Journées de poésie à Azeffoun. Si Mohand U Mhand, patrimoine poétique universel

Redaction

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Y a-t-il meilleure clef pour ouvrir un tel compte rendu qu’un poème de celui à qui l’hommage est donné par ces journées poétiques à Azeffoun, SI Mohand U M’hand, en l’occurrence ? À mon avis, c’est la plus idoine…
À vrai dire, j’ai fixé ce texte pour le garder dans mes mémoires. Mais, effet d’une cause commune, il est de mon devoir (et peut être de mon droit) de le partager avec les membres de la communauté des poètes (par les dires et par l’écoute), âme de ces journées.


« Cette fois je composerai un poème, « Tikelt ta ad heggiγ asafru
Qui sera d’une beauté extrême. Wa allah ar dilhu
Il promènera tout l’univers. Ad inadi deg lawdayat

Qui l’entendra, transcrira son thème Wi tislan ar da t yaru
Et il le gardera au fond de lui même. War si beru
Le lucide comprendra ses vers. Wi lan delfahem izrat

Que dieu, dans les cœurs, sème An helal Rebbi at idihdu
La clémence et la bonté suprême. Γures i nede3u
Qu’elles s’éloignent, je suis en misère. » Ad ba3dent adrim nekfat »

Depuis le 7 juillet 2010, le jour où nous, membres élus des APC d’Azeffoun et des Aghribs, avons reçu la lettre de Mr Yvan Tetelbom, président de l’association : « Poètes à paris. », pour nous « exprimer sa joie de se rendre dans notre pays afin d’y donner hommage à Si Mohand U m’Hand avec ses 15 amis poètes, lesquels sont de notoriété internationale », les amoureux de la poésie attendaient le jour « J » avec impatience.

Initialement, selon la conclusion de la lettre de Mr Yvan, ce « J » est fixé pour le 4 octobre. « Je me fais une joie de partager avec vous dès le 4 octobre le pain de l’amitié et de la poésie », disait-t-il dans sa lettre. Mais, l’être humain ne pouvant pas toujours manier le temps à sa guise, au lieu de 4 le jour « J » s’est déplacé vers le 5 octobre. Une date de grande signification historique pour les algériens.

C’est ce jour là, en 1988, qu’est née, dans le sang, la démocratie en Algérie. Encore molle et très balbutiante, mais elle est sortie du néant. D’ailleurs, si compliquée et pleine d’inconnues, cette invention grecque, qualifiée de « régime de moindre mal », malgré ses vertus théoriques, n’arrive pas à gagner en maturation, même là où elle a atteint des siècles d’âge. Nicole Barrière, que je salue au passage pour sa modestie, sa sagesse et sa grandeur d’âme, en réponse à un acrostiche à base de la démocratie, que je lui ai dédié, me disait : « C’est très vrai. Mais où se trouve la démocratie ? Pas chez vous ? Pas chez nous ! ». Qu’une démocratie de plus de deux centenaires d’âge s’égare, que dire de celle qui n’a pas encore atteint le quart de siècle ?

Malgré sa grande signification, nos invités ne pouvaient pas percevoir sa particularité. A part les journaux qui en parlent, chacun à sa manière, cette date occupe sa case, comme toutes les journées qui composent le mois d’octobre. Sauf celle du 17 sort du lot…

Bref, les racines de la vérité ne pourrissant jamais et l’histoire ne connaissant pas le sommeil, il arrivera le moment où le temps se souviendra de ses jours.
Parlant d’histoire, nous devons reconnaître, que celle de la culture est marquée par ces journées poétiques, dans tous les sens du terme. Parlants et silencieux. Réputée, région des artistes, quoique l’art ne s’y manifeste que sporadiquement, Azeffoun s’est remémorée sa vocation pendant ces deux journées.

En réalité, il n’y a eu qu’une journée de poésie. Puisque ce n’est qu’après le crépuscule de la première journée, le 5 octobre, que nos amis poètes de Paris, ont pu humer l’air marin d’Azeffoun. En effet, c’est sous la lumière des réverbères, celle du jour étant dans les bras de la Morphée, que les Azeffouniens avaient accueilli chaleureusement leurs hôtes porteurs de beaux verbes. A vrai dire, quoiqu’on ait voulu les avoir plus longtemps, leur arrivée nocturne est plus poétique. C’est à ce moment que la muse se réveille et le tube digestif dicte au cerveau le sommeil. Les adeptes de la muse ne peuvent que l’accompagner, et les valets du tube digestif rejoignent l’oreiller. Donc, à l’accueil, seuls les amoureux de la poésie étaient présents.

Comme prévu par le programme (hormis l’heure qui a enjambé le crépuscule), c’est à l’esplanade d’Azeffoun que la réception d’Yvan et ses amis, s’est faite, en présence des maires d’Azeffoun et des Aghribs, des autres membres élus de ces deux APC, les membres du comité d’organisation et de nombreux citoyens.

A leur arrivée, les poètes étaient sous le coup de l’émotion. Celle d’Yvan était double (celle de la nostalgie et celle de l’accueil). Ils étaient émus, parce que la terre qui les a reçus, pour la première fois, est agréable et ses occupants sont pleins de générosité. Ils étaient fortement applaudis en sortant du bus qui les a amenés de l’aéroport d’Alger. Déjà, avant de mettre le pied à terre, ils voyaient les signes de bienvenue qui s’affichaient, sur l’esplanade et sur les visages des présents. Ces attentions ne peuvent que les combler d’aise.

A leur atterrissage, pour ne pas dire amerrissage, l’esplanade n’étant séparée des eaux de la mer que par une bande de sable d’une vingtaine de mètres, après avoir reçu des mains des organisateurs un petit bouquet de fleurs et une petite assiette en poterie, portant une belle expression sculpturale, la parole, que distribue la coorganisatrice Mme Djamila KABLA, est prise , successivement, par le maire d’Azeffoun – Mr Hacene Ouali- , puis celui des Aghribs – Mr Iarmeche Rabah-( qui est poète à sa façon) et par le précurseur de l’événement , Mr Yvan Tetelbom.

Dans la foule, il y avait un personnage très respectable, ne faisant pas partie des invités officiels (une omission de taille de notre part), mais très passionné de la culture et fils de la région, il n’a pas pu résister à l’attraction de ce vertueux événement. Il est venu d’Alger pour y participer. Monsieur Abderrahmane Amalou, poète et musicien compositeur (lauréat du prix Juba II de la poésie Editions NOUNOU 2010), puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’est pas venu la malle vide. Elle est porteuse de cadeaux nobles : – des livres de poésie (la sienne) en 6 langues : Kabyle, arabe, français, anglais, italien et en braille) et des CD- soigneusement emballés dans des serviettes. C’est tout à son honneur.

Une fois la prise de parole terminée, suivie d’une petite liesse, animée , inopinément, par les jeunes , en chantant et dansant ( même la poétesse Elvire s’est mise de la partie, ce qui a enchanté encore plus, les présents) , les poètes et les invités , se sont dirigés vers l’hôtel « LE MARIN », où Yvan et ses amis ont élu domicile, pour y prendre leur diner. Un signe de haute convivialité (c’est le pain de l’amitié et de la poésie, pour paraphraser Yvan). Après le diner, au fur et à mesure que les tables se vidaient, des ilots d’individus se formaient.

Des ilots où s’effectuaient des conversations en « bric-à-brac », sans thèmes bridés, spontanées, mais poétiquement fertiles, qu’animaient les occupants des ilots qui, sans visas, se transhumaient, d’ilot en ilot, pour butiner ou pondre des pensées par-ci par-là. L’un des ilots ‘ sort du lot’, au point où il a phagocyté tout l’archipel. Il est chapeauté deux personnes, l’une est un homme d’âge assez avancé (le tonton de la coorganisatrice) et l’autre est un jeune que l’Allemagne, où il a émigré, n’a pas voulu adopter, mais son cœur n’a pas accompagné le corps expulsé.

Il resta attaché à un cœur de son aimée. Les hommes, par leurs lois, ont séparé les corps, mais, l’amour, ne se souciant ni de la race, ni de l’origine, ni des religions, a lié les cœurs pour l’éternité. Les hommes qui ont fait de telles lois ont-t-il des cœurs ??? Ils conversaient en allemand d’une manière très audible, pour ne pas dire ostentatoire. Tous les présents se sont dirigés vers eux, comme des électrons qui rejoignent le noyau.

C’est une sorte d’osmose. Du milieu le moins animé vers le plus animé. Les présents riaient à gorges déployées. Pas parce que les propos des causeurs sont humoristiques, d’ailleurs ils ne sont intelligibles que par les deux parleurs, mais c’est l’étonnement qui les fait rire. Comme deux allemands riraient s’ils entendaient deux de leurs compatriotes converser en kabyle.

C’est un brouhaha festif. Un bon exutoire contre le stress. Après, l’affluence s’égrenant, progressivement, l’intérêt pour la poésie déterminant l’instant du départ de chacun, plus il est moindre, plus il nous pousse vite vers la couche, on a laissé nos amis poètes se reposer. Mais avant de rejoindre les bras de la Morphée, ils ont d’abord visité la salle des fêtes où se feront les déclamations des poèmes, le jour qui suit.

Le lendemain, aux environs de dix heures, l’ensemble des poètes sont reçus par les membres de l’APC au niveau du siège de la mairie d’Azeffoun. Si pour les autres poètes, c’est une découverte, pour Yvan cet instant l’envoie loin en arrière. Avant de devenir siège de l’APC, cet édifice était une école primaire. Vétuste, on l’a démolie après l’indépendance. En pénétrant cet endroit, ‘ Yvan enfant’ transcende ‘Yvan adulte’. Yvan, celui qui rassemble les deux, n’a pas pu s’empêcher de mettre en marche la machine à remonter le temps. Tant de scènes ont refait surface : la classe, l’institutrice, le maitre, les camarades de classe, le tablier, la table, l’encrier, la plume, la craie, l’ardoise, l’estrade, l e tableau, l’innocence, l’insouciance, la récréation, le bavardage, le classement, les prix, les punitions, la peur (celle des enseignants et celle des parents), les pleurs, les rires, la tristesse, la joie …. (Ah quelle est belle l’enfance, si l’enfant le savait !)Scènes qu’a vécues l’enfant Yvan quand il était sur les bancs de l’école primaire implantée dans cet endroit. Ces images ont refait surface dans la tête de l’intéressé.

Tandis que les autres, ils vivent la réalité actuelle qu’ils découvrent au fur et à mesure qu’ils visitent les différents services de l’APC. C’est dans la salle de délibération que s’achève la visite. Ce jour, à la place des élus, c’est les poètes qui ont occupés les sièges. Pas pour une délibération politique (quoique la politique est l’ombre de toute action !), mais pour une prise de parole poétique. Autour des personnes assises, il y’en a beaucoup qui sont debout. La salle est pleine qu’elle déborde dans les couloirs. Le maire d’Azeffoun étant pris par une autre mission à Tizi-Ouzou (installation du nouveau wali) et le 1er adjoint, Hadjou Arezki, étant en congé, c’est au 2e vice président (Amar Sini) que la coorganisatrice, Mme Kabla, a donné la première parole.

Ensuite, chose évidente, « metteur en souffle de cette manifestation » qu’il est, c’est à Yvan de donner la sienne. Il a parlé très peu, mais il a beaucoup dit. D’ailleurs, même son silence serait parlant. Sauf si on n’est dépourvu de sensibilité, à travers laquelle on peut lire les effets de la nostalgie dans les yeux de l’autrui. Ah si l’homme n’avait pas inventé la guerre et les frontières n’existaient ni entre les cœurs, ni entre les terres…

Le midi approchant à grand pas, c’est l’heure du départ vers l’ancien RUZASUS, le village d’Azeffoun (tadart u zefun). Tels des enfants (la maturité d’un poète peut-elle-être exempte de puérilité ?) en excursion, c’est dans un minibus, celui qui les a emmenés d’Alger, que les poètes ont emprunté le chemin (qui monte) vers Azeffoun haut. Arrivés à destination, une foule nombreuse, de tout âge, réceptionna les hôtes. Une fois les salamalecs d’usage effectués, Said Hilmi, juché sur petite « tribune », prononça un petit discours de bienvenue, en le rehaussant d’un petit poème, en interpellant l’étoile du bonheur, dans les trois langues parlées par l’algérien : le kabyle, l’arabe et le français. Puis le président de l’association culturelle TIGMI (patrimoine), Amar Aridj, invita ses hôtes à prendre le « pain de l’amitié », après avoir, lui aussi, prononcé quelques civilités. Le plat est composé de : figues sèches, galette kabyle (aγrum uquran) et petit-lait.

Ordinaire pour les hôtes qui reçoivent, exotique pour les hôtes reçus (voilà un terme qui joue les deux rôles, l’invité et l’inviteur). Une fois les aliments sont goûtés, savourés et appréciés, les invités sont conviés à suivre le guide, Amar Aridj. Lui devant, nous tous derrière, nous empruntons le sentier qui mène vers les en ruines romaines. En chemin, ne pouvant résister à l’invitation d’un champ en jachère, assez spacieux, qui nous offre une vue panoramique sur mer, nous y avons fait escale. Une place, si élevée par rapport à la mer, où l’œil peut voyager à sa guise, des frontières de Bejaia (à l’est) à celles de Tigzirt (à l’ouest). Pendant la pause, chacun savoure le moment à son goût.

Qui contemple le paysage côtier, en promenant ses yeux de l’est vers l’ouest, qui prend des photos souvenirs…D’ailleurs parlant des photos, l’un des villageois (Rabah), avec qui je marchais côte à côte, avait ,spontanément, l’idée de proposer à la poétesse haïtienne, Elvire Maurouard, de venir prendre une photo avec un baudet qu’on a ligoté dans les parages. C’est avec un rire, accompagné de « il veut que je prenne une photo avec son âne. », qu’elle a lié le geste à la parole en exauçant le vœu de notre ami Rabah.

Quand on est un vrai poète, on ne peut pas ne pas être modeste. Et quand on n’est pas modeste, on ne peut pas être poète.
Arrivés au site, la chaleur n’ayant rien à envier à celle du mois d’aout, certains, à l’image de la poétesse Fadéla Chaim Allami, étaient en sueur. Mais les arbres avoisinants donnent un ombrage frais pour qui veut se mettre à l’abri des dards solaires.

Une fois tout le monde est là, le guide, Amar Aridj, perchant au sommet d’un mur (ce qui en reste), commence à prodiguer des explications. Studieux tels des élèves devant leur prof, les présents écoutaient silencieusement. Une fois la leçon donnée, le maitre répondait aux questions de ceux qui voulaient comprendre davantage et ceux qui veulent dissiper toute équivoque. Amar connaît bien le site. Non seulement, il est natif, résident et président de l’association culturelle de ce village, mais il a, plusieurs fois, accompagné les étudiants en archéologie et leur encadrement qui venaient y effectuer des fouilles. Une fois le sujet bien cerné, nous quittons les lieux sans omettre de fixer les images et les paroles reçues.

Qui dans sa mémoire, qui par son appareil photos et qui par sa caméra. Le moment de lier l’utile à l’agréable étant venu, les convives sont priés de prendre le chemin qui mène vers le « couscous de l’amitié ».

Un couscous purement kabyle. Comme celui qu’on prépare le jour de l’an berbère (yennayer), qui coïncide avec le 12 janvier de l’année grégorienne. Le bouillon, en plus des ingrédients indispensables (sel, épices, oignons, carottes..), comporte un mélange de légumes secs (lentilles, haricots secs, pois chiches…) auxquels s’ajoute un poulet, soigneusement vidé de ses entrailles.

Une fois cuit, le poulet est divisé en parts (ailes, cuisses et la cage thoracique), qu’on distribue aux convives. Comme au vieux temps kabyle, on était assis à même le sol, à l’air libre, sous les oliviers, jouxtant les sépultures, en formant des rondes de huit à dix personnes, autour de grands plat (tisquma, en kabyle). Jadis, cette pratique raffermit la fraternité. D’ailleurs, à l’époque, même dans les familles, on ne mangeait pas avant que le dernier membre n’arrive. Maintenant, ce n’est plus le cas. Chacun mange dans son assiette. Celui qui arrive se sert, avale sa part et quitte la table.

Les membres d’une même famille ne sont vraiment réunis par le repas qu’un mois par année. Celui du ramadhan. La rupture du jeûne rassemble tout le monde. Bref ! Ce sont les femmes du village d’Azeffoun (RUZASUS) qui ont préparé ce repas. Elles étaient là, dans la maison d’à côté, où sortaient les jeunes chargés d’écuelles de couscous, de bidons de bouillon et de paniers de poulets. C’est à l’intérieur de cette bâtisse qu’elles ont installé leurs fourneaux pour la circonstance. Nous les remercions vivement. A la fin du déjeuner, les poétesses ont rendu visite aux cuisinières. Comme de coutume en Kabylie, elles sont reçues par des youyous. Les sourires des poétesses témoignent leurs reconnaissances et leurs remerciements. Tous les habitants de ce village sont à féliciter. De Tout âge et de tout sexe. De leur action se dégagent beaucoup de vertus : hospitalité, amitié, générosité, solidarité …

Après le manger, il y a eu deux ou trois déclamations poétiques (un jeune poète local et un autre poète parmi les invités), les visiteurs ont pris le plaisir de contempler le paysage, avant de faire le retour vers la ville.

Comme il faisait chaud, nos invités ont regagné l’hôtel pour se débarrasser de la sueur, en se douchant, et en se changeant. Quelques temps après, on s’est rencontré à l’esplanade du Marin bis (annexe de l’hôtel Le Marin), qui se trouve à quelques mètres des eaux des la mer. En hiver, quand les houles sont fortes, les vagues embrassent le soubassement de la terrasse. Là aussi, l’atmosphère étant poétique, il y a eu des déclamations. C’est Madame Kabla, calepin à la main, qui procède à l’appel en invitant chacun des poètes présents, locaux et invités, à déclamer sa poésie. Il y ‘ a eu un bon brassage poétique. L’intervention d’un poète local est intercalée entre deux interventions de poètes invités.

Le raisonnement réciproque est aussi juste. Une fois le récital terminé, il y a eu distribution des cadeaux offerts par Monsieur Amalou Abderrahmane. Ce dernier étant retenu par des obligations familiales, il n’a pas assisté à la cérémonie de distribution. C’est les maires d’Azeffoun et des Aghribs, aidés de Mme Kabla, qui s’en sont chargés. Tous les poètes présents ont eu leurs parts. Après ce, c’est la récréation. Les poètes invités sont allés plonger leurs pieds nus dans la mer avant de rejoindre leur résidence de circonstance et les locaux, eux aussi, ont pris leur quartier libre.

Le soir, avant le coucher du soleil, la salle des fêtes où se dérouleront les déclamations est, déjà, pleine jusqu’au sas. Finalement, la fibre poétique habite beaucoup d’esprits. C’est avec impatience que l’affluence attend l’arrivée les serviteurs de la muse. C’est aux environs de 21 heures, que les poètes commencent à arriver en regagnant leurs sièges installés sur la scène. Quant aux poètes locaux, ils occupent leurs sièges dans la salle, en spectateurs.
Pour donner un cachet officiel à l’événement, le maire d’Azeffoun, Hacene Ouali, monte sur scène, prend une brève parole et laisse la place au verbe de prendre toutes les tournures et tourner toutes métaphores.

C’est par la poésie chantée qu’on a ouvert la porte romantique. En effet, c’est une jeune chorale, composée majoritairement d’adolescentes, de l’association culturelle Asirem, du village Tazaghart, qui a servi d’apéritif aux déclamations, en interprétant deux chansons. Après, c’est au tour de Aziz Fellag de faire un montage poétique, si bien réussi. De formation artistique, il est doté de moyens de sa politique (artistique s’entend).Il est issu de l’école supérieur des beaux arts d’Alger.
Et puis dans désordre, tous les invités, chacun à sa façon, ce qui ajoute le charme au charme, ont déclamé leurs poèmes.

Yvan, à la façon d’un comédien, récite en faisant des mouvements au point de descendre de la scène et faire le tourde la salle comme s’il cherchait quelque chose de précieux. Il cherchait l’amour entre les humains.

Claude Ber, récite sa poésie, accompagnée de Frédérique Wolf-Michaux. La première énonce ses vers, la deuxième, les agrémente par ses belles cordes vocales qui entonnent une musique agréable.

Elvire Maurouard, après avoir cité un poème sur Azeffoun, qu’elle a composé le jour même, elle a lu son célèbre poème « Tu es victoire, je suis noire. » a propos d’ Azeffoun, elle disait : « Ce fut un grand bonheur de découvrir ce lieu magnifique. Les poètes locaux furent géniaux. Merci de votre accueil exceptionnel. A l’année prochaine, sans doute »

Nicole Barrière, en alliant sociologie, sa profession, et la poésie, sa passion, cette dame d’un comportement si sage et calme, œuvre à asseoir la paix dans le monde, en se servant de verbe. Ses mots sont des extincteurs de maux. « J’espère que nous pourrons continuer les échanges entre la France et la Kabylie, que nous pourrons construire un avenir commun dans l’amitié et la fraternité » disait-t-elle. Cette phrase dénote le fond de la poétesse.

Fadéla Chaim Allami, cette algérienne, exilée intérieure et extérieure, incite, par sa poésie, le silence à mugir. Elle sait que des silences, il y’en a les mauvais, ceux qui couvent le mal, et les bons, ceux qui nourrissent le bien. Donc, autant faire parler les premiers et aider les seconds à garder leur mutité. Sa poésie est accompagnée musicalement par L’Hamid Ouchene et sa mandole. Un compositeur interprète qui chante en kabyle.

Michel Cassir, en bon chimiste qu’il est, il produit sa poésie, après avoir bien analysé, dans son laboratoire, la formule « exigence et l’intégralité de l’aventure poétique »
Pierre Bastide, cumulant plusieurs fonctions qu’il marie avec ses passions, ce professeur de lettres (option théâtre), né en Algérie, est en possession de beaucoup d’atouts pouvant lui permettre d’agiter les idées d’une manière poétique.

Jean-Louis Châles, adepte des poètes maudits (Baudelaire, Rimbaud, Verlaine), en plus de La Fontaine, Jean Cocteau, a fait une remarque aux poètes : Celle de ne pas avoir « poétiser » sur l’amour. Elle est fondée, la remarque. La poésie de Si Mohand U M’hand, est imbibée d’amour. « O mon cœur, sois patient/Si tu veux être digne et conscient/C’est la veille de l’Aïd aujourd’hui. Dans tous les lieux saints, Dieu est présent/ De jeunes filles, il y’en a tellement/ Celles qui ont appris son unicité. Nous sommes, sous tension/ Moi et mon attention/ Par leurs habits, nous sommes saoulés ».disait dans l’un de ses poèmes

Il (Jean-Louis) le sait, puisqu’il connaît son œuvre, par le biais du recueil établi par Younes Adil.
Kamel Yahiaoui, sa poésie suce sa sève des vices qui polluent l’humanité (violences raciales, coloniales et ethniques). Il essore ces méfaits de leurs amertumes et puis il en fait une poésie pleine de délices.

Après leurs déclamations, tous les « poètes àParis » ont échangé les rôles avec les poètes locaux. Les seconds qui étaient dans la salle avec les spectateurs ont rejoint la scène pour occuper les places des premiers. Et vice versa.
Parmi les poètes locaux, dont toutes les déclamations sont faites en kabyle, il y’avait Nkouna Adnane, Missoum, Fellag Said, Karim Yahi (chanteur aussi), Ait Slimane Nordine, Ait Slimane Hamid, Annaris Arezki…

A la fin, de leur récital, L’animatrice avait qualifié MISSOUM de « sorti du lot. ». Mais les poètes locaux ne sont pas de cet avis. Pour eux, nul n’est au dessus de l’autre. A la place de la concurrence, il y avait de la symbiose entre les poètes cette nuit là. L’art rejette compétions, autant qu’il adopte les communions. Tous les poèmes récités sont bons. Ils sont différents, mais ils ne se télescopent pas.

C’est ce qui fait leur richesse. Il est vrai que parmi tous les poètes présents, il est le plus jeune, mais ses poèmes, quoiqu’ils ont leurs qualités, ne sont ni meilleurs, ni pires que les autres poèmes déclamés. Oui, les éloges sont généralement stimulateurs, mais, pour un jeune surtout, ils peuvent entraver en croyant avoir atteint le plafond. On est des apprenants éternels. On n’est jamais sorti du lot. Parmi tous les jurys, ce ceux de l’art qui butent contre un grand dilemme pour départager les candidats (concurrents n’est pas tellement approprié). Il est difficile de décréter un artiste mieux qu’un autre. Mais, affirmer que leurs œuvres conjuguées donneront un art meilleur, est une certitude.

Ce jeune ne peut pas sortir du lot où se trouvait Ait-slimane Nordine et son cousin Hamid. Nordine est un producteur et animateur d’une émission poétique (taxelwit imedyazene = ermitage des poètes) à la radio chaineII, il est poète dramaturge reconnu. Il est aussi porte parole et membre du jury des journées poétiques Youcef Oukaci et Si Mouhand U Mhand. Hamid, est un poète écrivain qui a son actif pas moins de sept livres (entre recueil de poésie, roman, et recueil de nouvelles). Néanmoins, modestes qu’ils sont (qualité de tout poète qui se respecte) ils se sont mêlés à nous, poètes amateurs, sans aucune prétention, ni arrogance Ce soir, on devait rendre hommage à un absent. Il devait déclamer sa poésie, mais certaines circonstances l’ont empêché d’être parmi nous. Monsieur Amalou Abderrahmane, puisque c’est de lui qu’il s’agit, était parmi nous toute la journée. Heureusement qu’il nous a laissé des serviettes qui contiennent ses verbes rimés. Quand la poésie et la générosité partagent le même toit, le bien jubile et le mal reste coi.
On ne peut pas clore cet écrit, sans citer :

Belgaid Arezki, photographe et ami d’Yvan depuis leur enfance, qui, de leur atterrissage à l’aéroport d’Alger, appareil photo suspendu au cou, à leur retour, était aux côtés des poètes. Il a fixé tous les faits importants de l’événement.

Akham Abdeslam, membre de l’association culturelle « ISSIAKHEM M’HAMED », était au fait de ces journées poétiques, de la gestation à l’accouchement. De leurs préparatifs à leur mise en pratique. C’est lui, avec Arezki Belgaid, qui était à l’accueil des « poètes à paris » à leur descente d’avion. C’est ensemble, dans un minibus, qu’ils ont emprunté le trajet Alger-Azeffoun. Et puis, sans ostentation ni trop de gesticulations, il faisait un travail de fourmi. Il veille au grain, durant tout l’heureux événement. Un événement où tout un chacun a mis son grain de sel, à sa façon. De l’attitude ce bonhomme, on déduit que sagesse ne rime pas toujours avec la vieillesse et le bavardage n’est pas l’apanage de l’adolescence. C’est un garçon réfléchi. Il n’est pas loquace, mais il est efficace.

Faisons que cette graine poétique prenne germe, pousse et se transforme en fleurs rimées de diverses couleurs. Que chaque année, des cultivateurs de la muse, des quatre points cardinaux de l’univers, viennent enrichir le jardin avec, chacun, sa variété de semence métaphorique dans sa besace.

En restant strictement dans le cadre poétique, qui rassemble toutes les tendances politiques, remercions tous ceux qui ont participé à la réussite de cet événement. D’une manière directe ou indirecte. Les APC des aghribs et d’Azeffoun, les membres du comité d’organisation (filles et garçons), les poètes, tout le public (charme de tout spectacle) et, d’une manière appuyée, les habitants du village Azeffoun (ancien RUSAZUS).

Les journées de poésie ont poursuivi leur chemin en Kabylie, tel que prévu par le programme : le 07 octobre le matin aux Aghribs et le soir à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou et s’est terminée, le 09 octobre, par un recueillement devant la tombe de SI MOHAN U M’HEND. Moi, retenu par des obligations professionnelles, je n’ai pas eu le privilège de connaître la suite des faits. Ce qui ne me donne pas le droit de commenter leur état.

Sortons une autre clef de Si Mohand U Mhand pour fermer ce texte, que j’espère, n’est pas très infidèle à la réalité. Il parait que c’est avec celle là qu’il a clos son répertoire poétique.

« O cheikh Mohand welhocine, notre référence, « A cixx muhand w’elhucin,
Je suis venu faire votre connaissance. Nusad ak nisin
L’angoisse a envahi mon cœur. Ul iw irekb it lγidd.

O aigle qui habite dans l’aisance, A lbaz izedaγ en lahsin
Etre à vos côtés est une préférence. Ilaq ak wisin
Je suis conquis par la froideur. Ata ikcam iyi usemid

O saints, préparez bien ma partance A sadat hegit a3win
Au-delà de la colline qui nous devance. Si tizi akin
La patrie aura d’autres possesseurs. » Tamurt at zedγen wiyid »

Arezki Annaris

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