L’élection présidentielle qui doit se jouer au printemps prochain en Algérie, n’a pour l’heure, pas l’air de mobiliser les esprits. Les algériens sont ailleurs et donnent plus qu’une impression, celle d’avoir délaissé le champ politique aux seuls éditorialistes et aux « polizness ».
Seule certitude à date, il y aura bien un gagnant à cette élection et ce, quelque soit le sort du trou des urnes. Pas d’inquiétude non plus, l’argumentaire que nous déroulera le ministre de l’intérieur au lendemain du suffrage et qui légitimera la victoire du candidat devenu président, sera huilé, juste assez, pour dissiper la douleur des perdants.
Scenario classique, d’une présidentielle comme l’Algérie en a tant connue depuis 1962. Avec cette fois un paramètre bien différent de l’ère FLN ou de celle qui aura marqué la décennie noire avec ce besoin urgent d’un retour à la paix. En effet, cette fois-ci, ce qui marque les analystes, c’est bien le désintérêt, voir le mépris de la masse envers la classe politique. Sentiment prédominant chez les jeunes, de 18 à 40 ans qui, mine de rien, représenteront plus de 40% du corps électoral en 2014.
Aujourd’hui, le fossé est tel que le problème qui se pose n’est plus tellement « qui ? » mais « pour faire quoi ? » Evidement, l’élection peut très bien se jouer sans les jeunes. Ils pourraient s’abstenir et la règle du jeu étant ce qu’elle est, il y aura tout de même un vainqueur au bout du ou des deux tours.
Mais comment le vainqueur pourra-t-il gouverner ? Pour faire quoi de son quinquennat ? Concernant les partants. La liste connue aujourd’hui est bien maigre en terme de « personnalités » capables de rassembler les 75 000 signatures nécessaires à la validation des de leur candidature. Dans le désordre, nous retenons, Yasmina Khadra, l’homme qui a le don de l’écriture mais pas celui de la parole.
Rachid Nekkaz, Un inconnu qui le restera. Ali Benouari, qui imagine enrichir son CV de « candidat à la présidentielle » ou encore Sofiane Djilali qui, d’après les photos, monte mieux à cheval que dans les intentions de votes.
Nous avons aussi, Kamal Benkoussa, qui, ce coup-ci performe déjà par l’élégance de son site internet. Cet homme est peu connu et il ne le deviendra que s’il accepte de baisser l’estime qu’il se porte et d’échanger ses Weston contre une bonne paire de bottes pour aller crapahuter dans l’Algérie profonde. Il rêve de transformer la région natale de ses parents en une sorte de Kabylie-fornie et de faire de M’sila la capitale des nouvelles technologies. Cette ville deviendrait alors la « M’sila con valley ».
Un jour, il se rendra peut être compte que les idées qui naissent en haut d’un téléski de bourg Saint Maurice peuvent aussi mourir dans une zaouia près de Laghouat. A moins que cette candidature n’en soit qu’une vraie fausse pour mieux mettre en scène un ralliement à l’homme qui sera fort, deux mois peut être même trois, avant l’élection.
Il aura peut être négocié pour cela un secrétariat d’Etat. Il ne manque plus à cette liste que la candidature de Abdelkader Secteur. Lui au moins serait drôle. Car en effet, ce qui ne l’est pas du tout jusque là, c’est que ces personnes sont à la l’Algérie ce que Biyouna est au cinéma américain. Eux, qui sous un tas d’autres prétextes considèrent qu’avoir un passeport algérien suffit pour envisager de représenter leur peuple.
Nous aurons également le choix de voter pour Ahmed Benbitour. Lancé dans la course depuis trop longtemps, sa campagne a vite montré des signes de fatigue. Elle se fait plus discrète et c’est peut être mieux ainsi. Ses déclarations sur le sujet de rendre ou pas langue nationale l’Amazigh et son refus de se positionner clairement sur ce point montre au moins deux défauts :
– Un homme politique doit avoir des convictions et savoir les défendre,
– On ne va plus de nos jours s’adresser à la presse sans un minimum de préparation et sans savoir garder ses nerfs.
Peut être que dans le fond, le discours de ce candidat est bon mais la forme est à ce point désuète qu’elle en devient burlesque.
Quant Ali Benflis, voilà un candidat non encore déclaré mais dont on connaît déjà tous les détails de la campagne sans vraiment les chercher. Son entourage est déjà bavard et gâche toute surprise.
Les ralliements, les soutiens, les organisations, ils disent à la presse jusqu’à leur incapacité à orchestrer et à organiser dans les villes leurs comités de soutiens. Pour des gens qui souhaitent prendre en main la destinée de l’Algérie, ça donne à réfléchir. On sait même que Benflis fera une longue, voir très longue déclaration à la presse sans droit de relance.
« Coucher, pas bouger », vous êtes là pour m’écouter. Cette attitude porte en elle la culture d’un temps passé. Aujourd’hui, un pitch se joue en 18 minutes. Et voilà pourquoi les prestations de Bill Gates, de Julian Assange, de Philippe Starck, de Peter Gabriel, de Richard Branson ou de Frank Gehrysont visionnées par des millions de personnes sur Youtube.
Il ne faut pas que 2014 soit un rendez-vous manqué avec notre avenir. Pour cela, notre pays a besoin de prétendants capables de comprendre qu’à partir du jour où la décision de se présenter est devenue irrévocable, un candidat, doit, à chaque instant, prouver qu’il intègre l’enjeu historique de la fonction, et s’attache à se comporter aussitôt en conséquence : gagnant toujours plus en densité humaine, en bienveillance, en dignité, incarnant l’autorité tranquille, la clairvoyance, la limpidité de ses intentions.
Il devra se rendre prévisible, lisible. C’est la condition essentielle du lien de confiance. Son portrait robot serait alors celui d’un homme sage, dégagé des ambitions matérielles, objectif et impartial. Il devrait être authentique, fidèle à son histoire personnelle et qui parlerait le langage de l’effort. Sa vision du long terme concorderait avec sa maitrise de l’histoire. Il serait pragmatique, libre et saura engager sa parole. Notre pays mériterait bien un tel homme.
« Polizness » : Pour nos élus, la frontière est toujours ténue entre leur carrière politique et celle dans le business qu’il aura fallu inventer un nouveau terme.
Waël Hasnaoui