Le Professeur Ahmed Rouadjia, condamné récemment à six mois de prison ferme et à 200 000DA d’amende par la Cour de M’sila, suite à un procès qui l’oppose depuis 2008 au recteur de l’université de M’sila, pointe dans ses écrits et ses interventions la dégradation, la gabegie, la corruption, dont souffre l’université algérienne, à l’image d’une Algérie « au bord de l’explosion« , comme il le constate.
Un constat que partage un professeur d’anglais dans un lycée algérien, qui témoigne de son incapacité à transmettre des valeurs et du savoir à des élèves nourris, selon lui, au sein de la « facilité », le travail et le sérieux étant devenus « ringards en Algérie ».
Témoignage
« Bonjour Mr Rouadjia,
Je suis enseignant d’anglais au lycée et un grand admirateur de vos écrits dans la presse quotidienne.
Comment voulez vous que l’université se porte bien alors que les nullards ont leur baccalauréat avec 12 et 14 de moyenne. L’année écoulée dans une classe de 45 élèves, en moyenne 6 élèves seulement étaient aptes à décrocher leur baccalauréat, pourtant toute la classe se retrouve maintenant à l’université, la plupart blâmés et avertis avec jusqu’à même 3 de moyenne annuelle (même dans le rêve ils n’espéraient pas la réussite) et bien ces cancres ont réussi avec des mentions « Bien » et « A. Bien ».
Qu’on ne dise pas qu’ils travaillent en dehors du lycée, parce qu’on connait bien leurs cursus scolaire ; ce sont des élèves qui ont manqué de sérieux pendant toute leur scolarité et sont passés aux classes supérieures par rachat, ou bien on leur a gonflé les notes pour des raisons d’intérêts ou en trichant, et comme la triche en Algérie n’est pas pénalisée ni au sein des établissements ni lors des examens, les élèves n’ont plus froid aux yeux, n’ont aucune crainte, ils ramènent des documents en miniatures ou copient entre eux. Ce qui est décevant dans tout cela, c’est que les enseignants surveillants se font complices en fermant les yeux sur la triche, sur les oreillettes portées sous le hidjab et même sur les fausses identités.
Lors des corrections du baccalauréat, des copies identiques ne sont pas pénalisées, le barème est trop large, on va même jusqu’à donner la note complète a des équations fausses en physique sous ordre du ministère. Là encore les correcteurs ferment les yeux sous la menace d’être renvoyés définitivement des corrections s’ils n’appliquent pas les directives.
Il résulte de tout cela qu’il est devenu de plus en plus difficile d’enseigner, les élèves sont de moins en moins sérieux, de moins en moins motivés. Ils ne cherchent plus à faire d’efforts. L’assiduité, le sérieux, le respect, toutes ces valeurs sont devenues inutiles, Ils voient que même nuls et indisciplinés ils passent en classe supérieure et ont leur examens sans trop se fatiguer et même sans se fatiguer du tout, alors pourquoi prendre de la peine et travailler, c’est devenu « ringard » en Algérie.
Signature : Un enseignant qui a perdu le goût d’enseigner parce que le savoir et les valeurs qu’il transmet à ses élèves ne sont plus d’aucune utilité. »