Les affrontements communautaires à Ghardaia me désolent. Parfois, je développe un nihilisme de certaines valeurs maghrébines…Heurts entre Arabes et Berbère ? Les questions identitaires nous mènent à notre perte, Khaoula Taleb Ibrahimi le rappelait dans un article récent d’El Watan.
Pourquoi renier l’autre quand on vit ensemble ? Pourquoi un Tlemcenien doit-il absolument épouser une Tlemcenienne quand il rencontre une belle Saharienne ? Pourquoi les Kabyles doivent ils obligatoirement se marier entre Kabyles ? Pourquoi ne pas considérer l’autre qui ne vient pas de la même région ? Garder la lignée pure ? Le sang pur ? Ne sommes nous pas tous femmes et hommes? « C’est mal vu par la société », “que dirons les voisins! “, “iib!”, dirons ils! La société est le fléau de la société. Sous ces airs innocents, la société qui veut imposer des valeurs morales, en réalité, crée davantage de ravages avec ses commérages.
Dans “Du contrat social”, Rousseau introduit l’idée du pacte social. Il affirme que chacun se place sous cette volonté générale, qu’il appelle aliénation volontaire. La communauté se soutient, elle est soudée et chaque individu perd une part de sa responsabilité individuelle au profit de la responsabilité générale, il n’est plus apte a penser, on pense à sa place, il n’est plus apte à aimer l’autre, car l’autre est confondu avec la communauté, on aime la communauté mais on n’aime plus l’individu. Alors on est prêt à tout pour être respecté par la communauté. Mensonges, cachoteries, ou délits, pourvu que l’on reste bien vu dans la société qui peut être si cruelle. Notre ego prend une telle place qu’il en devient jouissif de se sentir aimé par la société. Nul ne veut être marginalisé, il faut rappeler que l’homme est un être sociable, la civilisation est née de la sociabilité.
Ibn khaldoun affirmait que la solidarité dans une société n’existe que par nécessité, si l’homme n’en a plus besoin il revient vers son individualisme car la société s’assure de sa sécurité, de ses droits, de ses besoins. Il en résulte une perte de réflexion personnelle, on ne pense plus par soit même mais avec le groupe et pour le groupe. On n’agit plus, complètement amorphe, on se laisse materner par l’état, la famille, ou la communauté. On perd sa capacité à réfléchir car l’état réfléchit pour nous, l’islam réfléchit pour nous, et l’esprit de groupe prime. Cette société a perdu tout humanisme, l’homme est devenu Homme. Pour pouvoir se construire et bâtir une société de pouvoir, dont la puissance nous a poussé vers notre décadence, vers la décrépitude de l’Homme, et la perte de son humanisme. Mais où est donc votre spiritualité? Où est donc votre humanisme, où sont donc vos ambitions chers algériens ?
Réveillons-nous, les races n’existent pas et, jusqu’à preuve du contraire, tous les hommes sont égaux dans leur génome. Comment une région, une culture peut-elle s’estimer meilleure qu’une autre ? Nul n’est meilleur que l’autre, nul n’est supérieur et dans nos différences nous nous ressemblons. Il n’y aurait point de comparaison si la différence n’existait pas; Les gens se cantonnent à leurs idées ou préjugés par besoin, afin de se rassurer, de garder une certaine stabilité. Alors commençons par accepter l’autre. Chaque société est régie d’une manière, aucune ne peut clamer sa supériorité, et au contraire toutes devraient s’inspirer l’une de l’autre pour prendre le bon et rejeter le mauvais, et ce travail doit être constant! Les voyages de Bougainville dans le conte philosophique de Diderot, l’ont conduit à la découverte d’aborigènes “non civilisés” et qui pourtant, étaient heureux… c’est le mythe du bon sauvage que développerons les occidentaux. L’homme occidental étant persuadé de sa supériorité, rejetait l’apport de l’autre, on sait tous ce que cela a engendré…
En réalité il n’y a pas de hiérarchie des cultures, il y a certes différence, et de cette différence naît la civilisation. En effet, lorsqu’on tolère l’autre culture, on tolère la différence de l’autre culture, mais en allant à un plus bas niveau, ceci conduit à la tolérance des autres personnalités dans sa propre culture, dans sa propre famille, avec ses collègues…. Le résultat de ce travail sur soi est de minimiser les conflits de la vie quotidienne. C’est inconscient et ce travail doit commencer dès le plus jeune âge. Amin Maalouf explique dans “identités meurtrières” que la plupart des conflits dans le monde sont issus de conflits identitaires. C’est en considérant la diversité, que l’on arrive à créer de l’empathie, pour pouvoir créer de la communication, communication qui est la base de la résolution d’un conflit.
L’algérien doit reconnaître le multiculturalisme de notre société, respecter nos mariages interculturels, accepter la diversité de notre langue. Nous en viendrons ainsi à reconnaitre notre identité maghrébine, africaine, et enfin nous prendront conscience de notre identité dans le monde. Car le bonheur c’est commencer par se connaitre soi même, pour mieux comprendre autrui. Alors, assumons nos identités multiples qui font notre richesse, et profitons de cet élan pour nous ouvrir aux autres identités encore !.
Kawtar HADJADJ
Ingénieure algérienne, vivant à Paris.