La crédibilité du Baccalauréat algérien de plus en plus remise en cause  Par Bachir Hakem

Redaction

La session ordinaire de l’examen national unifié du Baccalauréat, toutes branches confondues, se déroulera du 7 au 11 juin prochain.

Dans le cadre de la poursuite des efforts visant à préserver la crédibilité du Baccalauréat national et à soutenir les mécanismes à même de garantir le mérite et l’égalité des chances pour tous les candidats, le ministère de l’Education nationale annonce avoir pris toutes les dispositions nécessaires en vue d’assurer pour les candidats en situation de handicap, les meilleures conditions en termes de déroulement des examens et de correction des épreuves. Le ministère avertit les candidats et candidates que la détention d’objets électroniques, au sein des centres et salles d’examen, sera considérée comme une fraude qui privera l’élève concerné de poursuivre les épreuves. Les cas de fraude seront soumis à des commissions spécialisées qui se prononceront sur les sanctions disciplinaires à infliger aux candidats tricheurs et qui peuvent aller jusqu’à l’interdiction de passer l’examen du baccalauréat durant plusieurs années. Mais depuis plus de huit ans, la crédibilité du Baccalauréat en Algérie est remise en cause. La raison évoquée est la grève des enseignants qui est programmée même par la tutelle pour légitimer les programmes impossibles à finaliser même sans grève, ainsi que les sujets proposés au choix et la méthode de corrections excessivement favorable à l’élève, sans parler de la montée de la triche dans les centres d’examens. Maintenant comment peut-on analyser ces observations?

D’abord, parlons du programme : pratiquement tout enseignant vous dira qu’il est impossible de terminer les programmes sans bourrer les têtes des élèves vu le niveau de ces derniers, qui arrivent en terminale après avoir fait seulement cinq ans au primaire et sans connaitre le moindre échec, malgré le niveau de la plupart d’entre eux mal orientés dès la seconde ainsi que les bas coefficients affectés aux matières essentiels, suivant la spécialité pour assurer un bon taux de réussite, pendant toute la scolarité de l’enfant, quel que soit les moyens, allant jusqu’à proposer aux candidats deux sujets au choix et avantager la notation de leur copies pour assurer un maximum de réussite au baccalauréat.

Maintenant, abordons le temps d’enseignement : définition du temps d’enseignement officiel obligatoire dont doit bénéficier l’élève en 2014-2015, pour pouvoir terminer normalement les programmes en terminale: le temps d’enseignement officiel obligatoire est le temps passé en classe par les élèves, compté en minutes pour l’année scolaire 2014-2015. Il s’agit de multiplier le nombre de périodes d’enseignement par semaine par la durée d’une période en minutes, puis de multiplier l’ensemble par le nombre de semaines d’école, (ex: 28 périodes x 60 minutes x 35 semaines=58800 minutes par an).

Le nombre de minutes réel vraiment effectué, vu que les vrais cours ne commencent que fin septembre et finissent fin avril, avec 30 jours de vacances et près de 30 jours de grève, impossible à rattraper. Donc la durée en minutes est 28 périodes x 60 minutes x 25 semaines= 42000 minutes. Donc l’élève cette année aura un déficit de 58800-42000=16800 minutes de cours. Ce qui est énorme et qui montre que l’élève algérien qui abordera le baccalauréat cette année, ne pourra avoir les prérequis nécessaires pour réussir à l’université, d’où l’explication de l’échec des 60% des étudiant en première année universitaire.

Le constat : le CLA a constaté que moins de 40% des élèves ont obtenu cette année, au premier et deuxième trimestre, plus de la moyenne. Alors qu’au troisième trimestre, ce taux a encore diminué. Le baccalauréat est devenu chez nous un objectif en soi, plutôt qu’une période transitoire pour la préparation des forces qui peuvent répondre aux besoins du marché de l’emploi et suivre le rythme du développement scientifique. Le ministère est préoccupé principalement par le taux de réussite au baccalauréat et la recherche de moyens pour l’amplifier; depuis l’identification des leçons couverts par les examens, au détriment de l’information et de l’exercice, jusqu’à la demande de rapports réguliers de la part des enseignants, afin d’être informé de leurs progrès dans les programmes scolaires. Ceci met la pression sur les enseignants et les oblige à sauter des leçons pour éviter les problèmes. Le taux de réussite au baccalauréat reflète, pour certains, l’efficacité des réformes dans le système éducatif, mais la réalité démontre le contraire. Comment peuvent les élèves de différents niveaux comprendre la science et avoir un esprit d’initiative, alors qu’ils sont entassés dans des classes avec plus de 50 élèves, et qu’ils assistent à des cours qui n’offrent pas de continuité et qui ne suscitent pas leur intérêt, vu qu’ils ne tiennent pas compte de la réalité avec moins de 16800 minutes de cours en moins par an?

Le nombre de candidat cette année dépasse les 800 000 et si le taux de réussite est maintenu à près de 60%, le nombre d’étudiant en première année universitaire sera de plus de 480 000. Ce flux d’étudiant pour l’année 2015-2016 posera d’énormes problèmes graves à l’universitaire qui verra, à son tour, tous les maux vécus par l’enseignement secondaire de 2012 à 2015, sur tous les plans pédagogiques, manque d’encadrement ainsi que montée de la violence, ce que le CLA avait prédit depuis l’ère de Benbouzid. La crédibilité du Baccalauréat est de plus en plus touchée sans qu’il n’y ait aucune réaction.

L’urgence aujourd’hui c’est de réformer le baccalauréat et l’organiser sur une durée de quatre ans, en deux phases, pour pouvoir terminer les programmes et donner plus de crédibilité au baccalauréat algérien.

*Porte-parole du CLA et professeur de mathématiques au lycée Colonel Lotfi d’Oran

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