Le Serial Lover…de fabrication Algérienne

Redaction

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Par Nesrine Briki*

On a beaucoup écrit sur les techniques de dragues au Maghreb (surtout en ce qui concerne l’Algérie) ; les articles, sites internet ou autres blogs qui recensent l’art de l’amorçage amoureux et les phrases fétiches employées par le  dragueur Algérien sont pléthore.
On peut effectivement y découvrir toute la créativité verbale dont est capable une certaine catégorie de nos compatriotes mâles en manque d’amour, leur forte aptitude à user d’une certaine forme d’allégorie poétique, mais aussi, leur mauvaise foi pathologique. Tout cela fait surtout sourire.
Mais jusqu’à présent, il me semble que l’ on occulte un aspects important de la question ; personne n’a daigné encore parler du principal intéressé, à savoir l’essence même de la chose, celui sans qui ces phrases cultes n’existeraient pas,  j’ai nommé bien sûr le serial lover.
Je me propose de remédier à cette grave injustice et à réparer cette lourde lacune par le truchement de cet article, dans les lignes qui suivront, le profil psychologique, les motivations et les espoirs cachés du draguer invétéré made in Algeria, n’auront plus aucun un secret pour vous .

Qui est-il?

D’emblée, j’exclus dans ma tentative de définition  la figure archétypale du dragueur Hittiste : Hitt en arabe signifie mur, associé au suffixe iste, il se transforme en attribut.
En Algérie, le hittiste est un jeune (le plus souvent chômeur ou vendeur de cigarette), il est nommé ainsi car il passe la majeure partie de son temps adossé à un mur (qui devient son mur car lorsqu’il en adopte un, il est rare qu’il en change). Cette activité lui laisse le temps de rêver, d’espérer ou de  s’ennuyer.
Pour s’occuper ou en réponse à une réalité trop insatisfaisante,  le hittiste réserve à chaque passante  une de ces fameuses phrases d’amorce,  tel un péage dont il faut s’acquitter, toutes celles qui ne sont pas trop repoussantes et en âge de se reproduire y ont droit.

En réalité le dragueur hittiste est un grand romantique qui cherche l’amour en se disant que la prochaine  sera peut-être la bonne. Il est rare d’ailleurs que le dragueur conclue grâce à ses méthodes, cela reste au niveau verbal et ne va pas plus loin que ces phrases lancées presque automatiquement.
Raison pour laquelle j’établis une distinction entre le profil du dragueur hittiste et celui du serial lover, car si le premier concrétise rarement, le second multiplie les relations et les rencontres galantes, et va loin dans la logique de conquête amoureuse.
À l’instar du dragueur hittiste, le serial lover est un dragueur compulsif qui saute sur tout ce qui bouge et tente sa chance avec tout ce qui porte jupon, mais il le fait de manières beaucoup plus subtiles, son aptitude naturelle à trouver les mots qu’il faut fait que ses tentatives sont plus fructueuses que celle du hittiste, victime de son succès, son adresse le conduit à considérablement s’investir dans ses relations simultanées.

Pourquoi et comment?

L’amoureux en série dépense beaucoup d’énergie et de temps pour entretenir ses différentes ‘histoires de cœurs’, l’instinct de chasse amoureuse étant très développé chez lui et la drague habile une seconde nature, les ‘prises’ peuvent vite s’accumuler et devenir ingérables, jusqu’à ce qu’il règle le problème en s’évanouissant dans la nature.
Il agit ainsi peut-être par jeu, par simple perversion ou par esprit de compétions, mais comme le personnage de Dom-Juan, les motivations profondes du serial lover sont beaucoup plus complexes.
Ces conquêtes éphémères lui apportent une satisfaction immédiate ; elles valorisent son ego viril et le rassurent sur sa capacité à plaire, mais elles lui permettent surtout d’échapper à une réalité qui ne lui convient pas.

Sous cet angle de vue, la drague compulsive devient un moyen de fuite en avant qui rend tolérable un environnement perçu comme insatisfaisant.
En gros, le serial lover est mue par un mal-être qu’il tente vainement de transcender par la multiplication des conquêtes amoureuses.
Pour parvenir à ses fins, celui-ci déploie une énergie incroyable et ne recule devant rien ; si la belle aspire à une ribambelles d’enfants, il le lui promettra, si elle espère un beau mariage avec des cavaliers de la fantasia, il le lui fera miroiter, si la proie souhaite simplement se ‘caser’, il se constituera comme candidat idéal à ne pas rater, en brandissant  le risque de finir vielle fille.

Il sait exactement ce qu’il faut dire pour ‘ferrer’ sa proie et la nourrir d’espérance, mais au moment de passer au concret, l’amoureux en série se met à nouveau à fuir, vers d’autres conquêtes sans doute.
Combien d’histoires a-ton entendues au sujet de futurs mariés ou de fiancés qui disparaissent sans laisser aucune trace?

Une prolifération toute naturelle

Si la fonction crée l’organe, les serial lover seraient si nombreux en Algérie parce qu’ils peuvent  facilement agir en se servant de la détresse de la gente féminine.
Ils se contentent pour cela d’exploiter une peur commune à 99% des femmes Algériennes non encore mariées, celle du célibat non voulu qui accompagne l’angoisse de finir vielle fille, ils leurs est aisé par la suite, en ayant recourt à la flatterie, aux mensonges et à la duperie, d’entretenir l’illusion et l’espoir du candidat idéal.
Un serial lover, qu’on nommera Tayeb m’avait un jour confié : « C’est presque trop facile, il suffit juste de faire allusion aux mots clefs : officialisation, bague, fiançailles… et le tour est joué! Elles sont toutes obsédées par le mariage, de 20 à 41 ans, (au delà, je ne pratique pas) elles ne voient en moi que l’hypothétique mari ou le potentiel futur fiancé, elles soupèsent et jaugent l’air de rien…Tu crois que j’aurais tort de m’en priver? »
Je me suis gardée d’émettre un quelconque jugement, et j’étais à court d’argument, car même si par pure solidarité, ce genre d’individu me répugne, je ne savais plus quoi penser, car au fond, il fallait à contre cœur avouer qu’il n’avait pas complètement tort le bougre : si le serial lover existe et se porte aussi bien en Algérie, c’est bien parce que selon une simple loi de la nature, aucune espèce ne peut prospérer si la chaine alimentaire de laquelle elle dépend est pauvre, le sériel lover prolifère en Algérie, car  en tant que prédateur, l’espèce chassée se trouve en abondance.
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(*)  Nesrine Briki est doctorante en littérature et civilisation Européenne. Elle  est aussi journaliste/écrivain révélée en Algérie pour ses publications jeunesses et ses vulgarisations scientifiques, notamment un conte cosmogonique dont le titre est ‘Tom l’Atome et le Big-Bang

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