A un moment, où la crise économique (d’aucuns suggèrent plutôt récession) s’est installée dans tous les pays et dans les foyers, force est de constater que l’Etat -où qu’il soit- ne veut pas renoncer à son train de vie. Que l’on en juge au regard des chiffres disponibles.
En France, le budget de la Présidence qui a toujours été tenu secret est révélé. Et du coup le train de vie du Président de la République qui dispose, apprend t-on, de quelques 300 mètres carrés d’appartement de fonction où les fleurs doivent être fraîches en permanence (coût 280.000 euros par an ; pour les boissons, les dépenses s’élèvent à 1 million d’euros). Le même Président dispose de 61 voitures de fonction, 2 Airbus et 6 avions Falcon-Jet (le dernier avion en date coûterait quelques 60 millions d’euros).
Il aurait presque 1.000 employés à son service (deux fois plus que la Reine d’Angleterre) ; parmi eux 44 chauffeurs et 87 cuisiniers ; les cuisiniers-chefs peuvent, nous dit-on, se servir librement dans les caves à vin du Palais de l’Elysée, le repas de midi leur est servi par des laquais (1).
En France, outre-mer…
Et, selon la Cour des comptes (qui joue son rôle imparti par les textes), la Présidence de la République a dépassé de 10% le budget alloué (la garden-party, annulée cette année, coûterait chaque année quelques 700.00 euros); certains journaux de l’hexagone continuant de parler de « bling-bling »…
A lire ces mêmes journaux, l’émoi gagne les citoyens d’autant qu’ils sont affranchis sur le peu de cas fait à leurs doléances alors même qu’ils apprennent qu’un ministre leur coûte 14 .000 euros en rémunération à laquelle il y a lieu d’ajouter, pour certains, une retraite de parlementaire qui oscille entre 4000 à 9000 euros ; ce, outre leurs frais : les jets privés utilisés à raison de 100 000 euros et autres logements souvent dépassant les 100 m² et pris en charge par le Trésor public (parfois le coût d’un appartement étant de 15000 euros par mois de location ; de quoi permettre, en toute vraisemblance, à un jeune couple maghrébin d’acheter un F2 de taille modeste dans une petite ville de l’intérieur du pays)… Et ce qui a donné lieu à au moins une démission. Nous aurions besoin en Algérie d’un journal style « Le canard enchaîné »…
Certains ministres, « débarqués » du gouvernement, se voient confier des missions avec une rémunération mensuelle de 9000 euros (le coût d’un appartement de modeste taille valable pour un jeune couple, dans un quartier populaire de Fès qui se trouve quelque peu excentré de la ville il est vrai…). L’actualité a parfois rapporté également que certains ministres -ou hauts fonctionnaires- bénéficieraient d’appartements HLM que certains n’honorent pas de leur présence, voire les louent ou les cèdent à des parents qu’ils hébergent ; ce pour un loyer souvent réduit de 50% du prix du marché.
Inutile d’insister sur certaines dépenses à la charge de l’Etat de la part de certains augustes ministres, ainsi des frais pour achat de cigares (12.000 euros, nous dit-on). De quoi là aussi rendre heureux un couple de retraités au Maghreb avec cet argent parti en fumée comme la somme colossale évaporée par le prestidigitateur des finances, monsieur MADOFF…
Bien entendu, il n’y a pas que chez nous où le népotisme fait des ravages ; ainsi, certains ministres ou parlementaires n’hésitent pas à faire travailler leur propre progéniture pour eux -voire des neveux ou nièces- comme directeurs de cabinet ou assistants parlementaires par exemple. Les journaux français rapportent également que l’affaire Tapie s’est soldée au bénéfice de celui-ci par quelques 130 millions d’euros dont 45 millions au titre du préjudice moral (à la charge du contribuable précisent ces journaux).
Les grands patrons ne sont pas en reste puisque, outre les fameux stocks options qui leur assurent souvent des parachutes dorés pour des retraites non moins dorées, certains quittent leurs entreprises en empochant des indemnités qui dépassent l’entendement (parfois équivalent à un siècle de salaires d’un ouvrier ou d’un employé au SMIC, salaire minimum). Ah, il est vrai que, du temps de la coupe mondiale, il n’était pas superfétatoire de relever qu’un joueur de football toucherait entre 35.000 euros par mois en moyenne jusqu’à 18 millions d’euros par an…
Et pendant ce temps-là, on pense à demander aux gens à travailler plus (deux ans de plus) pour aspirer à une retraite, avançant l’argument éculé de la démographie dont certains experts disent qu’il est un tantinet vieillot.
Au Maroc, notre voisin…
A en croire Gilles Perrault (2), sous feu Hassan II : « Le roi donne l’exemple. Premier propriétaire foncier du pays, premier exportateur d’agrumes, premier entrepreneur, il rachète les possessions de la Banque de Paris et des Pays-Bas, il investit dans les produits laitiers, la betterave à sucre, les fleurs coupées. Ses placements à l’étranger sont innombrables.
La corruption est partie intégrante de son mode de gouvernement (…).
Ifrane, Tanger, Agadir, Marrakech, Rabat, Fès, Meknès, Casablanca : chaque grande ville du royaume devait avoir son palais. A Fès, toute la robinetterie était en or…
La somptuosité des bouffes fait l’émerveillement général. Montagnes de homards et de langoustes, piles de saumons, caviar à la louche, fruits, gâteaux et sorbets. Des moutons tournent par dizaines sur la broche des méchouis… ».
Le nouveau roi, Mohamed VI, roi des pauvres s’il en fut, rompt avec ce faste. Un journal marocain a tenté de se poser la question de savoir combien coûte l’Etat, à travers la monarchie. S’il est vrai qu’il s’est fait tancer en se faisant sévèrement rappeler à l’ordre et se faire taper sur les doigts, il a permis tout de même d’exposer quelques données pour y répondre.
Du numéro « TEL QUEL « (repris par « Le Monde » du 28 décembre 2004) traitant de cette question, il résulte que la monarchie marocaine coûterait quelques 210 millions d’euros par an, le salaire mensuel du Roi étant de 36.000 euros. Quelques 110 personnes travailleraient ainsi pour les palais royaux dont l’entretien, les salaires desdites personnes et les voyages et cérémonies coûteraient quelques 163 millions d’euros.
Le cabinet royal compte, nous apprend t-on, 300 permanents dont les conseillers du Roi (dont les salaires sont alignés sur ceux des membres du Gouvernement). Le budget annuel des consommations des palais royaux comprendrait 6 millions d’euros de carburant, autant pour l’eau, 4 millions d’euros pour l’électricité et deux millions pour les dépenses vestimentaires…
En Algérie, notre pays…
Chez nous, qu’en est-il ? Dispose t-on de chiffres et/ou d’outils pour avoir une approche permettant de savoir ce que nous coûte notre Etat : institutions et personnel ?
Selon les quelques éléments disponibles à travers les journaux algériens et quelques sites consacrés à notre pays, il s’avère que pour reprendre le titre de l’un de nos quotidiens (de mémoire El Watan) « Les députés se taillent un statut en or massif », leur rémunération avoisinerait les 30 millions de centimes de dinars. Pour le reste, c’est le flou artistique.
Ne disposant donc pas d’éléments fiables, en l’absence d’un outil comprenant les statistiques particulières aux dépenses de l’Etat (institutions et personnel), force est de rester sur sa faim pour savoir ce que nous coûte notre Etat et ses hauts représentants civils et militaires : présidence de la République, du Sénat et de l’Assemblée nationale par exemple ; les hauts fonctionnaires exerçant au sein des institutions politiques, militaires, administratives et judiciaires. Combien coûte un Ministère et son personnel ? Une Ambassade ? Quel est le coût du patrimoine immobilier de l’Etat et de son entretien, singulièrement celui abritant nos institutions ?
Le CNES dont le président, le défunt Mohamed Salah Mentouri (Allah Yarahmou), souhaitait en faire un outil performant devrait permettre, à tout le moins par son éclairage critique des projets économiques du gouvernement, de pallier un tant soit peu à cette lacune. Pour peu que des chiffres soient livrés à l’opinion publique, même si d’aucuns pourraient douter de l’efficacité de cette institution.
Il reste également à espérer que la Cour des comptes, réactivée ces derniers temps nous dit-on, puisse combler en partie cette même lacune à l’occasion de son contrôle des dépenses publiques dès lors qu’elle sera en mesure d’assurer ses prérogatives avec une marge de manœuvre suffisante et un accès nécessaire à la documentation.
Et encore, quel que soit le coût de notre Etat, institutions et personnel, une question se pose : hormis deux instances, l’Armée et sa Direction et la Présidence de la République qui exercent sans doute le pouvoir politique réel, quelles sont les autres institutions à même d’assurer une mission autrement que celles assignées par ce même pouvoir politique qui agit souvent en coulisses et en dehors de tout contrôle effectif. Il s’agit là d’institutions légales mais pour autant sont elles légitimes ? That is the question.
Par Ammar Koroghli
Notes :
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/ce-que-les-allemands-pensent-de-62037