L’Algérie, entre aisance financière et inquiétudes pour l’avenir

Redaction

Présentation du bilan économique 2004/2009, des perspectives 2010/2014 du premier ministre et du gouverneur devant le parlement 20/21 octobre 2010.

Le premier Ministre et le gouverneur de la banque d’Algérie ont présenté le bilan économique devant le parlement les 20/21 octobre 2010. Il s’ensuit les résultats suivants. Au 31/12/2009 les réserves de change ont été 147,221 milliards de dollars (hors droits de tirage spéciaux), la dette extérieure globale a été de 5,413 milliards de dollars, 3,92 milliards de dollars de dette à moyen et long termes et 1,5 milliard de dollars de dette à court terme, les ressources du fonds de régulation des revenus ont atteint les 4316,5 DA à la fin 2009 et les réserves du Trésor environ 4 milliards de dollars au premier semestre 2010. Après avoir enregistré un excédent record en 2008 avec 34,45 milliards de dollars, la balance des paiements a enregistré en 2009 un excédent de 0,41 milliards de dollars et les exportations d’hydrocarbures ont reculé de manière substantielle en 2009 enregistrant 44,41 milliards de dollars, soit une baisse de 42,46% par rapport à 2008.

La Banque d’Algérie a poursuivi l’absorption de l’excès des liquidités bancaires qui se sont stabilisées à 1.100 milliards de dinars par rapport au premier semestre 2009. Les importations ont accusé une légère baisse de 1,5 pc en raison du recul de l’importation des produits alimentaires (11 pc), les autres produits de consommation (30, 4 pc), les produits semi-finis (7,2 pc) et les biens d’équipement industriels (6,5 pc). La croissance économique aurait été de 2,4% du PIB global estimé à 10017,5 milliard de dinars soit 130 milliards de dollars et les secteurs hors hydrocarbures ont réalisé en 2009 une croissance de 9,3 du PIB (une hausse de 3 points par rapport à 2008 ) l’année précédente) dont pour l’agriculture (20%), les services (8,8%), les bâtiment et des travaux publics (8,7%) avec la baisse du taux de chômage (10,2%), le gouverneur reconnaissant que , ces performances hors hydrocarbures « restent tributaires des programmes d’investissement publics alors que l’économie nationale demeure dépendante des ressources en hydrocarbures et des importations ».

En dépit du recul enregistré dans les autres pays, l’inflation, enregistre en Algérie son plus haut niveau depuis dix ans (5,7%), tirée par la hausse des prix des produits alimentaires notamment les produits agricoles frais qui a remplacé l’inflation importée en 2009.
Que penser de ces données ? L’objet de cette contribution est de situer ave objectivité le débat. L’Algérie ne saurait occulter les mutations mondiales , dont la ,nouvelle restructuration productive mondiale, la guerre récente des monnaies , aspirant adhérer à l’organisation mondiale du commerce ( OMC) et étant liée à un Accord de libre échange avec l’Europe, signé en toute souveraineté par le gouvernement algérien, applicable depuis le 01 septembre 2005 postulant un dégrèvement tarifaire progressif allant vers zéro horizon 2017/2020 qui aura un impact sur le choix des projets futurs, les entreprises algériennes étant les plus fragiles du bassin méditerranéen.

Dans cet Accord, l’Algérie s’engage à aller résolument vers une économie de marché qui a ses propres règles de fonctionnement, n’existant pas d’économie de marché spécifique mais des spécificités sociales. Elle s’est engagée d’aller vers la libéralisation de son économie, ce qui saurait signifier ouverture sauvage mais une ouverture maitrisée. Pourtant des divergences se sont manifestées depuis la promulgation des lois de finances complémentaire 2009/2010 encadrant et limitant l’investissement étranger. Dialogue de sourd : l’Algérie reproche à l’Europe le manque d’enthousiasme dans l’investissement invoquant que les baisses tarifaires auraient entraîné un manque à gagner de 2 milliards de dollars en 2009 et seraient de 7 milliards de dollars horizon 2017 selon le document présenté par l’Algérie le 15 juin 2010 à Bruxelles lors de l’évaluation de l’Accord et l’Europe reproche à l’Algérie le manque de visibilité dans les réformes micro-économiques et institutionnelles.

Les contraintes seront plus dures si l’Algérie adhère à l’organisation mondiale du commerce (OMC). Le nombre de questions posées à l’Algérie lors des négociations ayant certes baissé, pour fin 2009, étant passé de 325, à 96, mais restent les questions fondamentales toujours en suspens posées surtout par l’Europe et les Etats-Unis d’Amérique, comme la dualité des prix du gaz, la libéralisation des services, la libre circulation des biens et des capitaux et une nette volonté politique d’accélérer le processus de privatisation des segments concurrentiels.
Concernant la situation socio-économique, je fais le constat suivant :

1.- La population algérienne était de 35,6 millions d’habitants au 1er janvier 2010 et l’Office des statistiques ((ONS) prévoit une population de 36,3 millions d’habitants au 1er janvier 2011. Concernant la structure de la population, la répartition par âge fait ressortir que la population âgée de moins de 15 ans constitue 28,2% de la population totale et celle de moins de 5 ans, 10%, ce qui témoigne de l’augmentation récente de la natalité.

La population active devrait dépasser les dix ( 10) millions et la demande d’emplois additionnelle varierait entre 300.000 à 400.000 personnes par an, nombre d’ailleurs sous estimé puisque le calcul de l’ONS applique un taux largement inférieur pour les taux d’activité à la population féminine, représentant pourtant la moitié de la population active et dont la scolarisation est en forte hausse. Pourtant le taux de chômage officiel est estimé à 10,2% en 2009 contre 11,3% en 2008 mais incluant les sureffectifs des administrations, des entreprises publiques, les emplois dans la sphère informelle et les activités temporaires de moins de six (6) mois en majorité des emplois improductifs refaire les trottoirs ou désherber les routes.

2- Le taux d’emploi est fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité. Selon les données statistiques tant de l’ ONS que le bilan officiel de la situation socio-économique du Ministère des Finances diffusé lors de l’audience du président de la République le 25 août 2010 , malgré une injection massive de la dépense publique , l’Etat dépense 2 fois plus que la moyenne des pays émergents d’Asie avec des résultats deux fois moindres.

Le taux de croissance global de l’économie est relativement faible, sachant qu’un accroissement par rapport à un taux de croissance faible de l’année précédente (ce qui est le cas de l’Algérie) donne toujours en valeur relative un taux de croissance faible même si le taux est supérieur l’année qui suit. Il aurait été de 2% en 2007/2008, 3% en 2009, (contre 5% entre 2005/2006) et selon les prévisions internationales à 4 % en 2010, à 3,5% en 2011 et à 3,6% entre 2012 et 2014. Le produit intérieur brut en valeur nominale est de 154,4 milliards de dollars en 2009 et il est prévu à 161,9 milliards de dollars fin 2010 selon le FMI, montant en contradiction avec celui annoncé par le gouverneur de la banque d’Algérie car il faut raisonner à prix constants et non à prix courants de peu de signification ( déflater par la hausse des prix à la production).

Hors hydrocarbures, le taux de croissance officiel a été pour 2009 de 9,3% contre 6% en 2008 tiré essentiellement par l’agriculture et le BTPH, la loi de finances 2011 adoptée en conseil des ministres le 28 septembre 2010 donnant une prévision pour 2011 de 4% de taux de croissance du PIB dont 6% hors hydrocarbures.

Face à ces données officielles notamment du taux de croissance, l’on peut démontrer aisément à partir du renversement de la matrice du tableau d’échange inter- industriel que la rente des hydrocarbures participe pour plus de 80% directement et indirectement à travers la dépense publique au taux de croissance officiel, ne restant aux seuls créateurs der richesses que moins de 20% dans la création de la valeur. Entre le taux de croissance réel et le taux de chômage officiel, nos calculs donnant un taux de chômage corrigé bien plus important

3.- Pour le gouvernement, le taux d’inflation a été de 1,6 % en 2005, 3% en 2006, à 3,5 % en 2007, 4,5% en 2008, 5,7% en 2009 et 5,4% en glissement annuel pour 2010. Or, selon un document relatif à une étude sur l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, du centre de recherche américain, Casey Research en date du 6 mars 2008, le taux d’inflation en Algérie serait 12 % pour l’année 2008, contre une moyenne de 7/8% au niveau de la région Mena.

Le taux d’inflation officiel repose sur un indice largement dépassé, alors que le besoin est historiquement daté. Un agrégat global comme le revenu national par tête d’habitant peut voiler d’importantes disparités entre les différentes couches sociales. Une analyse pertinente doit lier le processus d’accumulation la répartition du revenu et le modèle de consommation par couches sociales. Certes, le SNMG a plus que doublé en passant de 6.000 à 15 000 dinars ces dernières années, à prix courants, mais devant déflater par le taux d’inflation réel pour déterminer le véritable pouvoir d’achat.

Aussi, une interrogation s’impose : comment est-ce qu’un Algérien, qui vit au SNMG, (140 euros par mois, soit 4 euros par jour alors que le kilo de viande est depuis les six mois de 2010 de 10 euros) fait face aux dépenses incontournables : alimentation, transport, santé, éducation. La cellule familiale, paradoxalement,la crise du logement (même marmite, même charges) et les transferts sociaux qui atteindront plus de 1.200 milliards DA en 2011, soit 18% du budget général de l’Etat et plus de 10% du PIB (taux identique entre 2009/2010) jouent temporairement comme tampon social ?

4- Les exportations pour 97,6% en 2009 représentées par les hydrocarbures libellées en dollars, d’où l’importance d’être attentif aux fluctuations des taux de change au niveau international, ont reculé d’environ 40% en 2009 par rapport à 2008. Selon le bilan de Sonatrach , en valeur, les exportations de l’année 2009 se sont élevées à 44,3 milliards de dollars contre 76,9 milliards de dollars en 2008, les prix du pétrole brut étant, en moyenne annuelle, à 61,5 dollars le baril en 2009 contre 99,2 dollars le baril en 2008. Selon le Centre national de l’informatique et des statistiques (CNIS), du 22 janvier 2010 les exportations hors- hydrocarbures, demeurent très marginales avec seulement 2,4% des exportations globales, soit l’équivalent de 1,05 milliard de dollars, enregistrant une diminution de 46% en 2009 par rapport à 2008.

Concernant justement les importations, dont 60% environ libellées en euros, ( toute augmentation de la valeur d’euros gonflant la facture d’importation) , nous avons assisté à une légère diminution de 0,95%, celles-ci ayant atteint 39,10 milliards de dollars en 2009 contre 39,47 milliards de dollars en 2008, montrant clairement que les mesures édictées dans le cadre de la loi des finances complémentaire n’ont qu’un impact plus que limité sur l’évolution da la valeur de nos importations, l’essence de la hausse des importations étant l’envolée de la dépense publique.

5-Le bilan de l’investissement productif est mitigé. Selon les chiffres communiqués par l’Agence de développement des investissements, ANDI, fin juillet 2010, les déclarations d’investissement local, en termes de projets et non de réalisation, sont passées de 11.000 projets en 2007, à 17.000 en 2008, pour atteindre le chiffre symbolique de 20.000 en 2009 mais avec 1% seulement d’IDE.

De ces projets, les chiffres avancés par l’ANDI, indiquent que ce sont les projets locaux qui sont dominants avec 99% des déclarations de projets. Pour ce qui est de la répartition des projets par secteur, c’est celui des transports qui attire le plus d’investissements depuis 2009 avec 60% en majorité des micro- projets, suivi par le secteur du bâtiment, des travaux publics et de l’hydraulique (16 %), du secteur de l’industrie (10 %), celui de l’agriculture (2 %). Le nombre de projets étrangers déclarés en intention a été de 694 projets en 2008, dont 387 projets dans le secteur de l’industrie pour un montant en valeurs monétaires dérisoire, estimé à 88 millions dinars (moins de 1 million d’euros). D’une manière générale les investissements directs étrangers significatifs réalisés restent insignifiants en dehors des hydrocarbures, avec un déclin en 2009, 4 projets d’IDE.

6-
L’économie se caractérise par un secteur public hypertrophié par rapport au secteur privé et la dominance du secteur informel contrôlant environ 40% de la masse monétaire en circulation moyenne 2008/2009, employant plus de 25% de la population active avec une contribution dans la formation du PIB (produit intérieur brut) hors hydrocarbures de 20 à 25%. Environ 42% des effectifs ne sont pas déclarés et 30% de leur chiffre d’affaires échappent au fisc dépassant 200 milliards de dinars annuellement, soit au cours actuel 2,6 milliards de dollars selon l’UGCAA.

Cette organisation précise dans son rapport de 2009 que 80% des transactions commerciales se font sans aucune facturation, 70 à 80% des transactions utilisent le « cash », comme moyen de payement, que près de 900 000 sur les 1,2 million de commerçants inscrits au CNRC ne payent pas leurs cotisations à la Casnos et que l’approvisionnement des 2/3 de la population provient de la sphère informelle. Et selon le rapport du 15 septembre 2010 suite à l’enquête menée par la Direction générale des impôts (DGI) sur les opérateurs du commerce extérieur environ 11 mille entreprises n’ont pas payé leurs impôts en 2009, sur une liste 29 mille opérateurs interdits de domiciliation bancaire et d’exercer des activités du commerce extérieur.

7- Le pays est fortement dépendant des biens de capital et des biens de consommation intermédiaires et finaux presque tous importés n’ayant pas jeté les bases d’un appareil productif capable d’affronter la concurrence internationale et les tendances relatives des grands agrégats économiques bien que positives, révèlent une macroéconomie sous contrôle relatif. Les hydrocarbures représentent l’essentiel des exportations et la persistance des déficits publics a produit un système d’éviction sur l’investissement productif et une dette publique intérieure et extérieure épongée artificiellement par la rente des hydrocarbures.

Devant être attentif pour toute analyse objective à la balance des paiements et non uniquement à la balance commerciale, le niveau de la dette extérieure à moyen et long terme est estimé à 3,92 milliards de dollars au 31/12/2009 (principal et service de la dette) et le montant poste assistance technique étrangère de 4 milliards de dollars en 2004 à 11 milliards de dollars entre 2008/2009.

Le montant des réserves de change, signe monétaire dues à des facteurs exogènes et non signe du développement, composée des réserves de change à hauteur de 46% en dollars et à 42% en euros, le reste étant constitué d’autres monnaies étrangères à l’image de la livre sterling et le yen japonais, dont 80% environ placées à l’étranger , notamment en bons de trésor américains et européens, ont été estimées à 56 milliards de dollars en 2005, 77,78 milliards en 2006, 110 milliards en 2007 et à 138,35 milliards de dollars en 2008et pour 2009 à 147,2 milliards de dollars US .

8- La dépense publique est passée successivement de 55 milliards de dollars en 2004, à 100 milliards de dollars en 2005 puis à 140 milliards de dollars fin 2006 et qui a été clôturée entre 2004/2009 à 200 milliards de dollars mais faute de bilan on ne sait pas si l’intégralité de ce montant a été dépensé. Quant au programme d’investissements publics 2010/2014, le gouvernement a retenu des engagements financiers de l’ordre de 21.214 milliards de DA (ou l’équivalent de 286 milliards de dollars) et concerne deux volets, à savoir le parachèvement des grands projets déjà entamés entre 2004/2009, l’équivalent à 130 milliards de dollars (46%) et l’engagement de projets nouveaux pour un montant de 11.534 milliards de DA soit l’équivalent de près de 156 milliards de dollars.

Qu’en sera-t-il des restes à réaliser pour les nouveaux projets inscrits au 31/12/2004 à la fois faute de capacités d’absorption et d’une gestion défectueuse ? Face à ces dépenses, le montant du fonds de régulation des recettes géré par le trésor, différence entre le prix réel des hydrocarbures et le prix fixé par la loi de fiances (37 dollars) à ne pas confondre avec les fonds souverains qui sont des fonds d’investissement (le gouvernement algérien ayant écarté le recours à cette procédure), est passé de 4 280 milliards de DA, à fin décembre 2008, à 4 316 milliards de DA, à fin décembre 2009.

En cas d’un cours des hydrocarbures inférieur à 70 dollars à prix constants, et d’un cours de cession du gaz inférieur à 9/10 dollars le MBTU, si on n’arrive pas à mobiliser d’autres fonds à travers d’autres circuits, le déficit du Trésor pourrait atteindre 3615 milliards de dinars dans un proche avenir, ce déficit ne pouvant qu’être couvert qu’à travers le recours au Fond de régulation des recettes qui seront puisés du même fonds, ce qui réduirait ses réserves à 665 milliards de dinars.

La loi de finances 2011 confirme cette tendance lourde , puisque le budget de l’Etat pour 2011, nous avons des recettes pour 2 992 milliards de dinars soit 29,7 milliards d’euros de recettes ( 38 milliards de dollars) contre des dépenses de 6 605 milliards de dinars soit 65, 520 milliards d’euros (88 milliards de dollars), la différence 3613 milliards de dinars , soit 36, milliards d’euros ou 48 milliards de dollars US devant être couverte partiellement par le fonds de régulation des recettes.

Le rapport de la Banque mondiale 2008 remis aux autorités algériennes montre clairement, à partir d’enquêtes précises sur le terrain, la faible efficacité de la dépense publique du programme de soutien à la relance économique. D’où les effets mitigés de la dépense publique et les réévaluations permanentes qui , sans être exhaustif, sont les suivantes : l’existence d’un décalage entre la planification budgétaire et les priorités sectorielles ; l’absence d’interventions efficaces dues à un morcellement du budget résultant de la séparation entre le budget d’investissement et le budget de fonctionnement ; des passifs éventuels potentiellement importants ; des écarts considérables entre les budgets d’investissement approuvés et les budgets exécutés ; des longs retards et des surcoûts pendant l’exécution des projets.

Pour la formulation, l’Algérie utilise un système de classification obsolète avec la lourdeur des procédures qui empêchent la clôture rapide de la période de fin d’exercice pour l’arrêt du budget du fait que le système de gestion budgétaire du pays est inadapté et a besoin d’être considérablement revu , ces surcoûts de transaction étant amplifiés par les longs circuits d’information, avec le chevauchement des responsabilités entre les diverses autorités et parties prenantes (25 commissions ministérielles et 48 commissions de wilaya dans le cas du PSRE).

Le guide de management des grands projets d’infrastructures économiques et sociales élaboré en 2010 par la caisse nationale d’équipement pour le développement (CNED) sur le contrôle financier et la dépense d’équipement, stipulant que toutes les études de maturation des projets devront être validées par la CNED, avant le lancement des projets, et la soumission de toute réévaluation des projets au delà de 15%, à l’aval du Conseil des ministres, contribueront ils à affiner l’action des pouvoirs publics en matière d’efficience des dépenses publiques ? Ces mesures mettront- elles fin au gaspillage des ressources eu égard au surcoût caractérisant la majorité des mégaprojets ?

9- Les banques algériennes n’arrivent pas à concurrencer sérieusement leurs consœurs marocaines et égyptiennes, selon « d’African Business », de septembre 2010, dans son dossier « Africa’s Top 100 Banks 2010. Le système financier algérien est dans l’incapacité d’autonomiser la sphère financière de la sphère publique, cette dernière étant totalement articulée à la sphère publique dont l’Etat est actionnaire à 100%, le privé local ou international étant marginal, et les dernières mesures contenues dans la loi de finances 2010 devraient encore le restreindre.

Après plus de 10 années d’ouverture, le marché bancaire algérien selon le rapport de la banque d’Algérie, de 2009 se compose de six banques publiques et de quatorze banques privées, mais ne devant pas confondre l’importance du nombre de banques privées actives en Algérie, puisque 90% du financement de l’économie algérienne dont 100% secteur public et plus de 77% secteur privé, se fait par les banques publiques avec une concentration au niveau des actifs de plus de 39% au niveau d’une seule banque, la BEA, communément appelé la banque de la Sonatrach. Seulement 10% du financement de l’économie sont pris en charge par les banques privées, (moins de 6000 personnes sur un total d’emplois de plus de 35.000) avec une concentration de plus de 52% toujours pour les actifs pour trois banques.

De ce fait, le passage du Remdoc au crédit documentaire Crédoc, introduit par les lois de finances 2009/2010 comme seul mode de financement, outre qu’il ne garantit pas la traçabilité existante déjà au niveau du Remdoc, procédure normale sous d’autres cieux, peut devenir d’ une efficacité limitée pénalisant bon nombre de PMI/PMI majoritaires en Algérie qui n’ont pas de couvertures financières suffisantes, et obligeant bon nombre de grandes entreprises publiques faute de management stratégique, à des surstocks coûteux. La raison fondamentale est que le système financier algérien bureaucratisé (guichets administratifs) est déconnecté des réseaux internationaux expliquant d’ailleurs le peu d’impact de la crise financière mondiale sur l’Algérie, démontrant une économie sous perfusion de la rente des hydrocarbures, les banques prenant peu de risques dans l’accompagnement des investisseurs potentiels.

10-
Nous assistons à un environnement des affaires contraignant. Dans son rapport du 9 septembre 2010, le World Economic Forum (WEF-Forum économique mondial), classe l’Algérie la 86ème place avec un score de 3,96 pour sa compétitivité. La Deutsche Bank à partir de critères dont la stabilité macroéconomique et socio- politique , la diversité et la solidité du secteur bancaire et financier, le climat des affaires, l’ouverture économique, le cadrage juridique des investissements étrangers qui après avoir estimé dans son rapport de 2007 que l’Algérie est en passe de devenir une puissance émergente au sein de la région du Maghreb, revoit sa position dans son rapport de 2010 et déclassera l’Algérie qui occupe dorénavant le dernier du classement des pays de l’Afrique du Nord, juste devant la Libye.

La Compagnie française d’assurance spécialisée dans l’assurance-crédit à l’exportation (Coface), a mis sous surveillance négative de la note B, environnement des affaires de l’Algérie dans son rapport de fin juillet 2010, précisant que « les politiques restrictives à l’égard des importations et des Investissements Directs Etrangers justifient, la mise sous surveillance négative de la note B environnement des affaire ».

La Coface indique avoir observé depuis juillet 2009, une dégradation du climat des affaires que des dispositions plus récentes n’ont fait que confirmer. «Les mesures prises pour limiter les importations et les sorties de capitaux, pénalisent les opérateurs, en renchérissant et en retardant leurs approvisionnements. Elles ont, en outre, accru le poids d’une bureaucratie déjà trop importante. Le climat des affaires pâtit également et des restrictions s’appliquant aux investissements étrangers, qui rend le pays de moins en moins attractif, alors que l’économie en a le plus grand besoin pour créer des emplois et de la croissance», souligne la Coface.

Ces diagnostics vont dans le même sens que le rapport établi par le groupe de la Banque mondiale (BM) « Investing Across Borders 2010 », soulignant que des lois trop restrictives ou encore désuètes sont des obstacles aux investissements, soulignant que leur mise en œuvre peut engendrer des coûts additionnels pour les investisseurs et celui de Doing Business dans son édition 2010 qui apprécie encore une fois assez négativement l’économie algérienne, notamment dans ses deux chapitres liés au climat des affaires en Algérie soustrayant même deux points à l’Algérie par rapport à 2009, la reléguant à la 136ème place sur les 183 évalués dans le cadre du classement des meilleurs élèves dans le domaine des facilités accordées à l’investissement.

De plus, il est à noter que le classement 2010 ne prend pas en considération les mesures prises dans le cadre de la LFC 2009 intervenues alors que les données du Doing Business étaient déjà collectées, ce qui laisse présager que le classement de 2011 favorisera encore moins l’Algérie. Selon ce rapport, l’Algérie doit d’améliorer sa compétitivité du point de vue de la sophistication des affaires (128ème place), de l’efficience du marché du travail (127ème place), de l’efficience du marché des biens (126ème place), du développement technologique (123ème place), du point de vue des institutions (115ème place) , de l’innovation (114ème place) et de l’enseignement supérieur et de la formation (102ème place).

Le rapport note une détérioration du climat des affaires en 2009 où l’Etat algérien émet des signaux contradictoires particulièrement en matière de la promotion de l’investissement privé national et étranger. A part le secteur des hydrocarbures, celui des télécommunications, certains segments des services à rentabilité immédiate, l’Algérie ne semble guère intéresser les investisseurs étrangers.

11-
L’indice du développement humain beaucoup plus fiable que le produit intérieur brut (PIB), voilant d’importantes disparités tant intersectorielles que socio- professionnelles lui préférant l’indice du développement humain, indicateur beaucoup plus fiable où l’Algérie a perdu 4 places, passant de la 100 ème place, en 2008, à la 104ème en 2009, lit-on dans le rapport du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) de 2010.

C’est ainsi que l’Algérie est classée parmi les pays dont le développement humain est qualifié de moyen. Cette détérioration de l’indice du développement humain est corroborée officiellement par une enquête réalisée par l’Office national des statistiques en 2009, qui précise qu’au quatrième trimestre de l’année 2009, plus de la moitié de la population en activité était dépourvue de couverture sociale, et 50,4% de l’ensemble des travailleurs n’étaient pas déclarés à la Caisse nationale des assurances sociales (Cnas).

Sur les 9.472.000 occupés, enregistrés au 4e trimestre de l’année 2009, 4778.000 personnes ne sont pas affiliées au régime de la sécurité sociale, soit un occupé sur deux. L’enquête fait apparaître que près de cinq millions d’Algériens sont en situation de précarité, ne pouvant ni se faire rembourser leurs frais médicaux et encore moins de pouvoir bénéficier d’une retraite décente puisque les entreprises qui les emploient ne s’acquittent pas de leurs frais de cotisations.

L’ONS montre que le phénomène touche en priorité le monde rural dont la proportion a atteint les 60% tandis qu’en zones urbaines les travailleurs non affiliés à la caisse de sécurité sociale représentent 46, % de la population activant au noir, avec 89% dans le secteur de l’agriculture et 79,8% dans celui du bâtiment et des travaux publics. Cette situation, si elle venait à persister, fragiliserait la situation des finances de la Caisse nationale des assurances sociales(CNAS) et mettrait indiscutablement en danger l’existence même du système de régime des retraites en cas de chute des recettes des hydrocarbures.

12- Dans le cadre, de la bonne gouvernance, l’organisation internationale Transparency International dans son indice de perception de la corruption dans son rapport annuel paru le 17 novembre 2009, classe, ironie de l’histoire, l’Algérie et l’Egypte sur un même pied d’égalité comme les pays connaissant un haut degré de corruption avec un score déplorable de 2,8 sur 10, tous les deux se retrouvant à la 111ème place sur 180 pays. L’on sait que les auteurs de l’IPC considèrent qu’une note inférieure à 3 signifie l’existence d’un « haut niveau de corruption au sein des institutions de l’Etat » et que des affaires saines à même d’induire un développement durable ne peuvent avoir lieu, cette corruption favorisant surtout les activités spéculatives.

Ainsi, l’Algérie par rapport à 2008, chute de 3,2 à 2,8 sur 10 allant de la 92ème place en 2008 à la 111ème en 2009, perdant 20 places, ce qui la ramène à l’année 2005 où elle avait obtenu une note de 2,8 sur 10. Toujours au niveau des rapports internationaux, une récente étude datant de mars 2010 réalisée par la Global Financial Integrity (GFI) et publiée à Washington DC (USA), a classé l’Algérie au troisième rang au niveau continental, des pays ayant un haut débit de sortie financière illicite.

Intitulée « les flux financiers illicites en provenance d’Afrique: ressource cachée pour le développement », l’étude s’est concentrée davantage sur les sorties financières illicites d’une seule source » mauvaise évaluation des prix du commerce ». Réalisée sur la période s’étalant de 1970 à 2008, cette étude a relevé que l’Afrique a perdu plus de 1,8 billions de dollars de sorties financières illicites en plaçant le Nigeria au sommet de l’échelle avec 89,5 milliards de dollars, suivi de d’Egypte (70,5), l’Algérie (25,7), le Maroc (25), et l’Afrique du Sud (24,9).

Ainsi, le flux massif de capitaux illicites hors de l’Afrique dont l’Algérie est facilité par un système d’ombre financier mondial, comprenant les paradis fiscaux, territoires à secret, les sociétés déguisées, les comptes anonymes et des fondations fictives Selon la même étude, cette sortie de fonds épuise les réserves en devises, accroît l’inflation, réduit les rentrées fiscales, annule l’investissement, et compromet le libre-échange. Son plus grand impact a été relevé, notamment, sur ceux qui sont au bas des barèmes de revenus dans leurs pays, la suppression des ressources qui pourraient être utilisées pour réduire la pauvreté et la croissance économique.

Ce rapport insiste sur la nécessaire transparence pour restreindre la tendance de cette sortie de fonds et également la concertation internationale autour de ce phénomène, car, s’il y a des pays corrompus il y a forcément des pays plus corrupteurs que d’autres.

13- Face à cette situation, nous assistons tant à une instabilité juridique perpétuelle qu’à un changement de politique économique, facteurs liés, qui limitent les secteurs dynamiques et découragent les entrepreneurs publics et privés dans le cadre de l’allocation sectorielle d’investissement, les orientant vers les activités spéculatives. Du point de vue organisationnel, après les sociétés publiques (1965/1997), en 1988, l’Etat crée 8 fonds de participation qui étaient chargés de gérer les portefeuilles de l’Etat et en 1996, 11 holdings en plus des 5 régionaux avec un Conseil national des privatisations.

En 2000, nous assistons à leurs fusions en 5 méga holdings et la suppression du Conseil national des privatisations. En 2001, l’Etat algérien dissout les holdings et met en place des sociétés de gestion des participations (SGP) chargées à la fois de la privatisation et les capitaux marchands de l’Etat, dont 11 établissements financiers relativement autonomes.

Lors de différents Conseils de gouvernements tenus durant toute l’année 2007, une nouvelle organisation est proposée par le ministère de la Promotion de l’Investissement, ( les deux grandes sociétés hydrocarbures Sonatrach et Sonelgaz, régies par des lois spécifiques n’étant pas concernées), articulée autour de quatre grands segments : des sociétés de développement économique qui relèvent de la gestion exclusive de l’Etat gestionnaire ; des sociétés de promotion et de développement en favorisant le partenariat avec le secteur privé international et national ; des sociétés de participation de l’Etat appelées à être privatisées à terme; et enfin, une société chargée de la liquidation des entreprises structurellement déficitaires.

Courant février 2008, cette proposition d’organisation, qui n’a pas fait l’unanimité au sein du gouvernement et certainement au niveau de différentes sphères du pouvoir, est abandonnée. Aussi, après la feuille de route que s’était tracée l’ex ministre de l’Industrie et de la Promotion des investissements (MIPI), n’ayant pas recueilli le consentement, annonce officiellement fin 2009, la dissolution prochaine des SGP devant revenir à l’ancienne tutelle des Ministères.

Parallèlement, l’on assiste au gel des privatisations, dont d’ailleurs , le bilan est dérisoire faute d’un non consensus au niveau des différentes sphères du pouvoir, puisque 477 sociétés ont été privatisées depuis 2003 sur plus de 1200 jusqu’au premier trimestre de l’année 2008 concernant des unités marginales,ayant permis au trésor public seulement 140 milliard de dinars (1,8 milliard de dollars). Cette évolution organisationnelle des capitaux marchands de l’Etat, ne peut être séparée des différentes politiques économiques entre 1963/2010. Ainsi face à cette situation le gouvernement algérien depuis 2009 entreprend une nouvelle réorientation de sa politique économique.

En conclusion, les nouvelles mesures projectionnistes permettront –elles de relancer l’outil de production et les entreprises nationales, pourront-elles répondre aux défis liés à la réalisation du programme de développement national 2010/2014 de 286 milliards de dollars analysé précédemment ? Doit-on continuer toujours d’assainir ou n’est-il pas préférable de projeter des investissements nouveaux pouvant tenir tête à la concurrence internationale ? Les entreprises locales profiteront –elles de cette situation de rente pour pousser à une meilleure intégration et combien d’entreprises publiques et privées locales ont –elles des laboratoires de recherche appliquée digne de ce nom y compris Sonatrach ?

Aussi, de plus en plus d’experts algériens recommandent qu’au lieu de cette vision juridique peu opérante des 49/51% lui soient substitués la balance devises excédentaire et l’apport technologique et manageriel pour tout investissement étranger. A cela s’ajoute la nécessaire cohérence et visibilité qui sont les principes cardinaux du monde des affaires. Faute de quoi, ces mesures auront un impact très mitigé sur l’accumulation c’est-à-dire le développement futur du pays.

Après une période d’ouverture 2000/2007, depuis 2008/2010, l’Etat algérien affiche nettement une volonté de retourner au tout Etat gestionnaire en restreignant les libertés économiques. Le pouvoir d’Etat veut tout régenter, limiter l’autonomie des entreprises publiques, soumette le secteur privé local à sa propre logique et également limiter le secteur privé international avec une logique essentiellement administrative juridique- (participation majoritaire dans le capital) invoquant le contrôle des secteurs stratégiques sans délimitations précises.

Toutes les actions depuis 2009, semblent aller dans ce sens, comme en témoigne le gel de l’autonomie des entreprises publiques avec une gestion administré, les gestionnaires publics attendant les ordres d’en haut et de surcroît sans planification stratégique des autorités de tutelle. De nombreuses sociétés à capitaux publics sont retournées depuis 2009 dans le giron des ministères de tutelle, mettant fin de fait à leur autonomie. Ce retour au dirigisme inquiète les gestionnaires du secteur public.

Selon nos enquêtes auprès des gestionnaires publics, les réponses fréquentes sont les suivantes : « nos clients sont nos chefs. Ils nous donnent du travail et des ordres. On ne peut pas les contredire, contester une décision, ou refuser un projet parce qu’il n’est pas rentable. On ne peut pas traiter avec eux sur une base économique ; le dirigisme signifie que le politique va primer sur l’économique. Plus inquiétant, des informations font état de la volonté du gouvernement de réduire au maximum les prérogatives des gestionnaires publics au profit des ministres.

Cette politique fait peur aux gestionnaires publics qui prennent le moins possible d’initiatives pour éviter de se retrouver en prison. Or la définition de l’entreprise et du manager c’est la prise de risque et sans cela l’on ne peut aller à l’innovation et conquérir des marchés où la concurrence internationale est vivace. Et dans ces conditions est-il possible de préparer l’après hydrocarbures ? Il s’agira d’éviter les graves dérives et dangers de l’économie prédatrice et mafieuse afin qu’entre 2010 et 2015, l’Algérie puisse doubler le produit intérieur brut, soit 320 milliards de dollars à prix constants 2010, avec une diminution des sections rentes si elle veut éviter de graves dérives sociales et politiques. Pour cela la bonne gouvernance à tous les niveaux sera déterminante.

Les réformes impliquent donc une société où domine un Etat de droit, où c’est la norme du droit qui devrait reprendre sa place pour légitimer le véritable statut de la citoyenneté. Le passage de l’Etat de « soutien » à l’Etat de droit est de mon point de vue un pari politique majeur car il implique tout simplement un nouveau contrat social et politique entre la Nation et l’Etat.

En bref, la présentation du bilan économique 2004/2009 avec le manque de visibilité entre 2010/2014 du gouverneur et du premier ministre devant le parlement montre clairement un paradoxe : une aisance financière, du moins à court terme, grâce à des facteurs exogènes et non d’une bonne gouvernance et des inquiétudes pour l’avenir de l’Algérie.

Docteur Abderrahmane MEBTOUL , économiste