De Cannes à la Mecque

Redaction

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Le G20 vient de clôturer sa réunion marathon. On n’a jamais vu autant d’inquiétude et d’incertitude sur les visages des Maitres du Monde qu’en cette rencontre de Cannes. Il y a de quoi, en effet. Sans se l’avouer, plus personne ne croit pouvoir échapper au syndrome grec qui plane désormais sur les capitales du monde développé qui finiront par entrainer dans leur chute celles du monde émergent et évidemment anéantir celles des pays pauvres. Toutes les mesures prises pour sauver du naufrage le pays de l’Olympe ne sont pas encore mises en application que d’autres pays font déjà la queue au portillon de la faillite, à leur tête l’Italie. L’Europe a pris conscience de son incapacité à se sauver par elle-même sans savoir qui serait son messie. Il est connu que quand l’Amérique va mal, c’est tout le Monde qui va encore plus mal. Et l’Amérique va très mal. Ce n’est même pas la peine de consulter les chiffres affolants du chômage, de la croissance et de la dette des USA; il suffit de voir la mine d’Obama pour s’en rendre compte. Donc, le pauvre Obama était venu à Cannes, non plus en sauveur de l’Europe comme en 1945 avec un plan Marshall entre les mains mais par « solidarité des impuissants » ni plus ni moins.

Bien sûr, le coq de cette rencontre reste le dirigeant chinois. Envié, courtisé, salué à la mode chinoise, certains y voient déjà le Messie. La Chine se dit prête à être la bouée de sauvetage du Vieux Continent et du Nouveau. Mais à quel prix ? La contrepartie n’est à mon avis que strictement politique. La Chine ne demande pas à l’Occident de transfert technologique en matière de nucléaire civil ou militaire ni d’aérospatiale pour ne citer que ce deux créneaux de pointe : elle les maitrise parfaitement tout en les améliorant. La Chine ne quémande pas le droit de véto à l’ONU, elle l’a déjà. La Chine ne se bat pas contre l’Occident pour s’accaparer les matières premières des pays sous développés : elle a sa part de gâteau déjà et des grosses. La Chine ne veut qu’une chose : le reniement par l’Occident de ses propres valeurs fondamentales démocratiques. Autrement dit, ne plus parler des droits de l’homme en Chine, ne plus soutenir l’indépendance du Tibet, ne plus entraver l’annexion de Taiwan, ne plus embêter ses protégés tels la Corée du Nord et la Birmanie. Et indirectement, reconnaitre que le Néo-Communisme chinois est le seul système viable à la longue. Ce n’est là qu’un échantillon des aspirations chinoises.

Or, bien que l’Occident, par Realpolitik, ne se rappelle des Droits de l’Homme en Chine que lors de l’anniversaire des évènements de Tien-Anmen, il est inimaginable que le Monde dit Libre accepte pieds et mains liés toutes les conditions chinoises. Alors, le Monde va-t-il droit dans le mur ? Je crains que oui. Si les USA qui restent le foyer originel de la crise mondiale ne redressent pas la barre économique en trouvant les outils adéquats pour refreiner la cupidité insatiable et impitoyable du monde de la finance spéculatrice, la récession sera mondiale avec toutes les conséquences dramatiques sur l’économie américaine et européenne qui sont rappelons-le le diesel qui donne aujourd’hui la bonne santé relative à l’économie chinoise. Le ralentissement voire l’absence de consommation des sociétés occidentales de la production chinoise induira automatiquement une décroissance vertigineuse de l’économie de Pékin. On imagine aisément les répercussions désastreuses sur les pays producteurs de matières premières et en premier les hydrocarbures. Certaines sources indiquent que plus de 80% de la production mondiale en pétrole est consommée par les pays de l’hémisphère nord dont les USA et le Canada s’en tirent avec la part du lion. L’hécatombe serait ainsi infernale. Toutefois, on peut rêver d’un sursaut « humaniste » : les banquiers devenant moins cupides, les multimilliardaires partageant leur fortune, les chinois moins impérialistes, les occidentaux réduisant leur train de vie, les africains serrant encore plus leur ceinture… Oui, on peut rêver, çà entretient l’espoir.

Certains lorgnent du coté des pétrodollars. Mais cet argent est déjà entre les mains des banquiers-spéculateurs occidentaux de la tronche de Madoff and C° quand il ne couvre pas les frais des guerres en Irak, Afghanistan, Libye. Telles que les choses se présentent aujourd’hui, Il est illusoire de croire que le Monde sera sauvé d’un crash certain, plus dramatique que celui de 1929. Et çà ne se fera pas, par exemple, par l’Algérie avec ses 150Milliards de Dollars de réserve qui représentent le chiffre d’affaires d’une seule entreprise sud-coréenne ni par l’Arabie Saoudite endettée jusqu’au cou depuis les guerres du golfe et, encore moins avec l’argent de poche des Ben Ali, Moubarak ou Kadhafi, ces milliards éparpillés dans les banques occidentales en faillite.

Ceci m’amène évidement à dire un mot sur nos sociétés musulmanes en cette journée de fête religieuse, l’Aïd-el-adha qui se chevauche avec le Pèlerinage à la Mecque. Je ne comprends pas comment nous, les musulmans, arrivons à vivre (ou plutôt à vivoter) comme si nous sommes dans un monde à part, loin de toutes les incertitudes qui secouent le monde, insouciant à la pauvreté et à la déchéance qui frappent de plus en plus de grandes franges de populations à travers tous les continents. Bien des gouvernements dont le nôtre, l’algérien, se disent que la crise économique mondiale ne les concerne pas comme si la Main de Fatima les couvait !

Voilà donc un rite annuel de l’Islam qui n’est nullement une Obligation (Ferd) mais une Tradition (Sunna) tout comme le Pèlerinage à la Mecque. Pourtant la frénésie qui s’empare des musulmans à l’approche de la « fête du mouton » n’a pas de semblable. Le mouton doit être égorgé coute que coute. Et, plus on est démuni, plus on y tient. Qui ne connait pas autour de lui de pauvres malheureux obligés de s’endetter chaque année, s’ils ont la chance de trouver un prêteur, pour s’offrir ses deux cornes ? Généralement, la justification par ailleurs vidée de tout contenu religieux est toujours la même : « Oui, c’est cher et au dessus de mes moyens mais il faut faire plaisir aux enfants ! ». Je l’ai entendu million et une fois et, million et une fois, personnellement, je n’ai pu m’empêcher de répliquer qu’un enfant n’a pas besoin de mouton mais d’Education (dans ce cas religieuse, la vraie) pour ne pas en faire un mouton suiviste.

Quand la classe moyenne algérienne que je connais se permet de manger de la viande une fois par semaine et je crois que je suis généreux, il y’a forcément quelque chose qui ne tourne pas rond. Avec une population qui avoisine les 40 millions d’âmes, un élevage traditionnel où la reproduction par insémination artificielle est de la science fiction, il ne faut pas s’étonner que le prix du kilo de viande dépasse le salaire journalier d’un professeur de lycée. Bien évidement, après la fête de l’Aïd, le cheptel est quasiment décimé ; ce qui se répercute dès le lendemain par la hausse du prix de la viande. Le cercle est vicieux et identique depuis des lustres. Or, la solution est à priori simple. Au nom de quoi, un moratoire sur le sacrifice annuel du mouton serait interdit ? Tout gouvernement de n’importe quel pays musulman peut décréter le non-sacrifice du mouton de l’Aïd pour deux, trois voire cinq années consécutives le temps de régénérer les cheptels ; les conséquences sur la baisse du prix de la viande au quotidien sont évidentes. Je me rappelle bien que le président algérien Chadli a décrété, par solidarité, le non-sacrifice du mouton de l’Aïd survenu juste après le séisme du 10 Octobre 1980 qui a fait 3000 morts à El-Asnam, actuelle Ec-Chlef. Et, je me rappelle aussi que la population y a largement souscrit, soulagée en plus d’économiser une dépense jugée inutile par beaucoup. Or, la misère est pire qu’un séisme. Rien n’empêche donc d’entreprendre une telle action tant le but est de sauver la population de la sous-alimentation et de la pauvreté récurrente. Tant que le musulman ne se nourrit pas à sa faim et que la viande lui est inaccessible comme un objet de super luxe, je pense que le Sacrifice du Mouton tel édicté par l’islam est perverti et donc nul et non avenu.

Aujourd’hui, Trois millions de moutons seront égorgés uniquement par les seuls pèlerins à la Mecque. Il parait que les carcasses sont congelées et envoyées par la suite dans les pays affamés comme la Somalie. On ne sait jamais réellement ce que devient cette chaire durant le trajet. Au risque de choquer certaines âmes rigoristes, je crie mon indignation ! Vraiment, n’y a-t-il aucune voix parmi ces « savants » musulmans pour crier son indignation avec moi ? Y’a pas une voix parmi ces barbes blanches pour nous annoncer une fetwa révolutionnaire mettant fin à ce gâchis ? Oui, je suis persuadé qu’il y’a une autre Voie. On peut bien par exemple procéder au sacrifice du mouton sur les Lieux Saints non pas individuellement mais collectivement, un mouton pour tous les pèlerins originaires d’un même pays. Au lieu d’avoir ainsi 3 millions de moutons égorgés, on se retrouverait au maximum avec 239, autant de pays qu’il y’a dans le monde, en supposant qu’il y’ait au moins un pèlerin de chaque nationalité. Il va de soi que la différence sera versée en argent à des ONG pour financer directement des projets de développement durable dans les pays pauvres au lieu de les ensevelir momentanément sous des carcasses de moutons surgelés. Entre 200 et 300 dollars la bête, on imagine bien qu’on peut réaliser beaucoup de choses avec 600.000.000 et 900.000.000 dollars annuellement. Par extrapolation, on imagine les milliards de dollars « partis en sang » à travers tous les pays musulmans rien qu’en cette journée. Mais, là aussi, je suis sans doute un peu trop rêveur.

Et puis, quel sens a le Sacrifice du Mouton avec tous les sacrifices humains, le sang coulé en Tunisie, en Egypte et surtout en Libye et qui coule encore en Syrie et au Yémen ? Il faut vraiment être malade pour croire que le Bon Dieu attend de nous encore qu’on Lui fasse don de sang d’agneaux ! Je ne suis pas un Imam mais voilà des questions plus importantes que la burqa ou la polygamie que « nos » docteurs d’El-Azhar et « nos » Tariq Ramadan se doivent d’affronter avec courage pour réformer les mentalités de leurs concitoyens.

Quant au deuxième rite non Obligatoire qu’est le Pèlerinage à la Mecque, il y’a de quoi s’indigner encore plus. Il n’est nullement question de remettre en cause le « concept ». L’islam en a définit clairement les modalités et les conditions et tout musulman est par conséquent libre d’entreprendre ou pas ce pèlerinage. Ce que je trouve de choquant, c’est cette manne financière estimée annuellement à des dizaines de milliards de dollars et dont profite exclusivement le Royaume wahhabite. Ces rentrées faramineuses devraient être gérées par une instance commune à tous les pays musulmans qui dégagerait annuellement une partie de cet argent au profit des pays les plus démunis. Pour un algérien, par exemple, ce voyage initiatique qui, parait-il, permet de « se laver les os » couterait au minimum 6000 dollars. Personnellement, si j’ai à choisir, je ne donnerai pas un cent à ce clan wahhabite pour renflouer leur idéologie islamiste des plus rétrogrades et leur permettre ainsi de financer leurs terroristes éparpillés sur la planète.

En conclusion, bonne fête tout de même à nous tous, pauvres musulmans. J’espère qu’en ce jour de sacrifice de millions de moutons, le Bon Dieu entendra toutes les prières montant depuis la Mecque pour que les Maitres du Monde de Cannes ne conduisent pas l’humanité vers une troisième guerre mondiale. En attendant, moi, je profite de ces deux journées chômées et payées pour dormir en rêvant plutôt d’un voyage à Rio. Qu’est ce que j’aimerai me faire « dégourdir les os » par deux belles mulâtres !

Barek ABAS, le 06 Novembre 2011

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