La maternité, ce sublime évènement qui peut tourner au cauchemar    Par Farouk Zahi

Redaction

Qui a-t-il de plus sublime qu’aider à venir au monde ? Le premier vagissement du nouveau né est un hymne à la vie. Apparemment, cet acte de foi ne semble pas être la préoccupation première de certains  praticiens (hommes et femmes) qu’ils soient du secteur public ou libéral. S’agissant pourtant du destin vital  de deux êtres humains  intimement liés par un cordon qui draine le souffle de l’existence même, on en arrive à en faire une tâche rebutante.

L’image horripilante qu’à délivrée, récemment la télévision publique au sein même d’un service dit hospitalo- universitaire, n’est qu’une vision tronquée de l’amère réalité de l’emprise, sans appel, d’une bureaucratie qui fait du titre académique ou professionnel, le sésame qui mène au paradis de la chefferie. Le haut-le-cœur n’est pas en fait, ces tables d’accouchement souillées qui à la limite, peuvent être recouvertes de toile d’alèze, mais cette désinvolture par laquelle on tente de justifier l’injustifiable. Quant aux insectes et autres arthropodes parasitant les lieux, c’est la profusion de souillures biologiques qui en assure la survie pour que la boucle soit bouclée. Exiger la bonne hygiène, faite de la brosse et du rustique savon de Marseille, reviendrait à faire injure aux personnels, aussi bien médical que paramédical que de lui  dire de veiller à la bonne vieille hygiène de grand-mère. A  ce propos, la sage femme est-elle toujours de statut paramédical ou bien l’a-t-elle troqué pour un autre  plus gratifiant socialement ?

 Le comble du dépit pour un ancien professionnel des années fastes de l’acte de santé fait de propreté et de probité intellectuelle, sans beaucoup de ressources, était de suivre presque en direct ce débat incongru entre un professeur chef de service et un assistant sous l’œil placide du chef d’établissement. Cette réunion, apparemment improvisée sous la « présidence » de la caméra, donne la désagréable impression que la palabre a pris le pas sur la coordination organisationnelle. Monsieur le directeur général, en tentant vainement de disculper son établissement, parle volontiers d’un surnombre de parturientes venant de tous les horizons. Il en appelle à la conscience de ses pairs des autres wilayas pour prendre pleinement leurs responsabilités. A- t-il, au moins, fait le geste de les en informer par écrit avec chiffres à l’appui ? Il est permis d’en douter. D’ailleurs, en matière de chiffres, il a évoqué le nombre d’admission de 100 « malades » par jour, alors qu’il ne s’agit que de femmes enceintes dont certaines seulement présenteraient des grossesses à risque et dans ce cas précis, peuvent être considérées comme patientes. Le règlement intérieur de l’établissement stipule dans l’un de ses articles que lorsque l’affluence est supérieure aux capacités techniques, il peut être procédé à l’ajout  de lits.  

Une praticienne chef d’unité, motive cette descente aux enfers par le sous effectif patent en personnel de soins. La norme qu’elle établit arbitrairement serait d’une (1) infirmière pour deux (2) lits alors qu’elle ne disposerait que deux éléments pour 52 lits ?! Le surpeuplement du service de néonatologie, ne peut justifier à lui seul, le dépôt en « vrac » de plusieurs bébés  dans une même coquille. Et ce n’est certainement pas ainsi qu’on mettra à mal une administration parfois revêche. Surréaliste, le débat s’enlise dans la contradiction en matière d’écho-dopplers disponibles ou en panne, alors que la caméra venait de balayer l’aire d’activité en montrant un tabouret en bois d’un autre âge et des lits d’hospice du début du siècle passé. Tout le monde est d’accord pour dire, que c’est toute la périphérie qui afflue vers le CHU. On semble oublier que le statut régional de la structure en fait un point nodal en matière de spécialités médicales et par conséquent un centre de convergences référentielles. Le facteur attractif du service est modulé par le nombre de praticiens de la spécialité qui y exercent. Il est fort à parier, que leur nombre  dépasse celui  cumulé de plusieurs wilayas périphériques. La focalisation des actes médicaux sur les spécialités, jadis, confiés à l’omnipraticien est la résultante du comportement goguenard  et parfois même méprisant de certains spécialistes à l’égard de leurs confrères généralistes. Cette posture a conduit, immanquablement à la désaffection de la population vis-à-vis du généraliste. Les mauvais réflexes deviennent une seconde nature qu’il sera difficile à réorienter. Dans les pays médicalement avancés, la première interface avec le patient est d’abord l’infirmière, le médecin n’intervient qu’à la sollicitation de celle-ci. Nous n’en somme pas encore là !

 Cet état de délabrement n’honore, ni le secteur, ni la profession car il vient de porter un traitre coup à ces multitudes de praticiens de la santé, aussi bien médicaux qu’administratifs et de services qui font un travail louable et méritoire en direction des populations, notamment celles des profondeurs territoriales.

Locomotive de la résurgence du Bureau communal d’hygiène (B.C.H) en 1987, le secteur de la santé est devenu, sous les coups de boutoir de la suffisance et du nombrilisme, lui-même sujet à caution en matière de salubrité. Il fera dorénavant, l’objet d’inspection de la part de cette structure communale et il ne pourra en vouloir qu’aux tenants des principautés hospitalières. Le secteur qui prétendait conduire la lutte contre les fléaux morbides du siècle dernier par la formation de techniciens sanitaires tels que les Agents techniques d’assainissement (ATA) et dont les missions principales était de  promouvoir  l’assainissement du milieu et mener la  lutte contre les vecteurs a, sous les oracles de faux prophètes,  laminé ce corps de santé prestigieux. Et c’est à l’orée du troisième millénaire que nos jeunes praticiens médicaux sont mis  face au spectre des maladies médiévales :  peste à Kehalia, leptospirose à Tizi Ouzou et enfin  botulisme à Sétif et à Batna. La rage continue malheureusement à faire des victimes expiatoires au grand bonheur des chiens et chats errants. En intégrant ce corps de santé dans la filière  « soins infirmiers », les faiseurs de miracles pensaient ingénument que l’effectif médical disponible pouvait à lui seul, satisfaire à une demande exponentielle induite par la dynamique socio économique influant négativement sur la salubrité et l’hygiène du milieu. Le tort incommensurable porté au système national de santé, notamment dans son segment hospitalier est sans doute, cette surmédicalisation effrénée qui fit que le nombre de médecins dépasse de loin celui des praticiens en soins. Appelé personnel de surface sous d’autres cieux et formé pour la tâche, le personnel chargé de l’hygiène générale  continue à subir le mépris de l’entourage professionnel et des usagers. Sous qualifiée et évoluant sans gouvernance, cette ressource humaine,  gagnerait à être valorisée par la formation et pourquoi pas la promotion ascensionnelle dans la filière.

 

Ceci n’étant que la partie émergée de l’iceberg car si l’hôpital produit des déchets, il faut dire aussi que leur destination est encore aléatoire. Appelés techniquement DASRI (déchets d’activités de soins à risque infectieux), cette arlésienne hospitalière et dont le Pr Abdelkrim Soukehal, enseignant-chercheur, en a fait son cheval de bataille depuis bientôt deux décennies, n’est pas sans risque sur l’environnement général. Produits, jadis, par les seules structures publiques, ces déchets sont majorés actuellement par les structures hospitalières à statut libéral et ne semblent pas susciter l’intérêt requis de la part de la collectivité locale. Aussi, est-il grand temps de se ressaisir, à l’effet  de prévenir toute éclosion de foyers infectieux à genèse hospitalière, car le risque est le plus souvent mortel. Riche en textes de loi et réglementaires, l’arsenal juridique existe ; sa portée n’aura de sens que si les acteurs des différents secteurs pollueurs se sentent  une fois pour toutes concernés.

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