L’option du référendum d’autodétermination devenant quasiment inéluctable au Sahara occidental, le royaume du Maroc s’y prépare. Ahmed Belkhodja, titulaire d’un master en géopolitique et spécialiste du Maghreb, nous explique les tenants et aboutissements de la stratégie de Rabat sur la question.
La politique de développement de la région.
Contrairement à d’autres zones conflictuelles du Sahara, le conflit du Sahara occidental ne marginalise pas le territoire concerné. Il est au contraire « à l’origine d’une politique de développement, d’équipement et d’ouverture internationale qui vise à arrimer le territoire litigieux au reste du royaume, dans une logique centripète d’intégration nationale » (Karine Bennafla). Le Sahara Occidental est donc mis en avant par le Maroc et possède de nombreux avantages : subvention sur l’essence et les produits alimentaires de première nécessité, salaire double des fonctionnaires, exonération fiscale de TVA et d’impôts sur les sociétés pour les investisseurs. Ces avantages bénéficient également aux Sahraouis ralliés au Maroc, du moins tant que ceux-ci ne revendiquent pas d’indépendance du Sahara. D’autres actions témoignent de la valorisation de ce territoire. En effet, sous Mohammed VI, plusieurs actions ont été menées pour désenclaver le territoire d’un point de vue aérien. Les lignes se multiplient et Elayoun possède maintenant plusieurs liaisons internationales. D’un point de vu touristique, la ville de Dakhla est au centre de projets de développement touristique. Cependant, toutes ces mesures ne concernent que la partie administrée par le Maroc, soit 80% du territoire du Sahara Occidental. En ce qui concerne le niveau de vie des habitants sur place, les chiffres sont compliqués à trouver mais globalement, on sait qu’il y a un gros décalage entre la partie administré par le Maroc et celle par la RASD. A titre de comparaison, l’espérance de vie à la naissance dans la RASD est de 61 ans alors qu’au Maroc elle est de 76 ans. On comprendra par la suite le but de cette politique marocaine.
La population sahraouie
En ce qui concerne la possible organisation d’un référendum, le Polisario limiterait l’inscription aux listes électorales aux 74 000 personnes recensées par l’Espagne en 1974 et à leurs descendants. Dans les camps qui compteraient entre 150 000 et 160 000 réfugiés, il rétablit la généalogie tribale, alors qu’elle avait été gommée au nom d’une idéologie révolutionnaire égalitariste. Le Maroc souhaite que les Sahraouis installés au Maroc et les Marocains installés au Sahara Occidental participent aussi. Le recensement marocain de 2004 fait état de 500 000 résidents dans la partie saharienne, les Marocains représentant plus de la moitié des habitants. Les Nations Unies ont chargé un envoyé spécial, Baker, d’élaborer des solutions. Ses plans de 2000 et de 2003 ont été rejetés par les parties. L’identité nationale sahraouie s’est construite qu’à la fin des années 60, avec l’émergence de partis politiques. Le Front Polisario a monopolisé le discours sahraoui sur la scène diplomatique internationale, mais le mouvement comporte des divisions dont il faut tenir compte.
La politique marocaine montre qu’elle prépare clairement une réponse à un éventuel référendum. Elle encourage les Marocains à se rendre dans le Sahara Occidental en promettant des avantages et en développant la région. Si un référendum a lieu, le grand nombre de marocains présents sur le territoire fera pencher vers un plan d’autonomie sous la souveraineté du Maroc…
Ahmed Belkhodja, master en géopolitique et spécialiste du Maghreb