Absence totale de ponts entre l’Algérie et l’Amérique Latine

Redaction

Brazil Latam Summit Lors du jubilé du premier président de la République algérienne Ahmed Ben Bella, organisé dans sa ville natale Maghnia, au moins un guérillero a été convié. Dans un entretien qu’il nous a accordé, il a évoqué l’aide que l’Algérie, venue juste de sortir de la guerre de libération, avait fourni aux mouvements de libération dans le sous continent américain.

Tout récemment, Sidi Ahmed Benchouk, ancien wali et ancien membre du MALG (l’ancêtre de l’actuel ministère de la défense nationale), avait évoqué dans une conférence consacrée à l’Abbé Alfred Berenguer, que Che Guevara s’était déplacé à Alger au milieu des années soixante. Des oranais se souviennent jusqu’ici de la visite du commandanté Fidel Castro à Oran accompagné de Boumediene.

A part quelques initiés, le souvenir du Che, en tant que figure emblématique de la révolution anti-impérialiste, s’est éteint en Algérie. Plus près de nous, on assure que c’est sur conseil de Hugo Chavez que le président Bouteflika a décidé de corriger la fameuse loi sur le pétrole, dont la version initiale permettait aux multinationales de mettre la main sur les richesses pétrolières nationales. Ces quelques exemples témoignent que la relation entre l’Amérique Latine et l’Algérie a une épaisseur historique. Cependant, les changements, caractérisés par l’émergence de véritables leaders politiques réfractaires au néo-libéralisme américain en Amérique Latine n’inspirent aucunement les responsables algériens. Pour cause, certains ministres algériens, occupant des postes clefs, tel celui de l’énergie, sont réputés d’être issus de l’école américaine.

On peut dire autant du ministre de la participation, dont la mission consiste à démanteler le tissu industriel national, acquis au prix fort durant les décennies soixante dix et quatre vingt. D’ailleurs juste l’existence d’un tel ministère enseigne sur l’orientation libérale choisie par les gouvernants algériens.

Mais l’éloignement de l’exemple sud américain n’est pas imputable uniquement aux décideurs algériens. Les élites algériennes, économiques et intellectuelles, n’ont établi aucun pont avec les élites latino-américaines. Pire, la production culturelle et intellectuelle de ce sous continent, que ce soit sur le plan cinématographique ou littéraire ou théorique, est magistralement méconnue en Algérie. Les pays latino-américains sont de simples pourvoyeurs aux algériens de bananes et autres produits de consommation.

Voilà en quoi se résume le flux des relations entre les deux parties. Pour s’en convaincre, il suffit de feuilleter la presse algérienne. Rare pour ne pas dire exceptionnel quand un titre consacre un reportage sur l’expérience d’un pays de l’Amérique du sud. Les expériences des paysans pauvres au Brésil qui réclament l’accès à la propriété des terres, n’attirent pas la curiosité (alors que dire de la sympathie) des politiques et intellectuels algériens se réclamant encore de gauche.

Le mouvement alter mondialiste qui a pris en charge la socialisation des luttes des mouvements latino américains demeure totalement ignoré. L’emblème de ce mouvement, aux couleurs de l’arc en ciel, est souvent brandi par des fans de certaines équipes de foot. Ce qui veut tout dire. L’éloignement géographique et l’handicap de la langue aggravent cette absence d’intérêt pour des expériences pourtant d’une brûlante actualité. Des expériences qui peuvent inspirer toutes les victimes du néo-libéralisme prôné par l’administration Bush.

Mais avant d’envisager l’inspiration des expériences des autres, soulignons que depuis l’arrivée de Bouteflika au pouvoir, toute velléité d’autonomie de certaines tendances politiques a été anéantie dans l’œuf. La conformité, consistant à l’allégeance et à la servilité vis-à-vis du locataire du palais d’El Mouradia, est devenue le trait essentiel de l’activisme politique. Tout ce qui déroge de ce cadre est non avenu.

Certes, la société algérienne s’ingénue à inventer des stratagèmes pour s’autonomiser par rapport à un pouvoir enclin de plus en plus à la centralité (abondonnant sa périphérie à son propre sort). Mais ces expériences d’autonomisation manquent de maturation, de systématisation. Et surtout d’encadrement pouvant lui conférer des objectifs, une méthodologie de travail et un projet concret. C’est justement là où les expériences latino américaines peuvent être d’une grande utilité. Donc, il est temps de prêter nos oreilles à ces indiens, délogés de leurs forêts et montagnes, qui défient l’ogre américain se trouvant juste au dessus de leur tête. Ils peuvent nous apprendre…

ZIAD Salah

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