonatrach qui est une société par actions non régie par la comptabilité publique, qu’en sera-t-il si le cours se maintient à 70 dollars à prix constants car tout dérapage du dollar réduit le pouvoir d’achat de nos importations en euros qui représentent plus de 60% et 80% si l’on inclut les autres monnaies supposant qu’elles s’apprécient par rapport au dollar ?

D’autant plus que les dernières mesures gouvernementales comme cette vision juridique du passage du Remdoc au crédit documentaire Crédoc (et là je partage totalement l’avis du Professeur de droit Mohand ISSAD dans son interview à El Watan du 03 ,janvier 2010 pour qui le gouvernement en invoquant la traçabilité s’est trompé de cibles), n’ont pas atteint effectivement leurs objectifs permettant d’économiser selon les statistiques douanières de fin 2009 , la somme dérisoire de 1,3 milliards de dollars par rapport à la valeur des importations de 2008 qui se sont chiffrées à 40 milliard de dollars, alors que nous avons assisté à une déflation( baisse des prix) au niveau mondial et à une bonne récolte due à la pluviométrie, la raison fondamentale étant la non maîtrise de la dépense publique.

D’ailleurs à ce montant, il faut ajouter les services (car il est faux de raisonner par rapport uniquement à la balance commerciale mais au niveau de la balance des paiements ) de plus de 11 milliards de dollars (selon la moyenne annuelle 2008/2009) reflétant la dévalorisation du savoir local et il faudra également ajouter sur autofinancement public les nouveaux investissements hors infrastructures projetés dont les 12 fameux champions industriels au moment où existe une crise manufacturière mondiale sans précédent, ( a t-on fait une analyse en termes d’avantages comparatifs mondiaux ? ) .

Précisément pour les exportations de gaz prévues horizon 2012 à 85 milliards de mètres cubes gazeux , il faut tenir compte à la fois de la dépréciation du prix de cession du gaz sur le marché libre, l’Algérie étant épargnée à court terme du fait des contrat à moyen terme mais dont le coût est élevé par rapport à ses concurrents, représentant 1/3 de nos recettes globales en devises (chute entre 30 et 40% du fait des nouvelles découvertes technologiques et d’un nombre de plus en pus élevé d’offreurs sur une période selon les experts au minimum de 5 années ) et des prévisions de la consommation intérieure de la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (CREG) passant de 25,6 milliards en 2007, 27,4 en 2008 à 55,157 en 2017 scénario moyen et plus de 63 milliards de mètres cubes gazeux si tous les projets sont réalisés soit au total une production annuelle de 85 plus 63, soit 148 milliards de mètres cubes gazeux sur des réserves prouvées inférieures à 4500 milliards de mètre cubes gazeux . Les 20% des gisements marginaux étant non rentables financièrement la durée de vie( 3% des réserves mondiales de l’Algérie contre 1% pour le pétrole) est relativement courte.

4- C’est dans ce cadre, me semble-t-il, que le ministre de l’Energie et des Mines et le président-directeur général de Sonatrach viennent de mettre un terme aux supputations en affirmant «que le plan de développement de Sonatrach sera mené à son terme et aucun projet de l’entreprise ne sera gelé pour un montant de plus de 63 milliards de dollars entre 2010/2013», montant auquel il conviendra d’ajouter les 15 milliards de dollars pour Sonelgaz, soit au total 78 milliards de dollars, donc un montant annuel approchant 20 milliards de dollars comme je l’ai annoncé à maintes reprises à la presse nationale il y a de cela plusieurs mois. Et cela concerne tant les projets pétrochimiques qui ont déjà démarré, que le programme à l’international sur lequel Sonatrach est déjà engagée dans plusieurs pays pour augmenter ses réserves: Egypte, Libye, Niger, Mali, Mauritanie, Pérou, la création des sociétés de commercialisation de gaz en Europe qui vont permettre à la société d’aller jusqu’au client final pour capter une partie de la rente.

Mais précision de taille, cela concerne les projets engagés, ceux inscrits et les projets en cours de maturation, dont les projets engagés l’ammoniac et les engrais avec Bahwan et avec Orascom, le projet de cracking d’éthane avec Total et le complexe de méthanol avec le consortium international Almet, les projets pour le cracking du fuel, le cracking du naphte mais qui sont toujours en appel d’offres, la déshydrogénation du propane, le polypropylène et la raffinerie de Tiaret. Concernant le projet de l’aluminium dont le coût dépassera les 3 milliards de dollars US tenant compte de la jetée, du port et de la centrale électrique de 2200 MW, il est en cours de discussion, devant rectifier le système 51-49% avec l’augmentation de la participation de Sonatrach.

Donc le ministre de l’Energie se conformant aux directives gouvernementales a exclu de faire appel au financement extérieur, privilégiant l’autofinancement. Or le chiffre d’affaires à l’exportation (gaz et pétrole, bilan officiel) pour 2008 a été d’environ 77 milliards de dollars (pour un cours du baril moyen de 110 dollars), 232 millions de tonnes en équivalent pétrole, en précisant que le manque à gagner 2009 du fait de la réduction du quota OPEP par l’Algérie sera d’environ 5 milliards de dollars US prévoyant une recette d’environ 40/42 milliards de dollars pour 2009 et comme précisé précédemment il faut tenir compte à l’avenir de la dépréciation du prix du gaz et qu’en sera-t-il de al rentabilité financière des projets gaziers ? Cela aura un impact sur la fiscalité pétrolière dont la dévaluation du dinar par rapport à l’euro gonfle les taxes douanières et la dévaluation par rapport au dollar gonfle les recettes en dinars , voilant à la fois l’importance du déficit budgétaire et gonflant artificiellement à la fois la fiscalité pétrolière et le fonds de régulation en dinars.

5- Face à cette situation, il faut être réaliste, la réforme globale ayant accusé un retard important à cause du blocage de la production et exportation hors hydrocarbures en Algérie, blocage qui risque de s’accentuer car confondant régulation importante de l’Etat comme chef d’orchestre et le retour au volontarisme étatique qui nécessitera de plus en plus de financement local, étant admis maintenant selon les derniers rapports du FMI, de la Banque mondiale, de la CNUCED , à un frein des investissements directs étrangers, frein plus accentué pour l’Algérie comme vient de le souligner l’OCDE avec les dernières mesures gouvernementales, la poursuite de l’investissement de Sonatrach y compris Sonelgaz est donc importante si l’on raisonne en dynamique, besoins croissants futurs et éviter de perdre des parts de marché, si demain la conjoncture permet un retournement de tendance mais sans être utopique comme démontré précédemment.

Ce n’est pas Sonatrach qui n’a pas suivi, s’adaptant au cadre concurrentiel mondial en perpétuel mouvement, encore que des efforts doivent être menés pour réduire les coûts, mais les autres secteurs qui ont privilégié la dépense monétaire au détriment à la fois des réformes de structures et de la maîtrise de leur gestion. D’autant pus que les dernières mesures gouvernementales n’ont pas atteint leurs objectifs permettant d’économiser qu’environ 1,3 milliards de dollars par rapport à la valeur des importations de 2008 qui se sont chiffrées à 40 milliard de dollars, montant auquel il faut ajouter les services ( car il est faux de raisonner par rapport uniquement à la balance commerciale) de plus de 11 milliards de dollars (selon la moyenne annuelle 2008/2009 reflétant la dévalorisation du savoir local et les nouveaux investissements projetés dont les 12 fameux champions industriels au moment où existe une crise manufacturière mondiale sans précédent, ( a t-on fait une analyse en termes d’avantages comparatifs mondiaux ? ) sur autofinancement public ?

Du fait que l’Etat algérien doit être majoritaire dans tout investissement porteur à moyen et long terme, ce qui conduit à une marginalisation du privé national et international, la structure des importations actuelles allant surtout au BTPH, les infrastructures n’étant qu’un moyen et non l’outil stratégique de tout développement qui relève de l’entreprise et son fondement, le savoir au profit des emplois rentes. Aussi, un changement de politique socio-économique s’impose, supposant une profonde mutation systémique et donc l’approfondissement de la réforme globale avec un rôle important pour l’Etat régulateur dans le cadre d’un Etat de droit.

En conclusion, existant des interactions entre la crise financière, économique, sociale et politique, la sécurité nationale étant posée, avec l’épuisement inéluctable dans moins de 20 ans tant du pétrole que du gaz, la période 2010/2013 en Algérie, cela impose justement une autre gouvernance pour atténuer les effets de la crise et de préparer les bases d’un développement durable dont la production et les exportations hors hydrocarbures, mais reposant sur des segments s’insérant dans le cadre des valeurs internationales, loin des intérêts de la rente, important presque tout et n’exportant presque rien hormis les hydrocarbures à l’état bruit ou semi brut avec une chute de plus de 40% pour 2009 par rapport à 2008 avec moins de un (1) milliard de dollars.

Cela démontre que les politiques socio-économiques menées de 1963 à 2009 ont eu un impact mitigé, l’économie algérienne, malgré bon nombre de discours et des dépenses monétaires colossales, restant fondamentalement une économie rentière.

Docteur Abderrahmane MEBTOUL, Professeur d’économie et de stratégie de management