Algérie : Le harcèlement moral et sexuel au travail

Redaction

La loi vient toujours sanctionner une pratique. Elle ne la précède jamais. Il a fallu des années et des années pour qu’apparaisse l’article suscité dans le code pénal algérien (art. 341 bis).

Le concept de cette loi N° 04-15, introduite, pour la première fois, dans les anales de la législation algérienne, est très vague – ce qui rend la procédure judiciaire difficile. Un flou s’y dégage : Il reste beaucoup à faire pour informer sur la teneur de l’article en question, sur la possibilité de recours à la justice des femmes qui subissent cette violence : Dans quelle mesure peut-on pénaliser l’acte du harcèlement moral et sexuel sur les lieux du travail en ayant recours à ces textes ? Faut-il alors que l’acte du harcèlement moral et sexuel soit durable, et que le harcèlement insiste pour qu’on puisse le sanctionner ?

Aujourd’hui, avec les reformes libérales, c’est la généralisation des emplois temporaires, la vie est dure et l’emploi est rare. Ces conditions de chantage économique ont favorisé le harcèlement moral et sexuel dans le milieu du travail.

La définition de la notion du harcèlement au sens large du terme est une forme de violence physique et/ou matérielle et/ou morale et psychologique portant atteinte à la dignité, la pudeur, l’honneur et la liberté de la femme. Il peut se traduire par des insinuations verbales (directes ou indirectes) tels que les compliments, les blagues, les plaisanteries, les invitations de toute proposition ayant un but sexuel. Le toucher allant des pincements ou caresses à viol. Sur les lieux du travail, il se traduit, en outre, par l’abus du pouvoir qui revêt toutes les formes de pression en faisant chanter la femme sur ses droits les plus légitimes et absolus.

En effet, Le harcèlement sexuel et/ou moral, tant dans la rue que sur les lieux de travail, accompagné d’agressions physiques ou de pressions par ceux qui détiennent une autorité, restent, ainsi, tabous et font rarement l’objet de plaintes. Car, il est d’une violence telle qu’il cantonne la femme au repli sur soi et au silence. Sur le plan psychologique, les conséquences sont très graves. Le harcèlement en question porte gravement atteinte à la dignité des femmes. Leur santé mentale est ébranlée. Elles sont blessées, humiliées et fragilisées. Coté dépôt de plainte, les victimes se taisent, conscientes de la lâcheté de leur entourage dans ce genre de situation. Elles se trouvent alors confrontées à toutes ces femmes, souvent les plus virulentes, qui font carrière en utilisant leur corps comme seul atout. Quant à ces hommes, la majorité ne voit nulle part le harcèlement, le corps des femmes n’étant pour eux que « marchandise »… Ces femmes ont du mal à se faire entendre quand elles sont victimes des déviances sexuelles de leur directeur, professeur ou chef d’entreprise…

En 2005, les services de police ont enregistré 7419 cas de violence (débats des deux journées du premier atelier local, tenu à Alger, sur la violence contre les femmes organisé lundi 11 et mardi 12 juillet à Alger, par l’association Femmes en Communication avec l’aide du programme Karama (dignité), une ONG, qui relève du mouvement international V-Day, créée en 1998 pour faire cesser la violence pratiquée contre les femmes et les jeunes filles)dont 176 cas de harcèlement sexuel et pour le 1er trimestre 2006, 63 cas de harcèlement sexuel ont été répertoriés sur 1762 cas de violence.

Selon le rapport du Centre d’écoute et d’aide aux victimes du harcèlement sexuel, hébergé et financé par la Centrale syndicale UGTA, sur les 942 appels recensés durant la période de janvier à décembre 2004, 388 sont des appels pour cause de harcèlement sexuel, relève en outre que la tranche d’âge des victimes d’agressions sexuelles se situe entre 21 ans et 55 ans (In Liberté du 11 janvier 2005 : « Harcèlement sexuel : La honte » de Nadia Mellal)

Selon certains témoignages, les femmes harcelées ne déposent pas souvent de plainte contre leurs ’’harceleurs’’ d’un coté, les questions relatives au sexe relèvent du tabou et de l’autre coté, les raisons socio-économiques qui constituent un très grand obstacle. Une femme travailleuse, qui perçoit mensuellement un salaire qui lui permet de subvenir aux besoins de ses enfants ou de sa famille, éprouve toutes les peines du monde à oser dénoncer ses harceleurs en courant le risque de se retrouver sans emploi. Dans le passé, seules les femmes célibataires étaient harcelées ; mais de nos jours, les auteurs s’attaquent à toutes celles qui se trouvent dans leur champ de vision.

Pour parer à cette situation, une aide juridictionnelle doit être introduite dans le code sus – mentionné afin de permettre à ceux qui n’en ont pas les moyens de se défendre en justice. Cette aide, sous forme de prise en charge par l’État d’une partie ou de la totalité des frais de justice de l’harcelée, en particulier des honoraires d’avocat, sera accordée sous réserve que les ressources des demandeuses, touchées dans leur dignité, soient inférieures à un plafond donné et ce avec l’appui, ne serait ce que pour une prise en charge morale, des centres d’écoute, groupe de femmes, commissions, collectifs syndicaux et associations de défense des droits de l’Homme, en particulier, ceux de la femme…

Ainsi, d’autres articles doivent être introduits, aussi, dans le droit du travail actuel, qui condamne le fait :

1/ Aucune mesure concernant le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire en prenant en considération : Le fait qu’il a subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement d’un supérieur hiérarchique ou de toute personne qui, abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions, a donné des ordres, proféré des menaces, imposé des contraintes ou exercé des pressions de toute nature sur ce fonctionnaire dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers ; Ou bien le fait qu’il a témoigné de tels agissements ou qu’il les a relatés.

2/ Aucun salarié ne peut être sanctionné ni licencié pour avoir subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement d’un employeur, de son représentant ou de toute personne qui, abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions, a donné des ordres, proféré des menaces, imposé des contraintes ou exercé des pressions de toute nature sur ce salarié dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers.

3/ Si la personne, qui a subi un harcèlement sexuel ou moral, décide de démissionner, on considère qu’elle est « involontairement privée de son emploi » et que, de ce fait, elle peut y rejoindre, de « nouveau », son poste de travail avec paiement en rétro – actif des mensualités non dues… par son employeur.

4/ Il appartient à l’employeur de prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise une sanction proportionnelle à l’infraction commise par le harceleur (licenciement, rétrogradation …).

Reste, seulement, si la victime ne sera pas chassée par sa famille, du jour au lendemain, le moment d’assumer, publiquement, son acte qu’est d’attaquer devant les tribunaux son agresseur ? Comme témoigne Marie Victoire LOUIS dans son livre : Le droit de cuisage (Ed. de l’Atelier/éd. Ouvrières, 1994), dédié à la mémoire d’une femme qui avait été harcelée et violée par son patron. Le soir, elle le dit à son mari : pour toute réponse, celui-ci, furieux contre la victime, l’attache, l’arrose d’essence et y met le feu …Cela s’est passé en France il y a quelques années …

Face à ces phénomènes dangereux pour la société et l’Etat, plutôt que de mettre en place des politiques globales de réhabilitation des victimes, les autorités se sont le plus souvent bornées à un discours de compassion formelle à leur égard. Ce qui a poussé une majorité des victimes de violences sexuelles … tombées enceintes à suivre la voie de l’avortement.

Un pas en avant, deux pas en arrière ! Voila, en quelque sorte, le chemin que parcourt notre chère Algérie en matière de droits de l’Homme.

Par Samir REKIK
Agoravox.fr

Quitter la version mobile