Les « Sellaliates » et les délits du langage

Redaction

Inouï et surréaliste, Abdelmalek Sellal, ancien premier ministre et directeur de campagne du président candidat Bouteflika, injure et provoque à la haine raciale et vise un groupe de personnes en raison de son ethnie et son origine, en l’espèce, les Chaouis. Ce responsable politique, au nom de la plaisanterie et de la blague, a fait agiter toute la classe politique algérienne. Sellal, qui défend la candidature d’une personne malade, rend sa tâche encore plus compliquée et épuise inutilement ses troupes et ses défenseurs.

Ce constat malheureux nous force à se poser les questions suivantes :

Bouteflika connu pour être un rassembleur du peuple algérien, aurait-il un droit de regard sur les dérapages et les injures publics deSellal ? Bouteflika, supervise-t-il les déclarations de son directeur de campagne ? Sellal, mesure-t-il la gravité de ses propos ? Serait-il un aventurier égaré ou recherche-t-il la déstabilisation du pays ?

Sellal a un statut de personnalité publique et est le premier responsable de la campagne de celui qui brigue la fonction de Président de la République algérienne démocratique et populaire. Sellal doit savoir que ses discours sont suivis par les observateurs et ses adversaires politiques. Dans la technique des délits du langage (injures, diffamations, …), la plaisanterie n’éteint pas le délit de l’injure raciste. La mauvaise foi est présumée. En France,la fameuse phrase de Brice Hortefeux, ancien ministre français de l’intérieur, sur les arabes – « Il en faut toujours un. Quand il y en a un ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes » – l’a rendu coupable et a fait l’objet de condamnation devant la 17ème Chambre correctionnelle du tribunal de Paris.

Le jour du procès de l’ami et proche de Sarkozy, l’avocat de ce ministre avait plaidé l’aspect plaisantin du propos injurieux tenu à l’encontre du jeune militant maghrébin de l’UMP. Devant le tribunal correctionnel, les juges l’avaient, quand même, condamné pour une amende de 750 euros. C’est ce qu’il faut aussi en Algérie. L’insulte ne peut être minimisée car Sellal ne fait pas de la politique pour nous faire rire. La sortie indécente sur TSA-Algérie.com du Président de la commission des Affaires étrangères au Conseil de la Nation, Brahim Boulahia, sénateur du FLN de la wilaya de Batna, ne change rien dans cette histoire. Il est certes que « c’est à lui que s’adressait l’ex-Premier ministre et directeur de la campagne électorale du Président, Abdelmalek Sellal, en disant : « Vous savez ce qu’on dit à Constantine ? Le Chaoui, hacha rezkrebi »  Malgré tout, il y a bel et bien injure raciste à l’encontre d’un groupe de personnes (EL CHAOUIAS). Les milliers de personnes qui sont sortis dans les rues de Batna et d’autres villes du pays de la Chaouia se sont sentis blessés. D’où l’existence matérielle de l’infraction.

Les déclarations de Brahim Boulahia nous rappellent étrangement la sortie du jeune militant de l’UMP, Amine Bénalia Brouche, qui cherchait à disculper Hortefeux. Le scénario est le même ! Le juge français avait, quand même, condamné devant le tribunal correctionnel de Paris l’ancien ministre, Brice Hortefeux. Il est vrai que ce dernier a été relaxé devant la Cour d’appel de Paris et la Cour de cassation pour une erreur de requalification de l’infraction et pour un vice de procédure.

Quand, il y a dérapage déontologique d’un homme public, la société civile et la justice ne doivent pas le tolérer.  La règle est donc simple.

Une association de droits de l’homme peut déposer une plainte contre Sellal pour injure raciste. Ce moyen d’action en justice aura une visée plus politique que judiciaire. Le président de l’association, qui a, déjà, prévu dans ses statuts le droit d’agir en justice lorsque l’auteur de propos humiliants et/ou blessants vise un groupe de personnes en raison de son origine ou de son ethnie, peut rechercher la responsabilité pénale de Sellal sur le terrain de l’injure publique ou non-publique à caractère raciste.

Au-delà de l’action qui pourrait être enclenchée par une organisation non-gouvernementale, le procureur de la République peut, également, s’auto-saisir, ouvrir une information et déclencher des poursuites pénales à l’encontre du directeur de campagne de Bouteflika.

Les parties politiques pourraient, également, interpeller le ministre de la justice ou le procureur général de la Cour d’appel d’Alger et les inciter à ouvrir une information pénale. Si Sellal fait l’objet du dépôt d’une plainte pénale pour des injures racistes, ça sera une première dans les annales de la justice algérienne. Dans cette situation, le droit pourra être dit devant ceux qui sont sensés appliquer la loi en toute indépendance.

C’est à ce moment-là que Sellal se ressaisira et arrêtera ses « sellaliates ».

Celles et ceux, qui recherchent la légitimité des élus de la République, ne veulent pas lechaos de l’Algérie. Bien au contraire !Tant que nous aurons des élus illégitimes, l’Algérie restera médiocre. Si le peuple réclame le respect des lois de la République (Constitution, Code électorale, libertés fondamentales et droits de l’homme), ça ne veut pas dire forcément « printemps arabe » et désordre. Ceux qui détiennent l’appareil de l’Etat doivent respecter l’intelligence et les revendications de son peuple. Un candidat gravement malade ne peut se présenter à l’élection présidentielle du 17 avril 2014. Point barre.

Par Fayçal Megherbi, avocat au Barreau de Paris