Le discours fleuve du président Bouteflika, lors du Sommet du G15 à Téhéran, se résume à cette déculpabilisante et démissionnaire citation de Sartre : «L’enfer c’est les autres». Dans un étonnant exercice de retour vers le passé, Bouteflika a saoulé l’assistance le temps de son discours par des idées que le monde moderne a enterré depuis belle lurette et que notre cher président a ressuscité dans ce qui semble être l’ultime séance de décrassage qui précède le grand déballage. Celui qui nous démontrera à quel point on est resté statique dans un monde en mouvement et que ce n’est même pas de notre faute, mais celle des autres, les riches, les blonds, les méchants.
Cette réflexion populiste, largement relayée par nos médias, prend ici la forme d’une propagande d’avant démission, lancée pour laver l’affront d’un échec consommé et d’une politique handicapée et très handicapante pour l’avenir. Bouteflika s’y est bien pris, se mettant dans la peau d’un faux «Che» de bureau, qui s’amuse à dénoncer l’impitoyable système mondial, sans mener la révolution qui va avec. Tous les ingrédients étaient là : le retard assumé mais imposé, l’OMC méchante, le Sud gentil, le Nord coupable et même le «protectionnisme vert», nouvelle appellation perverse de l’écologie telle que perçue par notre Président. Cette vision du monde surannée n’est pas du tout de bon augure, car elle nous donne une idée, une de plus, sur la psychologie de notre capitaine de bord.
Un Président has been qui nous ressort une idéologie de colonisé qui l’aidera, sûrement, à dormir tranquille, mais pas nous. Le monde est ainsi fait et tous les pays du Sud ne s’en plaignent pas. Il y en a même qui en profitent largement et qui s’y intègrent.
Peut-être que le système mondial est-il perfectible, mais suffit-il de le dénoncer pour le changer, surtout pour un pays qui ne pèse plus rien sur la scène mondiale et qui se replie sur lui chaque jour un peu plus.
L’héritage de Bouteflika serait aussi ça : une classe dirigeante qui croit que le monde est mauvais et qui estime qu’elle pourrait s’arroger ainsi tous les droits d’échecs et de ratages. On est vraiment mal barré.
Yasmina B.