Réaction. Souaïdia et le théâtre d’ombres algérien

Redaction

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L’article de Habib Souaïdia appelle un certain nombre de commentaires. Son auteur s’étonne de l’irruption de Saïd Sadi sur la scène politique algérienne en ces temps de contestation des pouvoirs dans les pays arabes. Pour ma part, c’est le retour de ce même Habib Souaïdia sur cette scène politique qui me surprend.

Je ne souhaite pas entrer dans les détails. Pour planter le décor, voici un bref retour en arrière : Habib Souaïdia est lieutenant de l’armée algérienne. Il débarque à Paris en 2000 et veut, selon ses termes, libérer sa conscience en racontant les exactions commises par l’armée et auxquelles il a participé.

En raison de sa faible connaissance de la langue française, Souaïdia se met sous l’aile protectrice de Mohamed Sifaoui qui lui propose de l’aider à rédiger le livre La sale guerre. L’accord des éditions La Découverte, dirigées par François Gèze, en poche, Sifaoui se met en devoir de rédiger le manuscrit. Les choses se gâtent, Souaïdia accusant Sifaoui de sortir de son rôle de « nègre » en lui imposant ses propres analyses, voire en lui demandant d’endosser des récits de massacres totalement inventés. Cette controverse se déroule sur fond de basses querelles d’argent, Sifaoui étant accusé d’avoir détourné l’argent confié par Gèze, au détriment du lieutenant. Gèze reprend la main, chasse Sifaoui et réécrit le livre. Il est accusé à son tour par Sifaoui d’en avoir fait un tissu de mensonges et un instrument de propagande contre l’armée algérienne, accusée d’avoir été l’auteur quasi unique des massacres de populations perpétrés durant la décennie noire. C’était l’ère du fameux Qui tue qui. Il y a eu invectives, procès.

A la faveur de ces déchaînements, il a été question de DRS, de reportages bidonnés, de clubs néoconservateurs, et même de thèses expliquant que le GIA était une création des Etats-Unis qui y voyaient un instrument d’appropriation des hydrocarbures en Algérie !
Cette affaire avait permis de donner un aperçu de l’immense théâtre d’ombres de la scène politico-médiatique en Algérie. La fonction principale de ses acteurs est de lancer une sorte de rideau de fumée permanent, incitant chacun à se méfier de tout le monde. S’il y avait un sondage sincère, il révélerait probablement que l’Algérie comporte le plus grand nombre de conspirationnistes au kilomètre carré. Cela prêterait à sourire si cela n’avait de conséquences graves. L’une de ces conséquences est la quasi impossibilité de présenter un front uni de l’opposition afin de lui donner toute sa crédibilité vis-à-vis de la population. Il ne peut pas en être autrement quand la suspicion frappe tout le monde !

Je ne dis pas que les soupçons sont toujours infondés. Je dénonce leur effet paralysant sur l’action. Il vaut donc mieux laisser de côté ces querelles de l’ombre et se projeter vers l’avenir. L’Histoire, en s’écrivant, joue le rôle du meilleur des Bousseyyar (tamis) et se chargera de mettre sur la touche celles et ceux qui le méritent.

Brahim Senouci, universitaire, auteur de Algérie, une mémoire à vif

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