Propos recueillis par Ségolène Gros de Larquier
Le projet de loi sur la reconnaissance et l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est examiné mercredi au Sénat. Pour Jean-Luc Sans, vice-président de l’Association des vétérans des essais nucléaires ( Aven ), qui milite pour la reconnaissance des conséquences des essais nucléaires français en Algérie et en Polynésie (1960-1996), le texte ne va pas assez loin.
lepoint.fr : Quels sont les points positifs de ce texte ?
Jean-Luc Sans : Il a le mérite d’exister ! Le mot « reconnaissance » est très fort et il a son importance après quarante ans de déni de la part des autorités. C’est un pas immense pour nous. Le principe de « présomption de causalité » entre les essais nucléaires et certains cancers a aussi été introduit dans le projet de loi. C’est une grande avancée même si la liste des cancers est très restrictive. Une liste de seulement dix-huit types de cancers, considérés par la communauté scientifique comme pouvant être radio-induits, va servir de base aux indemnisations. C’est trop peu. On se focalise beaucoup sur le cancer, alors que 80 % des victimes des essais nucléaires membres de nos associations présentent des pathologies différentes. Il s’agit de pathologies cardio-vasculaires, sanguines, osseuses, des problèmes de stérilité ou encore des malformations à la naissance. Or ces pathologies ne sont pas mentionnées dans la liste.
Selon vous, combien de victimes vont pouvoir prétendre à l’indemnisation ?
C’est une indemnisation a minima. Sur 150.000 civils et militaires qui ont participé aux essais nucléaires et sur les 10.000 adhérents des associations de victimes, on a dénombré au total 600 à 700 personnes qui pourraient être indemnisées. Il y a beaucoup de restrictions à la fois sur les types de cancers, considérés comme pouvant être radio-induits, mais aussi sur les zones géographiques sur lesquelles les victimes doivent avoir résidé pour être indemnisées. Par exemple, la base de Hao a été coupée en deux. Sur l’île de Tahiti, il y a aussi une zone délimitée dans laquelle Papeete n’est pas comprise. Idem dans le Sahara.
Quelles sont les lacunes à combler ?
Il y en a plusieurs. Déjà, le ministère de la Défense est juge et partie dans ce dossier. Donc, c’est lui qui décidera en dernier ressort. D’autre part, les associations de victimes ne font pas partie de la commission d’indemnisation. Nous dénonçons aussi le manque d’indépendance des membres du comité d’indemnisation qui vont être nommés par le ministère. En l’état, ce projet de loi est surtout un coup de publicité, un message envoyé à l’opinion publique. C’est une brèche ouverte. À nous désormais de tout faire pour l’agrandir.
Quelles sont vos autres revendications ?
Nous nous battons aussi pour la prise en compte de tous les problèmes de la faune et la flore, la pollution de la Polynésie et du Sahara, mais aussi l’indemnisation des populations. Il doit aussi y avoir un suivi médical pour les personnes touchées.
Le Point.fr