20, Boulevard de la Bêtise. Le temps est maussade et une atmosphère nord-coréenne y règne. Monsieur Le Vert attend un coup de fil depuis déjà le matin. Le temps passe et le fantôme du Palais ne se réveille toujours pas. Les mauvaises langues disent qu’il ne se réveille plus que pour des émissaires d’outre-mer. MLV est confus. Perdu. Il ne sait pas s’il doit encore aujourd’hui dire des sottises. Il faut dire qu’il a pris goût depuis qu’il a été nommé ministre chargé de la Bêtise.
C’est un métier après tout que de dire des sottises, et M. Le Vert en occupe, aujourd’hui, tout un Boulevard à sa guise. A la Bêtise ! Voilà enfin le téléphone qui sonne. Il était temps. MLV commençait à être inquiet qu’on ne lui sous-traite aucune tâche. Cela pourrait être interprété comme un mauvais présage, un mauvais signe venant du Palais. Il craint, en effet, d’être remanié au prochain «bêtisier-ministériel». A la première sonnerie, des goûtes de sueurs froides coulent sur le front de M. Le Vert. Son rythme cardiaque augmente, comme s’il n’avait jamais eu le cœur que pour les sales besognes. Il croise les doigts avant de décrocher et prie Dieu qu’on lui ordonne, à nouveau, de dire des sottises, plutôt qu’on lui annonce son limogeage du département de la Bêtise. C’est une personne non-identifiée à l’autre bout du fil, mais les trois chiffres sont bel et bien ceux du Palais. Ce n’est pas la voix de son Fantôme. Probablement celle de quelqu’un de sa Cour. Mais peu importe puisqu’il s’agit des «trois chiffres» qui annoncent l’arrivée et le départ des ministres.
Le Fantôme du Palais est en colère, dit la voix non-identifiée.
Pitié, pas contre moi, supplie MLV d’une voix tremblante.
Non, quelle bêtise ! Tu aurais sinon appris ton limogeage sur CNM TV (Chaine Nationale Mercenaire), réplique la voix non-identifiée sur un ton sec.
Qui a donc osé contrarier le Fantôme du Palais ?, retrouve sa voix MLV.
Un trio de Don Quichotte au ton un peu trop libre. Ils répandent partout que le Fantôme du Palais n’apparaît plus et que ce n’est pas lui qui t’appelle des « trois chiffres», peste la voix non-identifiée.
Que Faut-il faire ? demande MLV, très excité.
I
l faut frapper, ordonne la voix non-identifiée.
- Le Vert est face à un dilemme. Il n’a jamais appris à frapper. Il n’y a pas si longtemps, lorsque ses ex-camarades se bagarraient, lui, il a préféré fuir chez les voisins. Maintenant qu’il est de retour, on lui demande de taper sur ses ex-camarades. Ce n’est pas de refus pour quelqu’un qui vit mal dans sa peau la frustration de ne s’être jamais bagarré. Quitte à le faire maintenant contre ses anciens amis. Après tout, se dit tout bas M. Le Vert, comme le ridicule, la bêtise n’ jamais tué personne ! A suivre…
Mehdi Mehenni