Algérie : l’école entre la bêtise et l’idéologie

Redaction

Même si l’école demeure la question magistrale qui occupe le quotidien algérien, notre pouvoir vient de procéder à un bâclage sous forme d’une réforme tant attendue dans l’espoir de greffer un savoir loin de ces doctrines qui fanatisent nos enfants pour assurer un perpétuel engourdissement national, en éternisant une dictature unique dans sa damnation.
Cette fuite intentionnelle du président devant ses promesses de réviser des dossiers aussi sensibles, nous fait croire à l’impossibilité d’une sortie salvatrice de ce gouffre dont les Baâthistes en sont les fossoyeurs. Un cauchemar saugrenu remplace le victorieux rêve du peuple, celui de satisfaire ses espérances. Le cycle obturé de l’injustice est capable de légitimer le mensonge implicitement inclus dans la constitution. Le reniement ethnique a été longtemps un instrument coercitif de nos potentats. Ceux qui ont enduré les terreurs de la guerre ont bien sondé la valeur de la paix. Notre envergure de nation menacée d’abord par la négation identitaire ne cesse de s’émousser. Le phénomène du terrorisme dont l’âge dépasse celui de la révolution témoigne suffisamment de la précarité des fondements instaurés à l’aube de l’indépendance.

Beaucoup d’encre a été versée, d’acerbes critiques sont faites à propos du système éducatif. Cette composante de la nation vouée à la défaite outrepasse le seuil du silence atteint l’apogée de la dangerosité. Sans coup férir, ce domaine dont le rôle est multidimensionnel demeure un projet qui n’inquiète personne, ni la tutelle censée être fournisseuse de savoir ni le citoyen qui consomme en toute niaiserie les coups combien implacables. Ce qui a provoqué cette corrosion cérébrale au sein de nos étudiants, cet éclatant hébétement dans les rangs des écoliers. Des attestations d’agrégation, des certificats de licence sont fautivement distribués sans référence aucune, mettant nos jeunes au fourvoiement le plus atroce pour devenir la proie d’un dogme qui a affecté tous les autres secteurs. La société assiste à son autodestruction tout en applaudissant à une révolution scolaire qui s’approprie l’empreinte d’une continuité. L’actuel système éducatif est appelé à être reconsidéré après l’échec organisé de l’école que l’abêtissement a décimée et la sottise a envahie. Les programmes inoculés ne sont en fait qu’une chaîne de connaissances dont les anneaux sont entrecoupés de messages de violence, des appels à la dissidence sous forme de textes de lecture émaillés de valeurs religieuses au service d’une secte dont les adeptes s’entretuent prêchant l’intolérance. En leur abolissant les concepts réels de la civilisation, nos enfants vivent intellectuellement dans un monde médiéval avec tous les attributs de la rétrogression. Une vacance spirituelle véhicule affreusement des conduites biscornues qui tendent à colporter toute forme de trivialité. Une étrange haine pour les études accompagne ces élèves durant leur parcours scolaire, avec l’absence incessante de la pédagogie, cette science de l’éducation très nécessaire pour l’accomplissement de la pointilleuse besogne de l’enseignement.

La question éducative de notre pays reste l’otage d’un obscurantisme sous l’effet destructeur de la religion. Le recours de notre Etat aux méthodes machiavéliques pour se pourvoir d’une longue pérennité dans le règne interprète cette infernale démarche à fructifier la bêtise sans la moindre réaction qui pourrait l’anéantir. La morbide conception des programmes scolaires algériens dissimule un danger en matière d’orientation spirituelle, chose qui rend les concepts de la civilisation prisonniers d’une combinaison dont les buts ne servent que les régimes en place. Le cas de l’école algérienne demeure un parangon fulgurant de la dérive multidimensionnelle de la nation, une école que la doctrine arabo-baâthiste a nécrosée de par son obédience immobiliste qui vise le noyau génésiaque de ce peuple. La teneur maladive des programmes de l’éducation islamique ainsi que son volume horaire qui outrepasse les limites de la raison, élucide clairement cette volonté de circonvenir les masses estudiantines aux confins de l’extrémisme et qui reste le chantier patronné par nos décideurs échafaudant une menace certaine pour les générations innocentes de ce pays. L’école fait partie de ces moyens de réalisation des projets fanatiques pour juguler tout mouvement d’innovation, empêcher l’évolution culturelle du pays.

Disserter sur l’école me paraît être un thème dont les maux réclament une urgence thérapeutique. La gravité qui menace notre éducation dépasse la solution de la réforme récemment entreprise par le président de la république. Le contenu culturel de ces programmes dénote nettement la conformité de la fabrication didactique des leçons avec les fins politiques du régime. Loin d’être optimiste, le cadre enseignant est poussé par les contraintes de la vie à devenir un fonctionnaire sous les auspices de tous les gouvernements infinis depuis la naissance interceptée de la démocratie. Une sorte de contradiction se manifeste entre la volonté de réformer l’école pour arrêter cette dérive massive de la nation et l’omission préméditée de l’Etat à assister l’instituteur sur les plans financier et pédagogique, tout en l’incitant à la création. Un besoin matériel manque énormément à cet enseignant, ce messager de toute l’humanité. Cette décision de réforme éclaircit parfaitement la faillite longtemps soutenue du fondamental comme seul procédé de bricolage qui a succédé à l’ancien système d’enseignement général adopté dès l’indépendance. Les cadres, produits de ces établissements, du premier palier à l’université, sont irréparablement réduits à des foules de handicapés ornés de diplômes de baccalauréat, de certificats de licence dont le niveau intellectuel laisse à désirer, des carences en matière de savoir résument bien l’incompatibilité de la connaissance imposée avec les exigences des temps modernes. La parfaite maîtrise des langues prescrites, à savoir l’arabe et le français, qui est certainement indispensable pour accéder à l’évolutif monde de la communication est maculée de déficience, peinte de platitude, chose qui démontre incontestablement la grave panne tramée du mécanisme scolaire algérien. L’usage dominant de la langue arabe dont le volume horaire excède ses buts linguistiques soumet le pays au cataclysme périlleux de l’intégrisme, outre le caractère archaïque de cette langue qui oblige paradoxalement nos élèves à s’adapter avec les mentalités tribales, antiquement transmises par le canal ténébreux de l’ignorance. Notre vision des choses, maintenue par l’effusion profuse de l’erreur, rend impossible notre intégration à l’inéluctable projet de la mondialisation. Un fossé de chimère nous sépare éminemment d’autres nations scientifiquement prêtes à affronter toute fortuite métamorphose de la vie. La sensible gestion des écoles assignée aux directeurs dégénère en une tâche de plaisance. Des injonctions arbitraires sont intimées aux enseignants diligents de se mettre au diapason des paresseux. Un malaise autrefois localisé ne cesse de ronger nos laboratoires d’esprits. Les procédures d’inspection telles que remarquées dans quelques circonscriptions divulguent la partialité de quelques inspecteurs qui établissent une discrimination entre les enseignants en exécutant un certain népotisme en fonction des relations. Les visites d’inspection qu’ils effectuent dans le but de contrôler, orienter et promouvoir les instituteurs de très grandes facultés à élever un citoyen positif deviennent le privilège de quelques-uns dont ceux qui usent de moyens douteux pour corrompre la personne de l’inspecteur par des formules de séduction afin d’obtenir des faveurs au détriment de la vraie productivité scolaire qui mettent toutes les générations en péril. Les points d’inspections, devenus le souci suprême des uns et l’intention unique des autres, octroient aux inspecteurs le droit de doter ses amis dans la tribu des enseignants en matière de points en troquant la noblesse de ce métier contre les services qui lui seront rendus par les fossoyeurs de l’enseignement national. Des éloges hypocrites ornent les rapports de nos chefs comportement qui rend l’ânerie une vertu influente consolidée par l’impéritie ovationnée de nos directeurs. D’anciennes procédures d’inspection sont, à ce jour, maintenues, celles basées sur un contrôle sommairement élaboré qui divulguent une déficience perceptible en matière de la déontologie où la majeure partie de nos inspecteurs recourent à l’instrument répressif comme seul moyen de s’affirmer au foyer sublime de la bienveillance. Ce digne titre à qui on a scandaleusement alloué la particularité du bricolage a contribué dans l’expansion ségrégative du favoritisme. Les enseignants soumis à l’examen de ces responsables sont sévèrement sommés d’embellir leurs documents, enjoliver leurs répartitions à la limite de la perfection, tout en dédaignant la véritable évaluation de l’instituteur à travers ses élèves qui sont réellement un repère infaillible afin d’estimer le rendement scientifique et pédagogique de cet enseignant. Une liberté de ruiner dans les écoles est tolérée par les circulaires tantôt ministérielles, qui prônent une insouciance exécutée par le truchement de nos responsables dont l’opportunisme sert fertilement le pouvoir en place, et tantôt intérieures qui pullulent quotidiennement à l’encontre d’excellents éducateurs qui pâtissent des tourments ineffables de la jalousie.

Une guerre sans nom est livrée contre le génie des uns et le dévouement des autres, ce qui permet aux médiocres d’émerger et aux débiles de gérer les administrations les plus délicates. Une singulière lutte pour le triomphe de la bêtise suit cette exécrable intronisation de la médiocrité. Le radotage remarqué dans la charge instructive des leçons décèle les retombées désastreuses de l’idéologie opinée perfidement afin d’élever un citoyen privé de raisonnement, dépouillé de sapience et doté de férocité en l’absence de vraies bases pédagogiques. L’aspect suranné du savoir inculqué rallie concurremment le manque remarqué en formation. Les compositions de chaque trimestre opérées comme formalité d’évaluation perdent de leur efficacité et deviennent un stratagème imparable qui immunise une dense couche d’enseignants contre toute éventuelle accusation émanant de la société. Le phénomène du gonflement de notes s’est mué en un acte étrangement primé par la tutelle, ce qui démontre indéniablement la nuisance voulue du système éducatif algérien. L’annulation de l’examen de la 6ème a permis à l’engourdissement d’hypothéquer l’avenir de ces milliers d’écoliers. Des cellules dites de réflexion sont alors composées d’éléments dont le rôle est de courtiser leurs supérieurs en recourant solennellement à tous genres de louanges pour sauvegarder leurs intérêts mutuels. Des encouragements d’obligeance sont d’ailleurs fautivement distribués par nos inspecteurs à l’adresse d’instituteurs dont la relation dépasse celle de la confraternité en défiant même l’ordre de mérite. Or, des enseignants de très grande valeur demeurent dépréciés en vertu de leur refus de plier devant les tentatives de corruption de la famille régnante sur le trône de chaque circonscription. Des promotions incompréhensibles s’accomplissent dans le corps de l’éducation en haussant les plus faibles au plus culminant sommet de la hiérarchie. Le plaisir d’éliminer notre crème se manifeste chez nos directeurs, leur qualité de pédagogue dégénère en celle de persécuteur au service absolu de l’ignorance. Rendre hommage à tous les enseignants victimes de l’oppression inique de l’administration est un impératif qui m’accule à dénoncer les manigances sataniques de certains responsables, poussés par l’obsession de régner sur les écoles publiques aux confins de l’indicible.

Un rabais retentissant gagne le milieu juvénile, où le sacrifice pour la culture devient crânement opprobre et déshonneur. Le recours à la matière justifie la transmutation graduelle des écoles en des lieux où s’effectuent quotidiennement les transactions commerciales du genre business dont la tutelle est complice. Des échanges frauduleux de service se pratiquent réglementairement au sein des directions de l’éducation où le simple planton participe ostensiblement dans les affaires administratives, en s’ingérant complaisamment dans les mouvements de mutation. Une fâcheuse manie de corrompre la noblesse de l’enseignement s’est aisément installée, puis promue par l’infiltration voulue d’une pègre dans les différentes hiérarchies de l’éducation, provoquant à la fois l’exil forcé des compétences et une négligence politique d’une flagrance qui crève les yeux. Tandis que les médiocres prennent la cadence d’émérites penseurs, des concepts anachroniques resurgissent sans aucun préalable diagnostic. Les examens de tous les niveaux sont ternis de fraudes exhibant la crédibilité de l’Etat au péril, où les épreuves de chaque matière sont sujettes à la vente. Des gains onéreux proviennent d’ailleurs de ces magouilleuses combines. La conscience professionnelle s’est transformée, par le courant de la nonchalance, en un sentiment inerte, voire indifférent. Une situation anarchique apparaît lors des compositions. Le passage des élèves d’un palier à l’autre s’opère sournoisement en usant de la supercherie comme moyen de disculpation, une façon de dissimuler les forfaits coupables et taire la flemme gratifiée des enseignants malicieux. Une joie mensongère est pompeusement stimulée chez les candidats. Leur admission frelatée aux niveaux supérieurs les prédispose à tous genres de malheur, dont l’exclusion précoce qui guette d’importantes masses estudiantines. Cette procédure à laquelle se réfère l’administration atteste catégoriquement le déplorable gâchis organisé criminellement par nos supérieurs. Des lacunes en vrais sondages ont fini par reconvertir les établissements en des baraquements de garderie, et l’enseignant en employé de surveillance. Un semblant de réussite se dérobe derrière l’illusion qui entoure la naïveté sainte de nos élèves ; ce qu’ils reçoivent comme éducation attribue aux écoles l’aspect de pénitenciers où les carences en matière de morale se marient avec le déficit alarmant en exemple. Une sérieuse fissure d’entente entre l’enfant et son maître inculpe ce dernier d’avoir failli à son devoir de pédagogue. La nouvelle vague d’enseignants nommés par le ministère concerné, dans le cadre de l’emploi de jeunes, témoigne distinctement de la précarité décidée des fondements du système éducatif algérien. Cette insuffisance de formation indique sans traitement la nature problématique de la question éducative. Une cauteleuse rivalité entre écoles est dopée par la tutelle. Des querelles réciproques procèdent de chaque collectif vers le clan adverse. Ainsi, une atmosphère de dissension s’étend gratuitement au giron sacré de la morale. Un grégarisme raciste prend forme dans la famille éducative. Des nuances de spécialité divisent intentionnellement les collègues en arabophones et francophones en aboutissant à une adversité assurément dévastatrice. Un déséquilibre fraternel se voit fortement à travers le clanisme des uns et la neutralité des autres. La vertu du travail reste menacée jalousement par la méconnaissance nocive des responsables. Une révolte répartie entre l’aversion pour les virtuoses de l’enseignement, et le ressentiment incontrôlable contre les succès fructueux intervient telle une peste incurable baptisant cette fonction de maudite. L’enseignant algérien fête chaque année sa journée mondiale dans un climat d’anarchie programmée, avec le même pessimisme qui dérive de l’ingratitude flagrante de toute l’administration. Une fissure non encore identifiée continue de s’élargir entre l’objectif de l’enseignement et les moyens d’aboutir à une instruction qui se marie avec les métamorphoses des périodes contemporaines.

Le bradage comminatoire de l’éthique épouse les valeurs morales de la société qui vit pleinement sans repère. La méfiance tonifiée compose la devise illustre des gens, résultat programmé d’un divorce célébré entre le citoyen et sa propre identité. La haine patriotique, initiée déjà prématurément à l’école, sous l’effet pernicieux des idéologies, germe morbidement acculant l’algérianité atavique aux risques moribonds de la dégénérescence. Les figures emblématiques de la révolution encourent le mépris des siens, les uns condamnés à n’être plus cités ni dans les manuels scolaires ni connus par les générations descendantes en dépit de leur indéniable abnégation. D’autres honteusement insultés à titre posthume. Une vengeance aiguisée par la rancune remet en cause les mémoires orgueilleuses de nos héros. La liberté acquise par le peuple devient une propriété restreinte de quelques-uns. Le retard accusé des solutions cultive le pessimisme. Un pourrissement s’empare de plus en plus des institutions sensibles du pays. Le phénomène du suicide prend gravement de l’ampleur, parallèlement aux crimes de lèse-société perpétrés par les fous du dieu, la course au suicide intensifie l’allure létale dans les rangs des adolescents. Le silence inquiétant des autorités rejoint pareillement la scabreuse surdité des médias publics, c’est comme si le deuil quotidien des uns excitait la joie coupable des autres. Ce récit dont la teneur aborde un souci surplombant qu’est l’école, démasque un système d’instruction conçu pour la seule préjudiciable visée qu’est l’aveuglement du peuple. L’école reste malgré ces réformes de façade le cercueil de l’intelligence algérienne. Les réformes promises par le président continuent d’être un dégrisement qui exhibe ouvertement l’inconséquence criminelle de nos décideurs et leur volonté de brader la fortune culturelle de ce peuple.

Chekri Rachid,

Enseignant-écrivain, école Sidi Ali Nouvelle, Akbou.
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