Ahwel el Ness

Redaction

gars
Previously on « parce que seuls les idiots ne changent pas »

Oyez oyez noble assistance, l’histoire d’un dîner avec des conseillers matrimoniaux. Cette pièce se joue en 3 actes : monologue d’un douari (villageois) converti, comment trouver sa conjointe, et l’hymne de l’homme content.

Acte 1 :

Kaddour entre chez les Rouiched. Le décor, mélange exquis de moderne et d’oriental, est un plaisir pour les yeux. L’hôtesse, une blonde aux yeux bleus, au visage angélique, ouvre la porte en kaftan marocain moderne (un top à bretelles et un pantacourt brodés).

Les deux hommes s’installent pour l’apéro.

– tu parais étonné ? Attends de voir le dîner : du berkoukess ! je n’ai pas changé tu sais, question religion, je ne bois pas et fais toujours ma prière, mais je suis devenu juste beaucoup plus ouvert, j’aide ma femme dans l’entretien de notre chez nous, ce que je trouve normal. Oui tu dois te dire, que moi, Rouiched, qui terrorisait ses sœurs, qui les traitaient en esclaves, comment ai-je pu devenir aussi « cool » ? Dans l’environnement offusquant du village où on a grandi, tu devais te montrer un homme et agir en pire fainéant, et en grand goujat. Maintenant je ne pourrai plus redescendre au bled et y vivre. Ou alors faudra que je redevienne comme avant, et je ne le veux pas.

Ma femme, je l’ai connue à l’université. Au départ, mes manières la faisaient rire. Mon français approximatif mi grande littérature et mi déformation totale, l’attendrissait. Elle m’a tout appris, et je lui dois beaucoup. Elle a beaucoup changé elle aussi. Comme elle adore les « autres cultures » comme elle dit, et elle est prête à tout cuisiner, à tout apprendre. Maintenant, au mois de ramadhan, comme elle ne s’est pas convertie, elle essaye de ne pas manger en face de moi, mais les soirs du week-end, c’est chorba bourek mtewem et samsa faite maison ! Elle a même appris à faire de la galette ! Bon elle ne s’est pas convertie, cela me fait un peu de peine, mais que veux tu ? Elle fume, elle boit, mais je dois respecter ça.

N’est-ce pas ce qu’on nous apprend dans l’islam, respecter les autres religions ? Oui tu dois te dire, alors comment j’ai pu être aussi ignoble avec mes sœurs, en les frappant si elles portaient du maquillage ? L’ignorance, et un besoin inexplicable de prouver sa virilité et de montrer qu’on est un homme. On nous a éduqué ainsi. Je regrette… au contraire, c’est faire preuve de bassesse… Ma sœur, une jour après l’avoir tabassée, m’a dit : quand tu te marieras, ta femme te trainera par le bout du nez, elle sortira presque nue, tes filles aussi, et toi tu seras content. Jamais tu ne lèveras la main sur elles. Tu n’es pas un homme, tu es juste un lâche…et bien sûr moi je l’ai refrappée de plus belle, en lui disant : voilà comment je traiterai ma femme et mes filles, exactement comme toi…sa prophétie était juste, et quand j’ai emmené ma femme la 1ère fois au bled, elle avait un de ces regards marquants….mi triste, mi moqueur. Mais bien sûr nous n’avons jamais abordé le sujet.

Nous ne nous sommes pas mariés au pays, mais ici, dans le 16è arrondissement ! Il fallait voir le maire, quand nous nous sommes contentés de nous faire la bise au lieu de nous embrasser, parce qu’il y avait mes parents et 2 de mes oncles ! Et quand ma mère a lancé un youyou, le maire a regardé ma femme avec l’air de dire : elle est belle la France ! Et quand mes parents ont vu que les invités de ma femme buvaient de l’alcool et qu’elle dansait avec d’autres hommes ! Ils ont faillit s’étouffer. Ma mère ne l’aime pas du tout ma femme, elle me dit souvent : ton fils sera un drogué et ta fille tombera enceinte à 15 ans. Mais le passé est loin derrière. Ma vie maintenant, c’est ici.

Le vrai moi maintenant, c’est celui que tu as en face… ».

Et Rouiched se lève théâtralement, au même moment que l’entrée de Josiane, portant une soupière…

Rose Laine