Mesdames et messieurs, je vous écris ces quelques mots, car je pense qu’il le faut. Des mots d’un père et d’un enseignant aux parents. Vous savez tous que les examens de Bac de cette année ont été entachés d’une tricherie collective, accompagnée de menaces, de dégradation de biens et autres troubles. La presse a rapporté la position des responsables de l’ONEC et celle de l ‘un des présidents, de l’une des unions des associations nationales de parents d’élèves.
Pour ne pas reprendre, point par point, les précisions de l’ONEC, et allonger le texte, cet organisme qui chapeaute les examens, en tant que juge, affirme que les cas de tricheries ont été étudiés au cas par cas, et parfois à un retour au cursus scolaire du candidat. L’ ONEC rappelle que « les sujets proposés à l’examen du BAC étaient à la portée de l’élève moyen et inspirés des cours au programme, dispensés tout au long de l’année » et que « contrairement aux sujets des autres matières, l’épreuve de philosophie comportait trois sujets au choix et sur des thèmes différents ».Cet office note que « les sujets d’examens sont sélectionnés par tirage au sort sur un nombre important d’autres ficelés par les enseignants ».
Concernant les doutes émis par certains élèves qualifiés de tricheurs l’ONEC précise « qu’ils peuvent formuler des demandes de « révision » des décisions des commissions de délibérations au niveau de l’établissement secondaire ou la direction de l’éducation ».L’ONEC affirme encore que « le traitement de la question est intervenu conformément à la logique et dans le cadre des lois régissant l’examen », et que « l’enquête sur les cas de tricherie « a été menée dans le cadre de la loi et chaque cas a été examiné à part pour éviter toute injustice à l’égard du candidat ».
D’autre part, le Président de l’ union citée plus haut a appelé mardi à l’organisation d’une deuxième session du baccalauréat et à la levée des sanctions infligées aux auteurs de tricherie » Ce Président justifie cette levée des sanctions « pour sauver l’année scolaire d’autant plus qu’il y a des élèves qui ont été sanctionnés arbitrairement » a-t-il dit. Ce Président appelle à une session de rattrapage, pour dit-il « apaiser le climat et mettre un terme à la violence et à la contestation des élèves non admis au baccalauréat ».
Que dire, si l’on confronte la position de l’ONEC en tant que juge, et celle de cette association, en tant que partie ? Que même si l’ONEC n’apas eu recours à l’examen du cursus, pour tous les candidats qualifiés de tricheurs, cet office affirme qu’il y a eu une étude au cas par cas. La position du juge, en dépit de ses imperfections, reste la position d’un juge, et demeure par ailleurs étoffée d’arguments en plomb, contrairement à ceux du Président de cette union.
Certes, les autorités ont probablement mal géré ce scandale inadmissible du Bac 2013, sur le plan de la communication, car de plus, des responsables ont été sanctionnés, à travers le pays(1), selon le directeur de l’ONEC.
Mesdames et messieurs, le problème urgent à résoudre, c’est celui de la réforme de ce système éducatif qui n’a fait que vouloir abrutir nos enfants et qui a instauré la médiocrité. Je peux vous dire en tant qu’enseignant, que nos bacheliers avec mention ont de grandes difficultés, pour une bonne partie d’entre eux, à suivre correctement leurs études supérieures. Que dire si on lâche du lest, sans réformer le système éducatif ? Ce n’est pas du tout une solution. Beaucoup d’étudiants, les plus chanceux arrivent difficilement à terminer leurs études, mais ne trouvent pas un job, à cause de la faiblesse de leur niveau. Les moins chanceux trainent à l’université, en y passant des années supplémentaires.
Imaginons, un seul instant, que les autorités cèdent à la pression de parents pas très conscients. Avec quelle « tronche », les enseignants vont-ils affronter leurs élèves dorénavant ? Et qui va effectuer, à l’avenir, les surveillances et les corrections des prochains examens, si on ne respecte pas l’avis des syndicats d’enseignants qui ont approuvé les décisions de l’ONEC ? Il est impossible, pour des raisons techniques et logistiques, d’organiser une deuxième session, et le bon sens exige de maintenir les sanctions, ou tout au moins d’alléger celles-ci. Sanctionner pour l’exemple. De plus, il suffit de voir comment cela se passe et quelles sont les procédures, dans d’autres pays, en cas de fraude. Et dans d’autres pays, personne n’a jamais entendu parler de fraude collective ou de menaces, encore moins d’une telle ampleur. Dans ces pays,la fraude existe, mais elle peut engendrer, non seulement des sanctions administratives, mais également pénales.
Le bon sens, la logique, l’intérêt bien compris de nos enfants, et de notre pays, car nous n’avons pas un autre devraient nous amener à plus de discernement, plus de raison, et moins de passion. D’autre part, je peux vous dire en tant qu’enseignant, que souvent, et pour beaucoup de nos enfants, quand on refait un Bac, et avec une grande volonté, cela permet une meilleure assimilation, plus d’aisance pour la suite des études, et une inscription dans la filière désirée. Et c’est nettement mieux que d’avoir un bac avec une note juste moyenne, obligeant l’étudiant à suivre une formation qui n’est pas à son goût et qui va engendrer un handicap.
Par contre, si l’échec est le résultat d’un cursus scolaire irrégulier, parsemé d’embûches, je peux vous dire qu’il n’y a pas que le Bac dans la vie, car il y a d’autres possibilités où nos enfants seront plus à l’aise. Avec ou sans Bac, la vie continue , et d’autres portes ouvertes(2) existent.
Par Rachid Brahmi (Universitaire)