Nous vivons une ère ultra cybernétique. L’information, de nos jours, est une ressource très précieuse. Nos monnaies , même, depuis qu’elles ne sont plus étalonnées sur la valeur or, sont devenues virtuelles. Notre argent papier ou informatique, ce n’est plus qu’une information, au fond. Tout le système construit autour d’internet et de ses réseaux sociaux, les moteurs de recherches, toutes ces inventions sont certes utiles, pour qui sait en user avec sagesse et sobriété-est-ce encore possible ?- Mais, avant tout, leur finalité primale est de récolter un maximum de données pour les commercialiser à notre insu; un peu comme certains savent faire de l’or avec notre ignorance quant à la véritable valeur des déchets que nous jetons quotidiennement à la poubelle ou bien, pire, sur la voie publique. La connaissance précise du terrain, de environnement, a toujours été le nerf de toute bataille. Dans celle qui nous oppose à la pollution, la désertification, l’écocide de notre biodiversité, et tant d’autres périls écologiques, sans cette arme, toute forme de combat ne peut être que de nature chimérique, sur le long et moyen terme…
Aussi déplorer que notre pays vive à l’âge de la pierre dans le domaine de l’information, c’est mettre le doigt sur un des principaux freins à la mutation écologique de notre économie uniquement « brune », c’est à dire seulement pétrochimique. Comment protéger ce que l’on ne peut quantifier et que l’on ne connait pas vraiment ? Sur quelles statistiques fiables pouvons-nous nous appuyer, ne serait-ce qu’en matière d’écologie nationale et locale ? Soyons honnêtes avec nous même, tout le monde sait à quel point la plupart des chiffres annoncés officellement sont régulièrement tronqués au niveau local, par erreur ou bien mauvaise foi.
Où sont les publications scientifiques, les études environnementales objectives, les relevés, les analyses concernant la nature physique de notre pays ? Souvent dans les archives de laboratoires étrangers. Nos meilleurs experts qui font tant fureur « hors-sol », se font rares et discrets dans leurs pays; sans que l’on puisse vraiment les en blâmer. Car ils trouvent le plus souvent beaucoup plus d’opportunités et de chances de voir leurs recherches aboutir ailleurs qu’en Algérie. Pourtant, c’est un territoire des plus passionnant et vierge à étudier envié et convoité par nombre d’écologues du monde entier. Pas vraiment de revues spécialisées, de think tanks, de livres, de documentaires, de subventions, l’environnement des professionnels de l’écologie en Algérie est un presque-désert d’informations…
Le quotidien de la plupart de nos écologues et biologistes algériens n’est que trop souvent bricolage, aventures financées parfois même par leurs propres deniers.Faute de moyens, de méthodes mises à jour, d’une véritable considération de la part de notre société, plus que par défaut de sérieux; il faut le préciser. Au sein de cette sphère d’activité, il y a aussi cette fâcheuse tendance à garder jalousement l’information pour soi. Peut-être parce qu’il n’y a plus vraiment d’éthique dans ce domaine et que les copieurs se font légions, à ce qu’il parait. Un climat de méfiance qui nuit gravement à la circulation des données si vitale à toute émulation de grande envergure.L’Algérie est un écosystème territorial qui ne peut se penser national qu’avec une parfaite approche et connaissance des particularités locales de chacune de nos régions. Il est donc question de créer un écosytème national d’informations pour aller dans cette direction inévitable de la collecte et du traitement des datas relatives à notre environnement.
Certains freins d’ordre culturels et historiques, ont largement limité la possiblité de nos écologues à être sur le terrain. Le souvenir encore frais d’une insécurité absolue en terre sauvage, la difficulté pour les chercheurs femmes, très nombreuses dans ce secteur d’activité, à travailler dans de bonnes conditions dans les zones rurales, surtout les plus enclavées. Notre écologie algérienne est devenue de ce fait beaucoup trop académique, se pratique surtout en laboratoire ou dans des bibliothèques. Et les sujets d’études choisis manquent de plus en plus d’originalité, d’ambition, tant tous ces obstacles rendent la moindre initiative d’
Quid de l’état d’esprit qui s’est installé parmi nombre d’organismes étatiques dédiés à la protection de notre nature et environnement? Il faudrait également ajouter que la bureaucratisation extrême de leurs fonctionnements y rend la circulation de l’information très lente, alors qu’ailleurs elle file à la vitesse de la nanoseconde!. De plus, trop souvent, la politique et l’affairisme viennent fourrer leurs museaux dans bien des domaines liés à l’environnement en Algérie. De ce fait, l’information n’est plus assez objective, perd donc de sa valeur, pour qui veut vraiment travailler sur des bases saines et solides.
Même constat parmi la société civile, où nombre d’associations écologiques peinent à partager les expériences ainsi que leur savoir faire. Souvent c’est par manque de maîtrise de tous les nouveaux outils à leur disposition pour aller dans ce bon sens. A cela près que, dans ce domaine, c’est incontestablement ce pan de la société qui a fait les plus grands progrès et qui parait la plus dynamique à se renouveler. Le secteur le plus sensible, à ce propos est celui des industriels et des PME qui doivent intégrer les normes ISO avec plus de sincèrité et une pédagogie aussi prompt à les sensibilser qu’à pénaliser les réfractaires. Quant aux associations et militants écologiques, leur approche du terrain est parfois même faussée par un manque cuisant d’informations capables de les aider à percevoir leur environnement avec plus de justesse. Trop fréquement, c’est outre Médittérannée qu’ils trouvent certaines réponses leurs questionnements en matière d’écologie…
Des journalistes algériens experts en environnement? Il y en a quelque uns et unes, certes. Mais rares sont ceux et celles qui ont vraiment la possibilité d’être constamment présents sur le terrain.Si la question environnementale a de plus en plus tribune dans notre presse écrite et télévisée, il reste encore beaucoup de travail pour faire de l’écologie un théme phare, une préocupation de premier ordre pour l’ensemble de la société algérienne. Souvent, c’est l’ignorance des véritables enjeux et impacts simples gestes quotidiens qui génère certains comportements inciviles. La loi, le bon sens, sont des informations qui doivent circuler au sein de toute sociétét évoluée digne de ce nom.
Il est évident qu’à ce propos, l’Etat algérien ne s’applique pas assez à communiquer avec la société civile; particulièrement quand il s’agit expliquer et de débattre à propos de ses choix de politique environnementale. Certes, en matière de sensibilisation le travail d’organismes comme le CNFE ou bien le CNTPP ont obtenus quelques résultats des plus encourageants. Les Club Verts des Maison de l’Environnement ont par exemple participé, à l’échelle de bien des wilayas, à insuffler un esprit « éco citoyen » dans le quotidien d’un nombre grandissant d’enfants. Mais, le défi est de telle envergure, que l’on ne peut qu’espèrer que ces efforts seront à l’avenir encore plus fournis. Le contre exemple de l’opacité du discours de certains responsables politiques, dans l’affaire du gaz de schiste, n’est presque plus à évoquer tant il est, lui aussi, criant de vérités à ce sujet…
Toutes ces communautés, citoyens militants, chercheurs, politiques et entrepreneurs responsables, doivent, de plus, parler le même language. Avoir des radicaux communs pour s’entendre et travailler de concert. Une fois de plus, c’est la circulation de la bonne et juste information qui sera un précieux atout dans cette quête d’une vison globale, certes, mais à l’échelle d’abord nationale et toujours à l’écoute des mutations et phénomènes locaux.
Une banque de données commune, nationale, accessible et mise à jour régulièrement, pour et par l’ensemble des actrices et acteurs de l’écologie en Algérie. Voilà donc une des principales failles de notre système écologique et donc un chantier à mettre en branle au plus vite…