Jamais dans ma vie, je n’aurais cru vivre une telle situation. Etant journaliste, respecté, respectable et n’ayant jamais trainé de casseroles, je me suis toujours considéré à l’abri de ce genre de situations. En fait, je suis en train de vivre ce qu’endurent des milliers d’Algériens depuis des années. C’est seulement aujourd’hui que je découvre, à mes dépens qu’il n’existe pas réellement d’institution pour protéger les citoyens algériens, victimes d’injustice, ou osons le mot, victimes d’«escroquerie organisée» pratiquée par des concessionnaires au mépris de la loi.
Le plus préoccupant dans cette histoire, le véritable drame réside dans le fait que la presse algérienne, dans sa quasi-totalité, censée défendre les démunis, dénoncer les injustices, protéger les valeurs auxquelles plus d’une centaine de journalistes sont morts dans les années 1990, a « abdiqué » à son tour devant les groupes d’intérêt qui n’hésitent plus à arroser cette presse d’argent, de cadeaux, de billets gratuits et de voyages pour acheter son silence.
Les journaux dit « indépendants » et les télévisions, si prompts à critiquer Bouteflika et son gouvernement, n’osent pas ne serait-ce que placer une syllabe contre un quelconque concessionnaire automobile. En réalité, les véritables détenteurs de pouvoir dans ce pays, ce sont ces représentants de marques de véhicules qui ont réussi à tisser leur toile à tous les niveaux. C’est dramatique ce que je viens de découvrir. C’est seulement aujourd’hui que je comprends pourquoi les Algériens préfèrent mourir en haute mer que vivre dans ce pays. C’est tout simplement parce qu’ils sont livrés à leur sort, abandonnés par un Etat constitué d’«irresponsables» trop occupés à exercer leur pouvoir, au lieu de travailler non pas pour le bien-être des citoyens, mais simplement pour la défense de leurs droits face à des constructeurs étrangers, représentés par des Algériens qui ont mis en place une autre république avec ses propres lois.
Bref! Il y’a près de trois mois, j’ai vendu mon ancien véhicule et emprunté une somme substantielle auprès d’amis pour l’acquisition d’une voiture neuve auprès de SOVAC. Jamais il ne m’est venu à l’esprit d’aller d’abord solliciter un « appui » de la part de mes nombreuses connaissances dans le secteur pour acquérir un bien que je paie, pourtant, rubis sur ongle.
Après avoir commandé le véhicule au niveau du show-room des Dunes à Chéraga (Alger), la chargée commerciale m’assure que si je règle intégralement dans la journée le montant de la facture du véhicule (Passat), il me sera livré dans les trois jours. J’ai du remué ciel et terre pour rassembler la somme le jour même pour la verser sur le compte de SOVAC.
Une fois l’argent (près de trois millions de DA) versé, muni du « reçu » de paiement, je me présente auprès de la chargée commerciale qui me donne alors toutes les caractéristiques du véhicule, à savoir le numéro de châssis, l’immatriculation…etc. La jeune fille m’assure, lors de l’entrevue, que j’aller récupérer mon véhicule dans « trois à quatre jours ».
Premier quiproquo. Quatre jours après, je me présente une nouvelle fois au niveau de la même personne qui me sort un tas d’excuses. Etant gentil et compréhensif de nature, je décide d’attendre en gardant le contact avec la chargée commerciale. J’ai temporisé durant tout le mois de Ramadhan, en accordant le bénéfice du doute à SOVAC que je considérais comme un exemple en matière de sérieux.
Il y’a une semaine, devant les excuses récurrentes de la chargée commerciale qui veut me prendre désormais pour un idiot, je décide alors de voir avec la direction générale de SOVAC. Grande fut ma surprise en découvrant que mon bon de commande était transféré au niveau d’un représentant à Boumerdès et que le véhicule dont je dispose, pourtant, du numéro de châssis et même de l’immatriculation n’existe pas en Algérie.
En fait, SOVAC m’a fait payer intégralement une voiture qui n’a jamais été importée en Algérie. Devant la gravité de la situation, j’ai contacté la responsable de communication du concessionnaire qui a promis de régler le problème dans les plus brefs délais. Prenant mon mal en patience, j’ai attendu plusieurs jours avant de rappeler la chargée de communication qui ne répond plus ni à mes appels ni à mes messages.
A maintes reprises, j’essaye de joindre le patron de SOVAC au niveau de la direction générale à Chéraga, mais l’homme est constamment absent. J’ai alors tenté de joindre sur son téléphone portable le nouveau président de l’AC2A M Hasnaoui, mais en vain.
Blasé, écœuré, je décide de me plaindre auprès du ministère de l’Industrie et des mines. Grande fut également ma surprise. Le département de Bouchouareb s’avère incapable d’interpeller SOVAC devant une injustice caractérisée.
Je découvre, et ce n’est pas une vue de l’esprit, qu’il existe une sorte d’omerta qui entoure les activités des concessionnaires automobiles. Ces derniers amassaient des fortunes en toute illégalité. L’argent des Algériens est volé par ces concessionnaires pour le transférer ensuite en devise à l’étranger. Combien d’Algériens sont victimes de telles pratiques ? A qui se plaindre ? Existe-t-il dans ce pays des représentants du gouvernement et de l’Etat honnêtes pour rétablir dans leurs droits les citoyens ? Y’a-t-il un Etat dans ce pays ?
En tous les cas, sans « Algérie- Focus », dont je salue la bravoure et le courage, personne ne serait au courant de ce problème.
Pour ce qui me concerne c’est le désenchantement total. Je n’ai pas eu le droit à la solidarité des « confrères » qui nous gavent pourtant, à longueur de colonnes, de leçons sur les valeurs de la démocratie, la justice, les droits des citoyens et en critiquant sévèrement les membres du gouvernement, alors que certains patrons et journalistes de la presse ont vendu leur âme pour quelques dinars. Autre époque, autres moeurs, disait-on.