Il est des temps où le silence est synonyme de complicité. Il est des temps où il faut assumer un discours élitiste parce que cela est vital pour l’avenir de notre nation. L’Algérie a cessé de produire une élite depuis les années 70. L’échec du système éducatif et la volonté consciente ou inconsciente de tout mettre en oeuvre pour que les talents algériens ne puissent pas se former dans les parcours d’excellence internationaux en ont été les principales raisons. La suppression des bourses d’excellence en 2013 a marqué un arrêt total de la présence de talents algériens sur les bancs des plus prestigieuses institutions internationales (HEC Paris, Polytechnique, Sciences Po Paris, Imperial College, LSE, Standford, Georgetown, etc.). Alors que nos voisins tunisiens (150 par année) et marocains (350 par années) sont bien représentés dans toutes les Grandes Ecoles, il est rare d’y croiser un Algérien.
Une association, ATLAS (Algerian Talents & Leaders Association), a créé un programme de développement de talents pour les étudiants d’origine algérienne afin d’augmenter leur représentativité dans les Grandes Ecoles. Depuis 2010, ils ont coaché cinquante étudiants : 96% d’entre eux ont intégrés une Grande Ecole en France, au Canada et en Espagne. Toutefois, 50% d’entre eux rencontrent des difficultés à payer leur frais de scolarité qui s’élèvent jusqu’à 17 000 euros par année. A cela il faut ajouter 8 000 euros de frais de vie, soit 24 000 euros par an et 48 000 euros pour l’ensemble du parcours.
Le Maroc, la Tunisie, le Liban, la Chine, le Brésil accompagnent, favorisent, et financent leur élite dans l’espoir de la voir revenir un jour. Et quand bien même elle resterait à l’étranger, c’est un atout considérable d’avoir des Algériens dans les conseils d’administration de grandes entreprises, dans les start up innovantes, dans les grandes institutions internationales comme l’ONU, la Banque Mondiale, etc.
La banque centrale pénalise les étudiants algériens
Pire, ces étudiants, ces talents qui pourraient contribuer véritablement à l’espoir d’une nouvelle Algérie, doivent payer leur frais de scolarité en passant par le marché parallèle (34 000 euros), ce qui les pénalise fortement en payant 50% de plus que leurs camarades. Pourquoi ? Tout simplement parce que la banque centrale refuse d’effectuer le paiement des écoles à partir de l’Algérie. Est-ce juste ? Je ne le pense pas.
Le retour des Algériens de l’étranger : le faux débat
Il est prouvé notamment par le professeur Elias Mouhoub (professeur d’Economie à l’Université Paris Dauphine où il enseigne l’économie internationale) qu’une élite doit se trouver à l’étranger pour servir son pays d’origine, volontairement ou involontairement. Dans les deux cas, elle est bénéfique en termes d’influences politique, économique et financière. Par ailleurs, la question du retour, car c’est de cela dont il s’agit, ne dépend que du gouvernement algérien. Quel être humain fuirait son pays par plaisir ? Non, un citoyen algérien qualifié quitte l’Algérie parce qu’elle ne lui offre pas les bases : la sécurité, la justice, l’éducation, et la santé. Il ne revient pas car il n’est pas considéré à sa juste valeur, ses diplômes ne sont même pas reconnus. Est-ce juste ? Je pose la question.
Kamel Haddar est un citoyen engagé pour un avenir meilleur de l’Algérie. Il est le directeur général du cabinet de conseil en stratégie Origin Partners. Il est également le co-fondateur d’ATLAS (Algerian Talents and Leaders Association) qui comptent 400 membres issus des parcours d’excellence.