Ennemi juré de la presse indépendante, Abdelaziz Bouteflika a décidé, à la surprise générale, de déclarer le 22 octobre « Journée nationale de la liberté de la presse ».
Au-delà de la symbolique de la Journée et de l’opportunité qui est offerte aux hommes et femmes des médias de rappeler encore que le secteur de la presse évolue dans une jungle indescriptible, l’institution de cette Journée a des relents démagogiques avérés. Car, en 15 ans de règne, Abdelaziz Bouteflika n’a jamais accordé d’interview à un média algérien – en dehors de deux entretiens qui se seront avérés faux. Pis, le chef de l’Etat n’a jamais tenu de conférence de presse avec des journalistes algériens ni même fait une déclaration à la presse de son pays.
Il est vrai que depuis la fameuse déclaration du chef de l’Etat assimilant les journalistes algériens à des « commères de bains maures », les relations entre Bouteflika et la presse ne se sont jamais apaisées. Bien au contraire. Mais les relations qu’entretient un homme – même président de la République – avec certains titres de journaux est-elle déterminante de la politique à adopter face à toute la corporation ?
L’avènement de cette Journée n’apporte, en fait, rien d’autres que du folklore de mauvais aloi. Puisque, en dehors des discours, les choses ne changent pas tellement. L’ouverture du champ audiovisuel n’est qu’un leurre et les journalistes vont vite replonger dans leurs misères quotidiennes et vont tenter, encore une fois, de rapporter les cris des autres tout en refoulant les leurs.
Mais au lieu de dénoncer le système, le manque des libertés ou tout autre obstacle qui freinerait leur liberté, les journalistes doivent d’abord se rappeler que non seulement ils ne sont pas respectés, mais qu’ils ne peuvent même pas s’organiser. Ils ne disposent même pas d’un vrai syndicat capable de défendre leurs intérêts à la fois face aux patrons et au pouvoir politique.
Quant aux vrais problèmes que sont l’accès à l’information, le respect des règles d’éthiques et de déontologie – pas celles du système ! – et de vrais libertés, ils sont une nouvelle fois ajournés.
Essaïd Wakli