Algérie : Un Islam, des Islams, beaucoup de conflits

Redaction

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Si l’existence claire et tangible d’une «guerre» entre religions n’est pas clairement établie en tant que conflit déclaré, l’affrontement est, pour sa part, incontestablement existant à l’intérieur même de l’Islam avec la présence d’une multitude de courants idéologiques qui, dans certains cas, s’opposent fondamentalement dans leur interprétation de la religion islamique. Cette fragmentation de la pensé islamique et de sa pratique sera même confirmée par le prophète Mohammed (QLSSL) lui-même dans un hadith qui prédisait déjà l’avènement en Islam de dizaines de «fractions» (فرقة).

Les sociétés musulmanes contemporaines n’échappent pas à cet état de fait avec des degrés de cohabitation et de conflits qui différent d’un pays à un autre pour des raisons historiques évidentes. Pour le cas de l’Algérie, l’existence de plusieurs «fractions» religieuses et de courants de pensées est plus au moins récente. C’est un phénomène nouveau qui n’a pas et n’est toujours pas pris en considération sérieusement par les autorités religieuse du pays. Ou qu’il l’est parfois mais avec une vision communautariste teintée d’un repli identitaire qui n’a plus lieu d’être dans une société qui s’ouvre au monde et qui dispose d’un panel diversifié de visions et de points de vue différents.

Si la diversité des courants au sein de l’Islam ne constitue pas un danger pour la société algérienne (exception faite de l’extrémisme), il n’en demeure pas moins que c’est la pratique de ces courants qui devient de plus en plus sujette à conflit, provoquant des antagonismes palpables, surtout dans nos mosquées.
En effet, la fracture générationnelle dans le domaine religieux est effective puisque les jeunes algériens pratiquants ne se contentent plus d’aller faire leur prière en recopiant ce que faisaient leurs pères avant eux.

La mondialisation, l’accès aux TIC ainsi que les offensives calculées des Groupes religieux étrangers, saoudiens notamment, ont offert à l’Algérien une vision plus élargie de la chose religieuse, allant de la simple pratique quotidienne jusqu’à la philosophie de la croyance. Mais cette diversification n’a pas été appréhendée dans sa dimension spirituelle puisque ce jeu renferme des relents politiques qui tendent à renforcer l’influence de certains pays sur les peuples musulmans sous couvert du religieux. Pour comprendre les manifestations de cette «guerre intestine», il faut aller là ou la religion se manifeste le plus : les mosquées.

Les mosquées : lieux d’affrontements

Les mosquées, ce sont les maisons de Dieu. Mais pas que… Ce sont aussi des lieux où s’affrontent régulièrement les différentes «fractions» de l’Islam sur fond de fatwas et d’interprétations qui divergent. La raison est évidente : la mosquée est le lieu le plus sacré pour le musulman et l’imam la personne la plus influente. Par conséquent, qui «contrôle» cette tribune contrôle le groupe.

L’antagonisme le plus fréquent et le plus compliqué est celui qu’entretiennent nos aînés, soufistes depuis plusieurs générations et les nouveaux salafistes, fervents défenseurs du wahhabisme saoudien. De la Croyance elle-même (العقيدة) jusqu’à la prière en passant par l’habit et l’apparence physique, les divergences entre les soufistes – et plus généralement la fraction dite Al Achaîra (الاشاعرة) – et les wahhabites sont légions.

Ces divergences mènent à de fréquents affrontements dans les mosquées puisqu’en règle générale, les salafistes contestent l’ensemble des pratiques religieuses des soufistes et considèrent leur courant comme «erroné» et «hérétique» dans certains de ses aspects.

Sur le plan intellectuel, le débat entre les différentes «fractions» de l’Islam est alimenté, passionné et ne connaitra, sans doute, jamais de fin. Mais sur le plan de la pratique, l’intervention de l’Etat s’avère indispensable pour gérer l’espace public.

En Algérie, plusieurs «fractions» religieuses sont recensées. Certaines sont au sommet de l’Etat et considérée même comme la tarîqa «officielle» du pays, comme le soufisme, d’autres se sont imposées par la force des médias, comme le wahhabisme et d’autres encore sont tolérées comme les chiites, les mozabites étant une exception.

Mais cette question d’intervention de l’Etat dans le domaine de la pratique religieuse pose un autre problème épineux. En effet, au nom de quelle «vérité divine» un Etat déciderait-il de considérer telle ou telle «fractions» comme étant «agréée» et décidera-t-il d’exclure les autres, du moins de tout ce qui est inhérent à la gestion des mosquées et des lieux de culte? Mais ceci nous ramène à un tout autre débat. Celui de la laïcité…

Hicham A.