« La presse algérienne est désormais soumise à la dure loi des lobbys commerciaux. Tout est une question d’argent. Le verrouillage n’est pas le fait unique de l’auto-censure, il est politique aussi. Ce fut le cas de journaux comme l’Epoque qui n’a pas survécu à l’absence de pub. Les choses ont changé depuis l’Epoque » estime Islem, caricaturiste.
Né en 1985, Islem a grandi comme les jeunes de sa génération avec la presse écrite privée. Issu d’une famille d’artistes, ce fils d’enseignant commence à dessiner dés l’âge de 8ans. « La passion de dessiner, je l’ai eu à l’école » précise-t-il.
Natif d’Alger, il suit une scolarisation classique sans trop de convictions, car il à d’autres projets en tête. A 15 ans , il collectionne déjà les dessins publiés dans le journal « Le Monde », ce sera la première fois qu’il s’essayera à la caricature.
Ses modèles: Dilem et Hichem, deux caricaturistes populaires de la scène médiatique algérienne. Ses essais se font de plus en plus nombreux, et les compliments sur son travail aussi. Poussé par ses proches, il commence à 15 ans à faire du porte à porte, chez les quotidiens indépendants, seuls à accepter des caricaturistes (les seuls jusqu’à maintenant).
C’est là qu’il fera une rencontre décisive pour le lancement de sa carrière. Hichem (son idole) le talentueux caricaturiste du journal Le Soir (Ancien caricaturiste du LE Matin) décèle de suite ses capacité et son originalité. Il entreprend de lui donner des conseils, qu’Islem suit à la lettre.
Très motivé, ce dernier reviendra pendant une année régulièrement chez celui qui signe ses dessins « le Hic » pour parfaire son coup de crayon. Avec le temps, son travail finit par payer. C’est finalement à « L’Epoque », premier journal satirique en Algérie, qu’il fera ses débuts à l’age de 19 ans.
« J’avais une liberté d’action totale, et pourtant, j’étais entouré de pointures comme Chawki Amari, ou Hichem » se rappelle-t-il. « Je me dépassais faisant ouvertement dans la provocation, pour savoir jusqu’où je pouvais aller (…).Je crois que nous ne retrouverons jamais une marge de manœuvre aussi importante que celle que j’ai connu à cette époque. Aujourd’hui grâce à algerie-focus.com, je retrouve cette liberté »
Le journal (L’Epoque ndrl) est malheureusement arrêté pour des raisons commerciales. Un fait important qui restera dans les mémoires de la profession, car il aura pour conséquence de changer le paysage médiatique algérien « indépendant« .
Un mal pour un bien, le bac approche et Islem à encore plein de projets à réaliser. Il sait ce qu’il veut faire et compte y mettre les moyens. Tout en préparant son bac, c’est à Algérie News Version, la version arabophone, qu’il fait ses classes. C’est un journal jeune, au cachet incisif qui colle très bien au tempérament d’Islem.
Même constat, « je jouissais d’une liberté totale, et pourtant c’était un quotidien national et de grande audience. Je n’ai jamais été censuré » se remémore-t-il. En effet, c’est dans ce journal qu’Islem se fait connaître. Arrivé en classe de terminale, Islem toujours séduit par la caricature, fait l’impasse sur le bac, il préfère se consacrer à sa passion. Conséquence : on lui refusera l’entrée aux beaux arts malgré ses énormes potentialités.
Qu’à cela ne tienne, Islem, devenu désormais un artiste reconnu par ses pairs, a d’autres atouts en poches, mais c’était sans compter sur le verrouillage qui allait être opéré sur la presse écrite.
Le Jeune indépendant, El Moustekbel, autant de journaux où Islem essayera d’exercer son métier, mais où il butera pour la première fois de sa carrières à la censure. « Dans un des journaux, on me demandait presque d’enlever la barbe à mes personnages barbus, de rallonger les jupes des jeunes filles que je crayonnais , comme si je pouvais raser la barbe, ou rajouter du tissus à mes dessins. » raconte Islem en ricanant, avant de rajouter » c’était un politiquement correcte qui pouvait parfois tout fausser« .
Il était définitivement impossible de continuer de cette manière. Dépité, Islem passera trois au chômage. Mais l’envie de dessiner est trop forte, et sa passion le rattrape. Cette fois ci, c’est un nouveau journal qu’il l’accueillera, Le temps, où Islem passera une grande partie de l’année 2008. C’est de loin la meilleure aventure qu’il a vécue depuis L’Epoque.
« Cela faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé de faire ce que j’aimais« . Une période ou Islem se donnera à cœur joie dans l’analyser de la société algérienne en long et en large à sa manière. » Avec une telle ambiance, je me suis de suite senti dans mon élément, et ça se ressentait sur mes dessins, c’est là que j’ai fait une partie de mes meilleures dessins » se souvient il.
Malheureusement, encore une fois Islem sera déçu: la situation de la presse écrite algérienne définitivement régie par les intérêts financiers et individualistes, prime sur l’intelligence artistique des journalistes algériens. L’espace de liberté qu’Islem avait dans le journal se réduit, et par la suite ce qu’il craignait le plus devient réalité. « Parfois je devais refaire le dessin jusqu’à 2 à 3 fois par jours « . Dépité , Islem à décidé de quitter « Le temps », dans l’attente d’une nouvelle aventure. « Finalement, il est faut croire que la presse indépendante est verrouillée, elle s’auto censure à cause des intérêts commerciaux et autres. Elle rentre dans le rang en quelque sorte. C’est le sort qui a été réservé à « L’Epoque », qui avait souffert en son temps de l’absence de pub. La presse est devenue un gagne pain sans plus. C’est en tout cas ce que j’ai entendu dans un journal sur deux auxquels je me suis présenté » conclu-t-il. La presse publique elle n’engage pas de caricaturistes. Islem signe depuis fin 2008 les caricatures dans algerie-focus.com, un journal participatif algérien diffusé sur internet.
Kh_louna