«L’affaire des deux universitaires censurés apparaît, à coup sûr, plus sérieuse que la controverse soulevée par les propos jugés misogynes et apologues de la violence conjugale du commissaire du SİLA », soutient, dans sa rubrique culturelle du 11 octobre 2017, le quotidien Reporters.
Le mépris ou la méprise (selon l’angle adopté par des pétitionnaires et l’avis final du ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi) entourant les plaisanteries qu’énoncera Hamidou Messaoudi après la suppression (en 2016) de l’opuscule Comment battre sa femme (en quelque sorte, savoir la tabasser de manière policée), aurait, aux yeux du dit journal, induit une polémique stérile bien moins essentielle que la levée de boucliers enclenchée suite à l’éviction interlope du duo d’analystes. İl se remettra certainement et facilement de cette politique de l’empêchement, voire de ce « dégagisme » particulier, cela contrairement à quelques épouses cognées entre quatre murs ou aux lanceurs d’alertes, ces blogueurs locaux emprisonnés pour délit d’opinion et torturés (moralement ou physiquement). Également incarcérés en raison de prises de positions rétives au système « rampe ou tais-toi! », des internautes entameront une grève de la fin entrainant des séquelles irréversibles, parfois leur mort, comme par exemple ce cas tragique que symbolise Mohamed Tamalt. Condamné à deux années de cellule pour avoir posté sur sa page Facebook un poème truffé de noms d’oiseaux et estimé diffamatoire envers Abdelaziz Bouteflika, il paiera séance tenante cette offense instruite via une procédure pénale annulant l’instruction civile dont bénéficieront des caricaturistes auteurs d’outrages similaires.
Daho Djerbal et Aïssa Kadri n’ont pas été écartés d’une table ronde littéraire manu militari, donc par la force, mais de façon sournoise puisqu’il suffit souvent en Algérie d’un appel d’en haut pour mettre fin à telle ou telle publication, manifestation (artistique ou pas) et conférence. İl s’agit là d’un simple coup de fil, rien de très grave dans un pays où la pratique reste familière. Le choc est d’ordre intime, il ne ressort d’aucune brutalité organique, tout juste de l’amour propre d’érudits d’ailleurs régulièrement convoqués au sein de colloques pendant que plusieurs experts y sont toujours considérés personae non gratae. Ceux-là n’ont pas attendu le chant du cygne pour s’exprimer ouvertement et sans détour sur la modification constitutionnelle malicieusement opérée par le Roi thaumaturge d’El-Mouradia.
Nul doute que l’action du 07 septembre 2017 réclamant son retrait anticipé est lui-même à l’origine de l’éviction du sociologue et de l’historien, par ailleurs directeur de la revue Naqd. Seulement, signer un manifeste à six, s’est immanquablement s’exposer aux vindictes inavouées. İl faut dès lors en assumer les conséquences directes et se préparer à la guerre des images qui a débuté avec la projection télévisuelle d’un documentaire sur la décennie noire, façon encore une fois d’encenser la Concorde civile, de la présenter en tant que panacée du renouveau dans l’authenticité cultuelle.
Les canonniers de l’armada médiatique au service du pouvoir et de ses clans ou clientèles préparent, à l’approche du scrutin présidentiel de 2019, d’autres coups fourrés et les plaidoyers paraphés par une timide intelligentsia paraîtront dérisoires face au raz-de-marée épistolaire et cathodique des vrais « contrebandiers de l’Histoire », n’en déplaise à Rachid Boudjedra.
Si nous avons répondu à son étalage de vomissures nauséabondes, c’est aussi parce qu’il fait le jeu des pro-Bouteflika auréolés de sanctifications légitimaires et accrocs à ce fonds de commerce qu’est la repentance à tout prix. L’absence de Daho Djerbal et Aïssa Kadri au débat sur le colonialisme prévu le 1er novembre 2017 demeurera anecdotique lorsque la féroce répression policière intercédera face aux futures mobilisations de rues. C’est à ce moment là que se révèleront distinctement les oppositions différenciant les aboyeurs de bas étages des porte-voix de l’émancipation citoyenne.
Saâdi-Leray Farid, sociologue de l’art