Much loved de Nabil Ayouch est plus moral que la fausse morale qui le condamne Par Farhat Othman

Redaction

L’interdiction par les autorités marocaines du film de Nabil Ayouch Much loved (Ezzine elli fik) au motif d’immoralité manifeste une pudibonderie excessive qui emporte en elle sa propre dose d’immoralité. Au moment où elle se targue de moralité, elle se révèle dénuée d’éthique. Or, l’islam dont on se réclame est d’abord une éthique et même une esthétique de l’éthique !

Moralité de la société et immoralité des autorités

Ce qui est moral est ce qui a trait aux mœurs, aux habitudes, aux règles à respecter pour avoir le comportement jugé bon par la société. La morale est donc ce qui est conforme aux mœurs de la société, à ses habitudes et ses règles.

C’est le cas du film qui ne fait que traduire par le menu l’état de la société marocaine. Que cet état ne soit pas plaisant, il ne demeurera pas moins conforme à la stricte réalité acceptée par la société.

Les autorités qui semblent déconnectées de telles réalités ne font que vouloir imposer de force leur conception d’une morale qui soit prude, irréelle, sans aucun fondement social avéré.

C’est le devoir être qu’on veut imposer et non l’état réel de la société dont on prend compte, ses règles et ses habitudes. Ce faisant, on agit non seulement immoralement, amis aussi illogiquement, car vouloir soigner, ce qui doit être le rôle des autorités impose d’abord de poser le diagnostic. Or, le film le fait. Pour cela on le rejette, jouant à l’autruche ou à tartufe.

La morale d’un milieu de contraintes

Certes, le pouvoir se base dans son attitude moralisatrice sur une batterie de lois répressives; or, elles n’ont aucune prise sur la réalité sociale qui se développe en marge d’elles, au risque et péril d’ailleurs des pauvres gens qui payent chèrement le prix, quand ils sont pris.

Il en est ainsi d’une société occultée, underground qui n’est pas moins la société marocaine que décrit le film. C’est ce qui le rend parfaitement moral, étant conforme aux règles régissant cette société réelle qui se développe dans son milieu de contrainte et vivant en dehors des lois illégitimes.

Si l’attitude des autorités est immorale, c’est qu’elle heurte de telles mœurs qu’elles ne veulent pas voir, voulant leur appliquer de force des règles venant d’en haut, adossées à des lois, propres à une minorité ayant ses privilèges qu’elle souhaite garder et n’ayant rien à risquer à ne pas respecter les lois contraires aux mœurs marocaines.

Au final, la morale sociale est enracinée et est fondée; elle est même une éthique quand la soi-disant morale du pouvoir en place est désincarnée, ne correspondant qu’à sa vision fausse et faussée de réalités tangibles dans la société marocaine.

Une immoralité légale

Il se trouve que le pouvoir se targue justement de son immoralité au nom de ces lois qui sont pourtant illégitimes, car le droit doit accompagner les mœurs et non les contrarier ; or, ces lois ne traduisent plus la réalité des mœurs.

Ainsi, nombre de lois du royaume sont contre la vérité sociologique du pays. Elles interdisent la prostitution, les relations hors mariage ou les rapports homosexuels par exemple, alors que cela est bel et bien répandu et toléré dans la société.

Certes, la majorité du peuple si elle est interrogée ne dira être pour l’homosexualité ou pour les relations hors mariage tout en les pratiquant éventuellement ou en les acceptant dans son  milieu. C’est tout simplement que l’on relève de cette sagesse populaire qui veut que l’on se protège en milieu de contrainte. Et les lois marocaines forment un tel milieu de contrainte légale et sociale imposant de ne pas se faire raisonnablement un tort inutile. C’est la règle du vivons cachés, vivons heureux qui a un prolongement religieux bien connu en islam.

Cela est d’autant plus vrai que dans cette société, il est une minorité activiste de zélotes religieux qui font tout pour imposer leur loi immorale par la force, s’il le faut, en étant capables des pires extrémités.

Aussi est-il temps dans un Maroc qui entend se démocratiser encore plus de mettre fin à cette immoralité galopante qui fait du tort à sa religion tolérante et à la morale permissive de sa société. Car le péril d’une daéchisation  des esprits au Maroc, comme d’ailleurs dans tout le Maghreb, est grand et c’est maintenant qu’il urge de s’y opposer.

Et il n’est qu’une seule façon de s’opposer à un tel terrorisme mental : en multipliant les libertés publiques, en protégeant les droits  privés.

Farhat Othman