« La non-solidarité du citoyen algérien pour les actions communes ».

Redaction

prop Deux larges pans de la société se distinguent en Algérie, qui sont celles des gens de la terre et celles des gens du béton. La plupart de ces derniers proviennent des campagnes et voient en ce matériau de construction un facteur de modernisme qui est en fait un amalgame de caillasse, de sable et de ciment, des produits dérivés de la terre. Ceux qui restent attachés à leurs champs, essentiellement les fellahs propriétaires et journaliers dont l’ultime fonction faisant laborieusement nourrir des quantités de bouches, cultivent leurs parcelles de terre dans des conditions originelles.

L’emploi à outrance de pesticides et de produits chimiques pour améliorer le rendement est très faible en comparaison à leurs homologues européens qui utilisent sans estimation ces produits néfastes à la santé des eaux, de la terre et de l’humain. Donc par nature la préservation de l’environnement des campagnes algériennes par leurs autochtones est tout à fait de mise. Pour l’instant nous mangeons et vivons « bio ». Pas de sensibilisation à émettre quand il s’agit de protection de la nature, de toute façon cette idéologie n’est pas encore inculquée dans la tête des habitants des campagnes.
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L’écologie actuelle, qui de par son étymologie est une science qui étudie les milieux et leurs populations, est d’autant plus mutée vers le nominatif politique, qui fait son apparition dans les grandes régions industrielles d’Europe où la surproduction qui conduit à la « sur-pollution », demeure un problème irréversible à l’environnement. Tels de marionnettes devant un tableau factice représentant une nature morte, les élus écologiques viennent, font un petit tour et puis s’en vont tant les dispositions à élaborer des plans de relance sont compliquées. Depuis les dernières élections présidentielles algériennes, quelques candidats ont inséré dans leurs programmes de campagne une charte écologique afin d’apporter une innovation dans l’espace politique du pays. Malheureusement les électeurs ne se sentent point concernés lorsque, hormis les hydrocarbures, l’industrialisation générale est loin d’atteindre le cadre d’alerte de pollution où la consommation polluante ferait défaut. L’ Algérie subsiste encore dans une aire de repos où sa population est en attente du démarrage de la machine au moteur pestilentiel. A partir de cette vision, l’opinion générale de ce pays au ciel limpide à encore de belles années devant elle et peut prétendre être la championne du monde des pays aux airs purs. Cependant les soucis de malpropreté proche des grandes agglomérations ou dans les villes est un épais casse-tête pour les complaisantes autorités communales. Les immondices et autres « zoubia » font toujours partie du décor urbain et suburbain.

La plupart des cages d’escaliers sont des urinoirs publics ainsi que dans certaines rues isolées où les odeurs d’excréments humains se mélangent aux gaz d’échappements de voitures. Les proches espaces verts ne manquent pas d’être couverts des sachets de couleur bleue et toutes sortes d’objets sont jetées ça et là en toute normalité. Idem à la sortie des villes où les terrains vagues sont copieusement garnis de ces sachets qui se fixent aux bosquets et les débris de bouteilles et des canettes de toutes sortes garnissent un sol poussiéreux.

Allons faire une ballade à une station balnéaire nommée Cap Falcon dans la corniche oranaise. Il fait beau, la mer est bleue, des familles entières et des gens de la nouvelle société oranaise prennent du bon temps sur la plage, assis sur des chaises et transats, sous des parasols colorés qui ombrent des tables chargées de boissons et de victuailles. Sous leurs pieds subsistent étonnamment des détritus de toutes sortes qui sont vraisemblablement là depuis plusieurs jours. Malgré cela, les gens s’extasient et continuent à frimer avec leurs lunettes noires ou à discuter avec ostentation de choses et d’autres devant les baigneurs ruisselants et les passants qui observent.

Amateur de plongée sous marine, je mets un masque et embouche un tuba pour admirer sous l’eau la faune et la flore. Un spectacle ahurissant se présente à mes yeux à seulement une cinquantaine de mètres du rivage. On y trouve une bottine d’hiver, une basket trouée, un pneu en piteux état, encore les sachets bleus accrochés aux rochers ou àde la ferraille, des boites de conserves rouillées, des bouteilles de bière cassées et toutes sortes de petits objets ondulent nonchalamment sous les flots autour des algues et des petits poissons. J’ai même vu un habitant de cette localité les pieds sous l’eau vider dans la mer sa marmite d’une sauce rougeâtre et la rincer à grande eau. Il y a urgence quant aux comportements à changer, à commencer d’abord l’école ou dans les lieux publics pour inculquer aux générations futures que chacun est responsable de la nature en leur expliquant les gestes simples à retenir et à communiquer : ne pas jeter des papiers par terre, ne pas cracher, ne pas faire ses besoins dans la rue, encore faut-il que les autorités suivent le pas en installant des lieux pour la circonstance. Non seulement la sensibilisation se fait tôt, mais elle doit se pratiquer tous les jours sans relâche, pas comme ces sortes de communications sporadiques que les autorités ordonnent lorsqu’elles organisent ou accueillent un événement dans leur cité.

La dégradation croissante des milieux naturels doit être un problème à constater et résoudre par une action solidaire des citoyens. Il faut cesser de se tourner vers l’Etat qui de par sa politique socialisante clamait prendre tout en charge à défaut d’aliéner les populations dans un contexte d’assistanat. Prendre conscience que la rue, le quartier, l’immeuble appartient à celui qui le fréquente régulièrement et que ces lieux doivent ressembler à la salle à manger ou au salon chez soi en terme de propreté.

Il est vrai qu’à l’intérieur de ces crasseuses bâtisses tout est excessivement bien briqué. Un étrange paradoxe qui démontre « la non-solidarité du citoyen algérien pour les actions communes ». Cela veut insinuer : « Je ne suis pas ton boy, je ne nettoierais pas pour ton plaisir! » Et l’autre lui répondre : « Vas te faire voir et vis dans tes ordures ! ».

Finalement chacun tourne le dos à ses propres déchets. J’aurai voulu parler d’énergie renouvelable en Algérie, où grâce à sa position géographique, le pays dispose d’un potentiel solaire dont la production électrique est énorme. Mais avant d’atteindre ces projets, pour l’instant quelques peu mythiques, chargeons-nous d’abord de lever les manches et de donner ensemble un grand coup de balai dans ce grand pays magnifique.

Abdelhafid OUADDA
Auteur du roman Le Grand Douar , Éditions Le Manuscrit, 2007
Et de Spania