Au président Bouteflika wa djemaâtou, dépositaires actuels du désordre algérien.
Qu’est-il advenu de la terre de la « Révolution exemplaire » Monsieur le président, l’Algérie, depuis son indépendance? Du registre de la reconnaissance universelle pour sa grandeur et la bravoure de son peuple, à celui de l’indigence et de l’humiliation, votre règne aura achevé le maigre filon d’espoir repêché vaillamment de l’hécatombe de la décennie noire.
Qui ne se souvient de vos déclarations, quand vous annonciez devant la presse mondiale votre volonté de guérir l’Algérie et la hisser à nouveau au sein des nations respectables. En vous écoutant, bien des Algériens, émergeant du chaos de la sale guerre, ont voulu croire à l’homme « providentiel » qui allait ressouder les liens brisés de la société algérienne, et mettre hors d’état de nuire ses détracteurs. Vous disiez alors, vouloir « restituer à l’Algérien la fierté d’être Algérien ». Ah, la fierté! Quel préjudice pour un peuple que de la perdre, surtout après l’avoir si chèrement payé comme ce fut le cas de notre peuple. La recouvrer fut la grande promesse du nouveau président! Une promesse hélas vite rompue, car dans les faits, l’homme « providentiel » n’était qu’un leurre et le peuple algérien comprend à ses dépens que votre régime ne fera que prolonger le drame du pays, et poursuivre la mise en berne du peu qui restait des symboles de la fierté nationale.
Durant les 2 premiers mandats sensés guérir la République, votre régime a répandu à la grandeur du pays la pandémie de la malfaisance et de la corruption, exilant et décapitant, au passage, les plus brillants de nos esprits, au profit de la culture de la peur, de la médiocrité et de l’« aplat-ventrisme » si chers aux dictatures vieillissantes. Quant à l’image respectable de l’Algérie, il n’y a qu’au bal annuel des ministres que cette Algérie virtuelle fait surface, le temps d’une rencontre. Elle n’a rien à voir avec la jungle qu’est devenue la véritable Algérie, où le droit et la justice sont décrétés hors-la-loi. C’est le pays d’un peuple dépouillé et maltraité par ses gouvernants. Un peuple mal éduqué, mal logé et mal soigné, tandis que vous jouissez, à ses frais, des bienfaits des systèmes de santé et d’éducation occidentaux. Et c’est cela l’Algérie que le monde voit derrière les bilans complaisants et autres statistiques biaisées qu’on étale devant vous, avec la double bénédiction d’une presse muselée par vos soins et des « élus » grassement payés par le trésor public.
Le seul bilan, qui reflète véritablement notre pays, fait état de la mal vie et du désarroi de notre peuple, de la faillite de nos services publics, du désastre de notre environnement et de notre économie, de la piètre qualité de nos universités, qui ne rivalisent même plus avec les pays pauvres d’Afrique, du délabrement de notre système de santé, de l’indigence de notre éducation, de la fuite de nos richesses matérielles et humaines, de nos enfants qui se jettent à la mer pour échapper à leur prison, et pour couronner le tout, de la corruption généralisée par votre régime couvert indûment du plus fabuleux trésor que le pays n’ait jamais possédé. Voilà comment l’Algérie débourse des fortunes pour être tournée en dérision par ses propres gouvernants.
Après la terrible guerre fratricide, vos discours et vos couffins bondés de promesses ont eu l’effet d’un baume sur le cœur, le temps d’un répit, pour des populations meurtries qui n’en espéraient pas moins de vous : la paix pour une Algérie enferrée à la violence; la justice pour un peuple tyrannisé; une vie décente pour les millions d’esclaves de la « hogra » érigée en norme nationale; et enfin, de l’espoir pour la jeunesse désespérée… Mais rien de tout cela ne sera au rendez-vous ni du 1er, ni du 2e et assurément pas du 3e mandat, que vous vous êtes octroyé contre tout bon sens, au lieu d’instaurer la première base d’une bonne gouvernance. Berné encore une fois, le peuple se retrouve ballotté entre un pouvoir répressif, imbu de la nouvelle puissance des pétrodollars, une élite plus souvent qu’autrement intéressée ou indifférente et une opposition pour le moins phagocytée. Le délabrement des valeurs est tel dans le pays que la classe dirigeante, que vous chapeautez, ne s’encombre plus de scrupules et verse ouvertement dans un rôle de prédateur des richesses nationales, qu’elle se partage copieusement avec un tout-venant de multinationales, et autres spéculateurs internationaux, bien au fait de sa corruption.
Tous ces interlocuteurs étrangers savent les dessous de la gouvernance algérienne et s’ils affichent un large sourire en même temps qu’une poignée de main en signant de juteux contrats, rien à voir avec une quelconque marque d’estime ou de respect, c’est une simple attitude professionnelle qui cache le mépris que ces « grands » nourrissent pour les dirigeants arabes, en particulier. Ces gens-là pensent que nos « dirigeants » ne sont pas faits pour gouverner et votre régime, et tous ceux qui lui ressemblent, leur en apporte la plus éclatante des preuves en clochardisant le peuple et en bradant le pays. Vous avez beau multiplié les campagnes de charme et de relations publiques pour vous faire apprécier, envoyé des émissaires faire des courbettes, ouvrir les champs pétrolifères de leurs choix, faire de l’Algérie un bazar pour leurs produits, vous ne changerez rien à la perception peu enviable que ces « grands » ont des dirigeants de républiques qu’ils ne se gênent pas d’affubler de « bananières », « hacha » pour la terre de nos martyrs.
En effet, qui mieux, que ces partenaires étrangers, efficacement briefés par les canaux de leurs services de renseignements respectifs (CIA, DGSE, MOSSAD, etc.) savent ce qu’il en est de la crédibilité des représentants de l’Algérie sur la scène internationale. Avec une telle carte de visite, la défense des intérêts suprêmes de notre pays semble illusoire. Et dans les coulisses des grandes négociations, vos « partenaires » étrangers doivent bien s’enorgueillir de leur savoir-faire et des fabuleux butins qu’ils permettent à leur pays d’engranger, au détriment de l’Algérie. Le contraire de cette situation relèverait de la haute trahison chez eux, mais en Algérie, ces actes sont d’une telle banalité que personne ne s’insurge sérieusement convaincu que l’impunité est la marque du pouvoir. De votre régime. Pour preuve, les scandales d’atteinte aux intérêts suprêmes, bien que rapportés régulièrement par la presse, ne reçoivent jamais de traitement adéquat. Quelles conséquences désastreuses sur le comportement collectif. N’est-ce pas, que le meilleur enseignement se communique par l’exemple.
Non, M. le président, vous n’avez ni restitué la fierté aux Algériens, ni la grandeur à leur nation. C’est la justice d’un peuple éclairé par la bonne gouvernance qui fait la grandeur d’une nation, et malheureusement, c’est la « hogra » et la malfaisance, autrement dit l’injustice et l’impunité qui caractérisent notre pays. Dans une telle culture, les mauvaises herbes croissent rapidement et finissent par étouffer la pépinière, et altérer la fertilité du terrain. N’est-ce pas la thérapie du massacre que votre régime applique à l’Algérie depuis votre intronisation à la tête du pays. Et je ne pense pas que la gigantesque mosquée dont le peuple n’a que faire, ou le plus grand centre commercial d’Afrique (quel non-sens dans un pays qui ne produit rien!) vont changer quelque chose à votre responsabilité, en tant que Président, dans le chaos de notre pauvre pays.
Désormais, c’est de notoriété, votre gouvernement dispose de l’Algérie avec une telle arrogance et un tel mépris que cela met à mal l’appartenance commune au peuple de la Révolution exemplaire. Comment est-ce possible, autrement, de commettre ou de laisser commettre contre les siens tant de forfaits? Comment est-ce possible d’être Algérien et de faire endurer tant d’échecs, et d’humiliation à son propre pays? Quel type de haine, de vengeance, peut motiver ce sadisme incroyable contre les siens? Plus personne ne croit aux sérénades patriotiques et plus personne ne croit que votre régime soit capable de bienfaits pour l’Algérie. Force est de constater, Monsieur le Président, que vous avez agi en « homme politique qui pense à la prochaine élection » et non en « homme d’état qui pense aux futures générations » et que l’Algérie recherche désespérément depuis des lustres.
Aussi, à la veille de l’anniversaire de la Révolution exemplaire de nos parents, celle-là même qui vous a fabriqué et vous permet d’être aujourd’hui président, l’homme fort du pays, disposant de montagnes de dollars et séparé du peuple par une armada de courtisans, plus aptes à s’enrichir qu’à gouverner, soyez informé que de nombreux Algériennes et Algériens ont pris la résolution de briser la chape de plomb qui écrase leur peuple et de se réapproprier et leur fierté, et leur pays. Leur détermination à arracher l’Algérie des griffes de la ligue d’affairistes, de khobsistes et autres traîtres, s’inspire du 1er novembre 1954, Jour hautement symbolique, choisi par leurs aînés pour changer le cours de l’histoire, en arrachant à l’impitoyable machine coloniale leur pays l’Algérie, et en redonnant à leur peuple la dignité. Nos parents rêvaient de faire de nous des femmes et des hommes libres, maîtres chez nous, et ils ont payé le prix fort jusqu’au sacrifice suprême de donner leur vie. Où en sommes-nous?
Près d’un demi-siècle plus tard, fragilisée par la mauvaise gouvernance et menacée par des intérêts étrangers, l’Algérie, Monsieur le président, est au cœur d’une tempête qui menace sa souveraineté, remettant en cause les acquis inestimables de la révolution de nos parents. Aujourd’hui, animés par l’amour du pays et le devoir envers notre douloureuse mais glorieuse Histoire, leurs enfants, nous tous, jeunes et vieux, femmes et hommes, légataires du testament de la révolution algérienne, entendons relever le défi de compléter l’objectif ultime de la longue lutte de notre peuple, à savoir : édifier l’état de droit en Algérie. Seule alternative capable de redonner confiance aux Algériens et garantir un pays viable pour les générations futures. Grâce à la vitalité de la jeunesse algérienne, combinée à l’engagement d’intellectuels sincères, de toutes les Algériennes et Algériens qui n’en peuvent plus des crimes contre leur pays, et grâce aussi aux progrès technologiques qui permettent aux idées et au savoir de circuler, notre Algérie, Monsieur le Président, ne tardera pas à se relever et à s’affranchir de la tutelle abusive des fossoyeurs de son indépendance. Le changement qui s’annonce se fera, et ce n’est qu’une question de temps avant de voir réhabiliter le prestige de la maison Algérie. Que ce 1er novembre 2010 signe, incha Allah, l’acte de naissance officiel d’une réhabilitation de la cause nationale, avec pour objectif l’État de droit. C’est l’occasion pour toutes les forces qui s’y réclament de converger pour former ce puissant mouvement du changement démocratique, crucial à la pérennité de notre nation.
Nous espérons, Monsieur le président, que vous serez de notre rêve et ferez en sorte que vos hommes se montrent solidaires, enfin, de leur peuple, en acceptant l’idée inéluctable d’un État de droit pour l’Algérie, et ce, sans céder à la politique de la terre brûlée inspirée des anciens bourreaux de notre peuple.
Désespérément algérienne,
Pour l’Algérie des chouhadas, celle de mon père, celle de mes petits-enfants et des générations future d’Algériens.
Zehira Houfani Berfas, écrivaine.
La Révolution exemplaire du peuple algérien a commencé le 1er novembre 1954
Cette date importante dans l’histoire de l’Algérie signa l’acte de naissance d’une révolution exemplaire dans les annales des mouvements de libération des peuples. Elle fut l’œuvre du peuple algérien contre l’ordre colonial abject et inhumain qui, au nom des grandes puissances ivres de pouvoir et de conquêtes, sévissait contre des peuples pour s’accaparer leurs terres et leurs richesses. C’était le lot de tant de pays africains, dont l’Algérie, convoitée par l’empire colonial français.
Soumis par la brutalité des armes et enchaîné par l’odieux code de l’indigénat qui le dépouillait de ses droits et de ses biens, le peuple algérien a subi, depuis l’invasion française de1830, les pires sévices de l’impitoyable système colonial. Toutes ses révoltes de résistance à l’occupation furent écrasées dans le sang. Des villages entiers ont été exterminés et les combattants algériens assassinés ou déportés sans espoir de retour dans des Îles lointaines, en nouvelle Calédonie. Leur voyage se faisait dans d’atroces conditions, similaires à celles des Africains qu’on transformait en esclaves au service des conquérants de la « Nouvelle Amérique ». Peu d’entre eux y survivaient.
Alors qu’on estimait à quelques 3 millions d’individus la population algérienne avant l’invasion de l’occupant français, ce nombre a été réduit d’un tiers en moins de 20 ans par l’armée coloniale. Celle-ci multiplia méthodiquement carnages et massacres avec l’objectif de décimer les populations autochtones et permettre aux colons français de s’installer sur les territoires ainsi vidés de leurs habitants.
L’enfer colonial s’est poursuivi pour plusieurs générations d’Algériens qui vécurent séquestrées et martyrisées dans leur propre pays, et ce jusqu’à l’indépendance en 1962. Pourtant, forcée par le nouveau contexte international de l’après-guerre et les accords de Genève à l’effet d’interdire toute forme de travaux forcés, la France avait dû abolir en 1946 le code de l’indigénat en vigueur dans ses colonies, mais pas en Algérie, où le peuple ne devait absolument pas caresser le rêve de la liberté. Pour ce faire, et au nom de l’Algérie française, des moyens de guerre colossaux furent dépêchés sur le sol Algérien et les rangs de l’armée coloniale atteignirent 500 000 soldats pour tuer la Révolution algérienne alors qu’ils étaient 40 000 avant son déclenchement. La France voyait bien que le destin de l’empire colonial se jouait sur la terre algérienne et elle se donnait les moyens de briser cette révolution et empêcher de s’accomplir l’indépendance de cette colonie. Mais, malgré tout son arsenal militaire sophistiqué, elle ne parviendra pas à stopper le cours de l’histoire décidé par un peuple avide de liberté et, le 5 juillet 1962, l’Algérie célébra son indépendance.
Et si on parle de Révolution exemplaire, c’est tout simplement parce que la résistance et le combat du peuple algérien débordèrent très vite les frontières du pays pour se répandre en exemple chez d’autres peuples colonisés, en particulier les voisins africains, qui survivaient sous domination des empires français et britannique. Autant dire que la guerre de libération que le peuple algérien a mené contre la puissante armée française a été un élément majeur dans l’effondrement de l’édifice colonial français, dont la cruauté s’affichait enfin devant le monde entier. Cette guerre a duré 7 ans et a fait plus d’un million de victimes algériennes. Elle fut l’une des plus atroces guerres livrées par l’armée coloniale française; une armée d’autant plus frustrée qu’elle venait de subir une cuisante défaite en Indochine, et donc résolue à se refaire sur le cadavre algérien pour que vive le mythe de « l’Algérie française » quels qu’en soient le prix et les moyens. Et parmi ces moyens, un large éventail de pratiques et de crimes de guerres, allant des enfumades de villageois, qui ont fait la gloire des généraux français dès les premières années de la colonisation, (l’apogée de l’empire), au système de la torture méthodique et barbare des années 60, qui a éclaboussé les généraux de la relève, et contribué au déclin de l’empire colonial. Pourtant, toute cette chronologie de crimes n’a pas empêché les parrains du colonialisme de le réhabiliter par la voie officielle de la France en adoptant une loi (23 février 2005) reconnaissant ses aspects positifs, alors que ses millions de victimes continuent de lutter pour le faire reconnaître comme un crime contre l’humanité au même titre que l’esclavage.
Après 132 ans de noirceur coloniale, le peuple algérien pouvait s’imprégner de la lumière de la liberté. Enfin, il est maître chez lui et peut décider de son destin. Du moins le croyait-il, naïvement. Hélas, les choses s’annoncent bien différentes et les Algériens seront vite confrontés à l’adversité du néocolonialisme. Même, vaincues politiquement, les puissances coloniales gardaient une capacité de nuisance tout aussi fatale pour les nouvelles et fragiles indépendances africaines. Leur système colonial mua rapidement en néocolonial et se déploya, telle une pieuvre, infiltrant ses tentacules dans les diverses sphères des États naissants, parasitant tous projets d’émancipation réelle. C’est sur le plan économique que les puissances coloniales ont décidé de sévir, notamment, en créant le négoce d’une coopération toute spécifique, destinée essentiellement à garantir leurs intérêts, en dépouillant peu à peu la souveraineté de leurs anciennes colonies. L’évolution de la situation autant en Algérie que dans le reste de l’Afrique durant ces 50 dernières années « d’indépendance » témoigne de cette volonté des grandes puissances de garder sous leur contrôle les richesses de ces pays, notamment en créant les dissensions entres les groupes de la société, en favorisant l’instabilité et/ou la mauvaise gouvernance ainsi que l’émergence des dictatures garantes de leurs intérêts au détriment de leur peule. Il n’y a qu’à penser à ces dictateurs criminels qui répriment et affament leurs peuples, particulièrement en Afrique, pillent leur pays pour édifier des fortunes personnelles colossales et se pavanent dans le monde sous les ailes protectrices des « mères patries » d’autrefois.
Cependant, cet injuste statu quo, qui a substitué le protectorat de fait aux indépendances, ne saurait survivre aux aspirations des jeunes générations africaines qui ont soif de liberté et de démocratie. Et en Algérie, gronde, de plus en fort, la révolte du peuple spolié des acquis de sa Révolution. Désormais, la démocratie ne sera plus un leurre sur la terre algérienne. Elle devient possible grâce à la volonté du peuple et au contexte international qui a destitué le monopole des grandes puissances sur les affaires africaines et algériennes. La mondialisation a permis l’émergence d’autres forces économiques favorisant de fait l’avènement d’un nouvel ordre mondial qui fera place au dialogue et à la solidarité entre les peuples. En diversifiant leurs échanges, notamment en faisant affaire avec de nouveaux partenaires économiques, à l’exemple de la Chine, du Brésil et d’autres, l’Algérie et plusieurs autres pays africains pourront se libérer de l’emprise des parrains du néocolonialisme et construire une saine coopération qui bénéficie enfin à leur pays. Ce n’est que de cette façon que l’indépendance algérienne, telle que voulue par sa Révolution exemplaire, pourra prendre son envol et permettre au peuple algérien de vivre en démocratie dans un État de droit, conformément à l’esprit de la Déclaration du 1er novembre 1954 qui reflète ses aspirations.
Zehira Houfani Berfas, écrivaine.