Contribution. L’Algérie que vous nous lèguerez…

Redaction

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Depuis le début de la Révolution libyenne, l’Algérie est malmenée de toute part au regard de sa position confuse et suspecte. Beaucoup de claviers ont cliqué et d’encre a coulé à ce sujet et çà durera encore. Les suspicions de soutien du Pouvoir algérien au dictateur Kadhafi qui au début paraissaient infondées se sont transformées carrément en accusations directes amplifiées par les réactions non convaincantes de notre diplomatie. Il est inutile de revenir encore sur les nombreuses accusations que le Ministère des Affaires Etrangères a démenties communiqué sur communiqué particulièrement ces derniers jours nous rappelant « la neutralité d’Alger dans le conflit interne à la Libye ».

Pour rappel et en gros, le droit de neutralité est codifié par le droit international reconnu depuis 1907 par le traité de neutralité de La Haye. Il est appliqué en cas de conflit armé international et contient essentiellement le devoir d’impartialité et de non-intervention sous quelle que forme que ce soit donnant ainsi le droit à l’État neutre de rester en dehors du conflit.
Soit, Alger est neutre dans ce conflit libyen; une neutralité hypothétique donc puisque l’Algérie n’a ratifié aucun traité de neutralité comme la Suisse, pays dont la neutralité est effective dans les conflits internationaux. Entre parenthèse, on peut rêver qu’un jour l’Algérie devienne la Suisse de l’Afrique du Nord, totalement neutre ! Mais, il est à craindre que les faits sur le terrain ne corroborent pas cette thèse de neutralité algérienne dans le conflit qui nous interpelle.

Je suis sans doute naïf et même idiot mais comme la crème pensante est à la tête des institutions de l’Etat, comme beaucoup de mes concitoyens, je ne souhaite rien d’autre sinon qu’elle nous éclaire et de préférence avec des mots simples pour qu’on puisse comprendre leurs démarches et leur jargon diplomatiques. Où est la neutralité quand l’Algérie est membre actif, et pas des moindres, de ce panel de l’Union Africaine qui, rappelons-nous, a commencé à se réveiller après les condamnations et la résolution du Conseil de Sécurité, d’ailleurs en même temps que la Ligue Arabe ? Si l’Algérie y était représentée en qualité d’observateur comme dans le conflit maroco-sahraoui, on le comprendrait aisément. Ce panel composé de dictateurs africains, de l’énigmatique Zuma et notre illustre diplomate Lamamra n’a proposé rien d’autre que le partage du pouvoir en Libye tout en maintenant Kadhafi et ses enfants comme centre de gravité. La copie exacte de la recette qu’a connue l’Algérie après les douloureux événements de 88 et qui a enfanté d’un pluralisme de façade ; et, jusqu’à nos jours évidemment, le véritable pouvoir décisionnel est resté entre les mains des caciques du même système politique qui a ruiné le pays. Ce contre lequel les révolutionnaires libyens se sont insurgés et ILS ONT RAISON de rejeter catégoriquement une telle aberration. Et comment donc ! Il est inutile de revenir sur les atrocités commises par cette dictature originale et démentielle dont l’Algérie elle-même a subit à plusieurs reprises ses coups bas.
Et ceux qui espèrent que l’Union Africaine a un semblant de crédibilité, un quelconque poids et un minimum d’intelligence pour régler le moindre conflit sont frappés d’amnésie. Qu’a-t-elle fait dans le conflit Ivoirien ?? Rien que des danses de ventre pour que finalement Laurent Gbagbo soit déniché après l’intervention musclée de la…….France !! Et le Rwanda d’il y’a quelques années ?? Rien de rien !! Et puis le Soudan d’il y’a quelques mois ? Rien que du vent !! Et encore La somalie d’aujourd’hui ? Un rien de misère !! Enfin, la liste est longue…

Ce qui est encore plus surprenant, c’est la dernière déclaration de ce même panel « résiduel » dont une vingtaine de pays africains ont reconnu le CNT comme le Tchad aux affinités sanguinolentes avec Kadhafi et Addis Abeba siège de l’Union Africaine, se désolidarisant ainsi de cette entité tout en la fragilisant davantage. Mais dans quelques jours, on verra cette organisation nous annoncer tout en souriant la reconnaissance des nouveaux locataires de Tripoli. Et je parie que si, ce soir, les preuves de la mort ou de la capture de Kadhafi sont fournies, elle le fera dans la seconde qui suit.

Les positions et le cheminement de la Ligue Arabe ont été à quelques variantes près identiques à ceux de l’Union Africaine mais heureusement qu’après la chute de Bab-Azizia, celle-là, ayant compris que les choses sont dans tous les cas irréversibles, a eu le réflexe de sauver la face. Là aussi, l’Algérie a raté le coche. Sauf si cette exception algérienne est au dessus de nos moyens intellectuels de compréhension. Mais, mettons donc de coté ce cas libyen auquel on veut nous faire comprendre que nous ne comprenons que dalle. Voila que le Yémen et la Syrie, pays arabes et musulmans vivent depuis 6 mois ou plus eux aussi des massacres à huis-clos. CHICHE alors à ces organisations arabo-musulmanes toutes confondues ( Ligue Arabe, Union du Maghreb, Organisation Islamique, Conseil des pays du Golfe…) secondées, s’il le faut, par notre valeureuse Union Africaine de mettre fin à ces conflits désastreux avant que les « solutions » ne viennent de l’Occident car elles viendront inévitablement sous une forme ou une autre. Les pouvoirs arabo-musulmans ont ce génie de donner à l’OTAN des occasions en or pour expérimenter des méthodes d’intervention : l’Irakienne, la Somalienne, l’Afghane, la Libyenne, la X-ènne, la Y-ènne… Les peuples syrien et yéménite ne resteront pas éternellement des poulets à égorger vifs par des cinglés qui finiront tôt ou tard par suivre le même chemin que les trois demi-dieux déjà déchus. Bien sûr, commenceront après les gesticulations de ces « sectes de dirigeants » qui ne représentent au fond que leurs propres intérêts.

Que la diplomatie algérienne alors nous montre sa force de persuasion, de médiation efficace en vue de règlement pacifique de ces deux derniers conflits qui, avec le drame libyen, entacheront de honte l’Histoire du 21eme siècle ! J’ai mal à voir mon pays ne plus pouvoir jouer son rôle d’antan : c’est à Alger que l’Irak et l’Iran se sont réconciliés ! Et, j’en passe : la libération des otages au Liban, la proclamation de l’Etat Palestinien et tant d’autres “affaires”. C’était le temps où la voix de l’Algérie portait loin .
Je répète donc : CHICHE, Monsieur Medelci ! Et les algériens et moi le premier, nous nous prosternerons devant votre génie et nous vous demanderons pardon de n’avoir su être à la hauteur de comprendre votre « noble et juste » position de neutralité dans ce conflit libyen. Mais au jour d’aujourd’hui, le simple citoyen s’interroge surtout pourquoi l’Algérie qui avait la tradition d’accueillir des blessés palestiniens, irakiens,… reste impassible au calvaire des mutilés libyens, fussent-ils des pro-Kadhafi sachant qu’on ne demande pas son camp à un blessé de guerre !? Ce n’est nullement les moyens qui nous manquent pour faire ce geste, ne serait-ce « fi sabil allah ». Et, ce n’est pas trop tard pour bien faire ; çà ne fera qu’honorer l’Algérie en fin de compte.

Personnellement, ma préoccupation essentielle au-delà de mon soutien indéfectible à la cause du peuple libyen est l’Algérie et son rôle dans le concert des nations. Les révolutionnaires libyens ont fait des choix qu’ils assument clairement devant le monde entier et ils ont le droit de s’allier avec qui ils veulent comme Kadhafi s’est allié avec tous les diables et les voyous de la planète en soudoyant à coups de milliards des dictateurs fantoches qui l’ont plébiscité Roi des Rois. Que les révolutionnaires libyens se trompent, ils en payeront les conséquences. Mais croire que la stabilité du monde arabo-musulman dont le Maghreb et surtout la lutte contre le terrorisme aveugle d’Al-Qaïda reposeront indéfiniment sur la terreur imposée par des pouvoirs de terreur est une illusion. C’était jusqu’à il y’a peu de temps, la mise des grandes puissances jusqu’aux révolutions tunisienne puis égyptienne imprévisibles et inattendues et qui les ont prises de cours. Les cartes sont maintenant jetées sur le tapis ; seuls les joueurs futés et chevronnés peuvent miser et espérer gagner. Personne n’est dupe que dans cette « histoire » libyenne aussi, il est question d’intérêts géostratégiques et économiques comme çà a toujours été le cas depuis que le monde est monde. Le nouveau pouvoir libyen en est conscient et ses alliés dans la reconstruction sont tout désignés. Même la Chine et la Russie aux positions «Euuuh, non mais… allez-y » sont rassurés que leurs investissements antérieurs seront sauvegardés et qu’ils auront leur place et part dans le futur.

Les jeux étant donc faits et le Pouvoir algérien au lieu d’essayer de tirer son épingle du jeu qui se trame à ses frontières se renferme dans sa carapace sachant qu’il ne peut absolument plus changer le cours de l’Histoire libyenne. Avec toutes ces révolutions à l’Est de l’Algérie, n’est ce pas le moment propice surtout au renforcement efficace de la lutte contre l’AQMI si telle était la volonté réelle du pouvoir, précisément en coordination avec l’OTAN ? La recrudescence des attentats terroristes dans le Nord algérien particulièrement depuis les prémices de la chute inévitable de Kadhafi soulèvent beaucoup d’interrogations. L’OTAN n’est pas un corps étranger en Algérie. Pour preuve, je vous renvoie à un N° de 2005 de la Revue du Ministère de la Défense, EL-Djeich où il est rapporté que Monsieur Mohamed Bedjaoui lors de son allocution d’ouverture devant les séminaristes et experts militaires réunis au colloque de l’INESG a déclaré : «Il reste encore beaucoup d’efforts à déployer en vue d’améliorer les perceptions réciproques et la couverture médiatique auprès des opinions publiques, notamment arabe et musulmane, afin de corriger certains préjugés, nés d’incompréhensions, de manque de transparence et de concertation dans le processus décisionnel. Nous sommes convaincus que certains clichés négatifs peuvent être dépassés pour peu que l’on s’efforce d’expliquer davantage les missions de l’Otan et la nature de notre coopération. La coopération entre l’Algérie et l’Otan est dense et diversifiée, et l’Algérie y apporte une contribution substantielle en vue de sa promotion en tant qu’instrument actif, à même de contribuer à la réalisation des objectifs de paix, de sécurité et de stabilité en Méditerranée». Là, c’est clair comme l’eau de Zem-Zem contrairement à ce que l’on veut faire croire à l’opinion publique au sujet de ce grand Satan qu’est l’OTAN. Il est à craindre que la coopération Algérie-OTAN redevienne désormais aussi glaciale que du temps de la guerre froide qui persiste dans la tête de beaucoup de nos responsables et qui ne veulent pas admettre que le mur de Berlin et bel et bien tombé.

Sur le front continental, l’Afrique du Sud de Zuma qui n’est plus celle de Mandela malheureusement est en train de tirer ses cartes lui assurant le leadership africain en décrédibilisant essentiellement l’Algérie, la mettant ainsi dans une position de suivisme sachant que l’Egypte a pour le moment d’autres chats à fouetter. On a, par exemple, vu Zuma tergiverser en faisant mine de s’opposer au déblocage des quelques centimes de dollars demandés par les USA pour le CNT mais finalement, il a cédé en catimini.
Dans la région méditerranéo-arabo-musulmane, la Turquie est sur tous les fronts, offensive comme jamais elle ne l’a été. Elle s’imposera inéluctablement dans la région avec les ramifications inévitablement subsahariennes. Le déplacement du Premier Ministre et de sa femme en Somalie et dans les camps de refugiés somaliens n’en est qu’un prélude.

Au moment où le CNT installe son QG à Tripoli pour mieux gérer la crise, remettre la Capitale sur pied et rassurer les diplomaties accréditées dans la capitale libyenne, le gouvernement algérien instruit ses représentants à “faire leurs valises” en se gardant de maintenir le strict service minimum. Ce qui est de mauvaise augure et annonce la dégradation réelle des relations avec le nouveau pouvoir libyen et ce, particulièrement depuis le saccage de l’ambassade algérienne. Au lieu de nous informer sur les véritables tractations qui se trament sur le dos des algériens, des libyens et de tous les maghrébins, le Ministère des AF prend cette mesure de rapatriement qui pouvait, par ailleurs, se dérouler sans effet d’annonce si ce n’est pour confirmer aux algériens son désaccord avec le CNT. Les familles de diplomates et nos concitoyens vivant à Tripoli et sans doute dans d’autres villes libyennes sont-ils plus menacés maintenant que sous Kadhafi ?? Des prisonniers algériens croupissaient dans les geôles de Kadhafi, parait-il, et que deviennent-ils, eux ? Alors que pour une banale histoire de football, sport par ailleurs dévié de sa vocation noble par Alger et Le Caire pour endormir nos pauvres jeunes, on se rappelle que l’Algérie a vite réagi allant jusqu’à mettre toute une logistique de rapatriement des algériens résidant en Egypte et désirant rentrer !

Ce qui est encore plus inquiétant, ce sont les futures relations entre l’Algérie et ses voisins maghrébins. Déjà qu’à l’Ouest, avec le Maroc et le Sahara Occidental, les choses ne sont pas réjouissantes et on vient maintenant de nous fabriquer d’autres tensions à l’Est. Du coté Sud, avec les rebellions sporadiques des Touaregs du Niger et du Mali et surtout Al-Qaïda qui y fait Sa Loi, l’Algérie se retrouve prise entre de belles tenailles. Enfin, avec nos relations lunatiques avec la rive Nord de la Méditerranée, l’avenir sera infernal pour nos enfants. Le Pouvoir algérien est-il vraiment conscient que les mèches de la poudrière algérienne sont déjà toutes prêtes à flamber ? Et si par malheur, je dis bien SI, les rumeurs rapportées çà et là au sujet de l’accueil du dictateur Kadhafi et de sa famille venaient à se confirmer, il ne reste plus alors qu’aux patriotes algériens, à l’opposition politique, la société civile, les intellectuels, les médias libres, de crier haut et fort leur désolidarisation et leur condamnation de cet acte irresponsable d’un gouvernement devenu fou, outrepassant ses prérogatives constitutionnelles allant à l’encontre des intérêts de l’Algérie.

On entend dire depuis les bouillonnements des rues arabes que chaque pays est différent de l’autre. Oui, ils ont certes des géographies et des climats différents mais en réalité ce sont les pouvoirs autoritaires de ces pays qui se ressemblent. Les peuples, eux, ont tous une même aspiration : se débarrasser de l’oppression, de préférence pacifiquement. On ne laissera pas l’Algérie se mettre au banc des accusés. On ne laissera pas l’Algérie s’isoler du monde. On ne laissera pas faire de l’Algérie la Corée du Nord de l’Afrique du Nord ! On ne laissera pas nous conduire vers une guerre fratricide.
Franchement, elle n’est pas belle cette Algérie que vous nous lèguerez, Monsieur le Président, inéluctablement … bientôt !

Par Barek ABAS
Ingénieur Informaticien – Poète