Agoniser dans un accident de la circulation est devenu un risque permanent pour tout usager de la voie publique. Il n’y a pas un jour en Algérie où les médias n’annoncent pas un accident de la route. Les statistiques du ministère des Transports, signalent en moyenne, 40 000 accidents de la circulation routière par an, entraînant plus de 4 000 morts et 60 000 blessés.
Par ailleurs, un bilan émanant de la gendarmerie nationale a fait état pour ce premier trimestre 2013, de 692 personnes décédées et 9310 autres blessées dans 5498 accidents. Ceci fait ressortir une hausse du nombre de blessés (+200 cas) et d’accidents (+170 accidents) par rapport au 1er trimestre 2012, période similaire. Tout un chacun peut alors estimer le nombre de familles éplorées, endeuillées, plongées dans le désarroi, chaque jour, chaque trimestre. En sus, il apparaît que ce bilan ne prend pas en compte celui réalisé par les services de police dans les zones urbaines.
Notons que si les services concernés par les accidents de la route sont nombreux et disposent de sites Web, aucun de ces derniers n’offre des informations riches, un contenu didactique sensibilisateur ou des statistiques actualisées, à l’image du piètre site du Centre National de Prévention et de Sécurité routière (CNPSR).
D’autre part, nous ignorons le nombre d’handicapés à vie, d’orphelins, de veuves, de dégâts psychologiques et autres retombées qui en résultent. Il est donc insupportable de voir les nôtres vivre le restant de leur vie rivés à des chaises. Les accidents de la route en Algérie tuent plus que tout autre fléau ou maladie, et leur nombre élevé est dû surtout au non-respect des principes élémentaires du code de la route, dont l’excès de vitesse en premier lieu, qu’à l’état du réseau routier. La vitesse et les tombes, sans cesse l’hécatombe. Quelle stupidité un homme amputé, un bambin rendu orphelin !
Des gens de tout âge, les jeunes en particulier, imbibés d’inconscience, s’imaginent que la puissance d’une machine est la leur, et s’identifient à sa force et à sa « beauté » ; des pressés, stressés qui évacuent leurs frustrations, se croyant protégés à l’intérieur d’une caisse en métal.
Dans ce sens, des auteurs en Europe ont dégagé les facteurs psychologiques de la prise de risque dont la recherche d’une excitation ou de son propre dépassement, le besoin de valorisation de soi à ses propres yeux et aux yeux d’autrui, la libération de l’agressivité à l’égard des autres et de soi-même et le besoin de compétition. Le jeu de la mort est muet lorsqu’on a les mains, parfois une seule, sur le volant et le pied sur le « champignon ». Et puis quand le drame survient, ce sont toujours les autres qui en sont responsables. Et c’est Allah Ghaleb, alors que Dieu ne conduit pas à notre place, nous dote, non pas de pattes, mais de mains, de pieds et de neurones. Pourquoi ce zèle du conducteur à vouloir glaner quelques minutes de son temps, en enfonçant l’ accélérateur, risquant ainsi d’abréger sa vie, et quittant ceux qui l’aiment, qu’il aime et qui ont besoin de lui ? Vraiment macabre de finir plaqué contre un tronc d’arbre, désolant d’être guidé par un volant.
De plus, les dégâts matériels engendrent d’énormes pertes économiques évaluées annuellement à 100 Milliards de dinars auxquelles il faudra ajouter celles occasionnées pour la mobilisation complémentaire des services de sécurité, de la Protection civile, des services de Santé, de la Justice et d’autres structures qui ont tous, d’autres chats à fouetter. Ça doit faire beaucoup pour la facture et la fracture sociales.
Que faire alors ? Mieux Sensibiliser puis réprimer ? Revoir la législation ? Améliorer le réseau routier et le parc auto ? Renforcer logistique et moyens ? Oui, probablement tout à la fois. Car la sensibilisation tous azimuts peut juguler ce fléau. Oui, appliquée sans discrimination, la répression est un élément de la solution. Il faudra pulvériser l’exubérance de l’indiscipline quasi généralisée déclenchant la déroute sur nos routes, mais avec une réglementation qui ne soit pas à géométrie variable. Pénale ou pécuniaire, la sanction est nécessaire. L’incivisme s’estompe si on pioche dans les poches. De plus, un bon pactole en faveur du Trésor. Car c’est ainsi que ça marche sous d’autres cieux.
La solution nécessite néanmoins études, évaluation, analyse des données relatives à cette calamité et coordination entre les divers services concernés. Autrement dit, il s’agit de gouvernance et de pilotes dans la voiture Algérie. Afin que le papa gâteau soit contraint à mieux contrôler son gosse et ses clefs, la voiture n’étant pas un joujou. Que les chauffards soient redressés, car ils ignorent peut être que leurs moutards peuvent faire aussi les frais d’un cruel imprévu. Que les piétons respectent la signalisation ; on ne traverse pas une chaussée n’importe où, n’importe comment. On ne délaisse pas le trottoir parfois vide en s’appropriant la chaussée et narguant conducteurs et engins, bien que par endroits, ces espaces publics normalement exclusifs aux piétons sont accaparés par des étalages anarchiques de commerces formels et informels, et parfois de voitures aussi. L‘inversion des fonctions.
Enfin, les statistiques étant ce qu’ elles sont, il n’est pas besoin de savoir prédire, pour dire, que chaque jour à venir, en raison de nos routes sanglantes, il faudra creuser une douzaine de tombes supplémentaires, pour y enfouir des corps entiers, estropiés ou broyés, puis voir nos hôpitaux déjà malades, ployés ou noyés, s’encombrer d’un supplément d’au moins une centaine de blessés. D’année en année, que de dégâts humains superflus, face à l’homme, ce robot qui tue ! En somme, bien conduire et bien se conduire, sinon périr ou du moins souffrir. Ou faire souffrir. Il y a le choix et pas d’embarras. Car vraiment pas beau un homme transmuté en robot, pas du tout cocasse de finir sous une carcasse. Quelle mélasse !
Rachid Brahmi