TRIBUNE. Lettre aux fantômes qui dirigent l’Algérie

Redaction

Messieurs les fantômes,
Je ne sais qui se cache derrière vos masques ni qui dirige réellement l’Algérie  sauf que je sais une seule chose, c’est que la patience du peuple est à son paroxysme. Je tiens donc à exprimer un éternel ras-le-bol par la force des évènements en Algérie  pour vous dire que le peuple n’en peut plus  car son indulgence a atteint ses limites. Au nom d’un peuple qui souffre en silence, sans aucun écho de votre part, ce peuple humble qui ne demande qu’un semblant de vie dans la sérénité en toute dignité.
J’aimerais attirer votre attention en tant que premiers responsables du pays  et décideurs du sort des Algériens de près ou de loin, pour vous dire que  rien ne va en Algérie. Tout va mal sur tous les plans, la population vit dans des conditions déplorables, le spectre de la misère règne dans tous les secteurs, la bureaucratie est reine partout où on va. Les pratiques frauduleuses sont monnaie courantes dans toutes les institutions. La corruption sous toutes ses formes fait partie du quotidien des gens, elle est présente sous tous les toits administratifs, partant des écoles aux hôpitaux. L’injustice est vécue par toutes les tranches d’âge dans notre société, les femmes sont toujours marginalisées si elles ne sont pas réduites au néant, il n’y a plus aucune égalité des chances dans le recrutement des travailleurs. Le secteur de l’éducation est aussi très malade, le niveau des élèves s’est dégradé, les professeurs sont lynchés  par des élèves  frustrés. En gros le peuple mène  un mode de vie précaire.
Je suis vraiment indignée, voire révoltée, que cela puisse arriver dans un pays classé 5è en production de gaz et 3è en pétrole dans toute l’Afrique qui a tous les moyens pour payer une vie descente à son peuple. Comment voulez-vous que ce même peuple puisse voter encore une fois pour le même Président, que vous avez-vous mêmes mis en place ? Sachant que ce dernier n’a pu satisfaire les attentes des  citoyen qui ont  toujours été privé de leurs droits les plus essentiels, depuis l’Indépendance. Croyez-vous que ce peuple  puisse avoir confiance en vous  après que vous l’ayez laissé tomber maintes fois dans les pires moments? Vous qui n’avez jamais assumé vos responsabilités envers les gens de cette nation.
Non, messieurs, comme le dit l’adage un chat échaudé craint l’eau froide. Ne comptez pas sur ce noble peuple qui a toujours donné sans recevoir. Ces Algériens  qui aspirent au minimum de vie prospère comme toutes les populations libres du monde. Non, ils  ne veulent plus de fausses promesses qui vont avorter dès que les suffrages seront achevés. Ils refusent qu’on leur promette monts et merveilles ou qu’on les berne avec vos discours mielleux pour se réveiller avec les mêmes réalités amères de leur quotidien ainsi que les pratiques tyranniques d’un  système liberticide qui ne donne pas la priorité à la masse.
En outre, vous qui appuyez un nouveau mandat du Président Bouteflika, on aimerait bien savoir est-ce que vous allez pouvoir honorer les promesses et projets utopiques que l’on entend depuis des années dans vos messages politiques si ce dernier est très malade ? Ou bien vous ne faites vous qu’endormir le peuple pour accéder à vos intérêts personnels ? Est-ce que le peuple va pouvoir enfin bénéficier de ses droits légitimes comme tous les peuples démocrates pour enfin sortir de son obscurantisme. Ou bien, va-t-il chercher refuge dans l’immigration clandestine ou bien sombrer dans le désespoir du silence absolu sous la bannière d’un système irresponsable et pourri ?
Toutefois, je ne vais pas adresser mon message  au Président Bouteflika, sachant que l’Algérie est à l’image de l’Égypte. On aura beau enlever Bouteflika comme les Égyptiens ont dépossédé Moubarak de la présidence, votre régime militaire mettra toujours ses pions au pouvoir car hélas votre armée aura toujours le dernier mot et certes les libertés et droits des Algériens seront  toujours bafoués.
Pourquoi devons toujours subir un autoritarisme électoral sans démocratie ? Pourquoi empêchez-vous les élites de s’exprimer si vous ne les poussez pas à l’exil ?  Votre régime fait la politique qui plaît aux États, dont les multinationales partenaires étrangères garantissent la corruption obligée.  Pourquoi écraser d’éventuelles revendications populaires qui essayent de mettre un terme définitif au pillage des richesses nationales et de bannir l’impunité ? Pas un jour ne passe sans arrestations et intimidations des militants et défenseurs des droits humains. Aucune volonté d’ouverture démocratique, mais l’utilisation l’appareil judiciaire qui doit être impartial pour votre politique d’intimidation contre des militants actifs de la société civile. Vous avez manifesté récemment votre refus de toute volonté d’ouverture démocratique en vous  acharnant  à étouffer toutes protestations pacifiques, en réprimant les actions de contestation non violentes qui ne relèvent que des droits reconnus par la Constitution et par  les conventions internationales sur la liberté d’expression et de réunion. Ce qui a engendré la création du mouvement Barakat.
Non, nous refusons le huis clos dans lequel votre régime veut nous enfermer. Notre peuple a  soif de justice et de liberté ce peuple qui s’est soulevé contre le colonialisme dans le seul but de jouir de sa citoyenneté et de sa liberté. Le défunt leader kabyle Matoub Lounes disait que l’état n’a jamais été la patrie et que les masses populaires de tous les pays aiment et représentent leurs patries. L’histoire du peuple algérien est une longue série de luttes qui ont fait de l’Algérie une terre de dignité. Alors Espérons que notre cri de détresse va trouver un écho pour éviter une guerre civile systématique vue la gravité de la situation en Algérie.
Nora Yata, enseignante algérienne au Canada