En toute évidence, un continuum relie l’affaire Sonatrach un à la seconde. Ne serait-ce que par la présence d’une même personne restée une dizaine d’année à la tête du ministère, hautement stratégique, de l’énergie, Monsieur Chakib Khelil. Ce dernier, selon ses dires, n’est ni responsable, ni coupable mais surtout très mal informé sur les pratiques d’octroi des contrats. Comme la majorité de ses concitoyens, Chakib Khelil a appris les scandales qui ont entachés son secteur, en lisant la presse algérienne. Notons au passage que cette défense basée sur la mise en évidence d’une absolue ignorance, n’est pas sans rappeler les propos d’un ministre important, Mourad Medelci, alors en charge de l’économie et des finances, qui devant le tribunal jugeant l’affaire dite Khalifa, a déclaré solennellement : « je ne suis pas suffisamment intelligent.» L’idiotie et l’ignorance sont élevées au rang de vertu par des ministres de la république, et non des moindres. En Algérie, on n’a pas d’informations mais nous avons de pétrole !!
Ce même pétrole (et gaz) qui est au centre d’une corruption à une échelle industrielle est aussi un enjeu pouvant modifier l’avenir de la Sonatrach. Cette entreprise déjà menacée dans sa mission, en 2005 par la loi, morte-née (ou bien l’inverse), sur les hydrocarbures que voulait imposer Chakib Khalil soutenu si ce n’est incité par les Américains. Ces derniers se sont clairement exprimés, dès 2002, en faveur d’une démonopolisation du secteur énergétique algérien. Sans ambigüité aucune, Janet Sanderson, alors ambassadrice des Etats-Unis à Alger, au sujet de l’avant-projet de loi sur les hydrocarbures : «Vous avez engagé une démarche importante que nous soutenons». C’est une «petite» phrase prononcée dans la foulée de l’inauguration du premier Salon international de l’énergie, des mines, de la pétrochimie et de l’électricité, le 6 octobre 2002, est la synthèse de la feuille de route de Chakib Khalil. Les enjeux étaient énormes : le territoire algérien sous exploré avec 8 puits pour 10 000 km (la moyenne mondiale est de 100 puits pour 10 000 km).
L’abandon de cette loi a démonétisé Chakib Khalil aux yeux des Américains sans que toutefois ces derniers renoncent à leurs objectifs initiaux. Une nouvelle occasion est donnée avec ces révélations de corruptions entachant la Sonatrach. Sous couvert de morale et de bonne gouvernance nécessaire pour la première société étatique du pays, une « déréglementation » du secteur énergétique algérien devient, de nouveau possible. Pour mieux masquer cette sournoise démarche, le débat se focalise (à juste titre) sur la lutte contre la corruption. Ce condamnable phénomène a toujours existé en Algérie. Souvenons-nous de la phrase de Boumediene : « celui qui travail dans le miel, peut tremper son doigt dans le pot ». Avec les niveaux de richesses des dernières années, il convient de parler de champs de miel et en toute logique les « pelleteuses » ont remplacé le doigt. Tout comme des corrompus cosmopolites ont remplacé certains corrompus nationalistes.
Naoufel Brahimi El Mili