Entretien avec Salim Lamrani, spécialiste de l’Amérique Latine

Redaction

Updated on:

couverture Cuba ce que les médias ne vous diront jamais Salim Lamrani est enseignant, chargé de cours aux universités Paris-Descartes et Paris-Est Marne-la-Vallée. Il est spécialiste de l’Amérique Latine où il se rend régulièrement. Dernier ouvrage publié : Cuba. Ce Que les Médias Ne Vous Diront Jamais, éditions Estrella.

Pour notre invité, la révolution lancée par Chavez et ses alliés en Amérique Latine peut servir de modèle au Maghreb avec l’Algérie comme « pays fédérateur des nations Africaines autour d’un projet libérateur de la tutelle des nations occidentales » .

Les commentaires et questions sont ouverts en bas de cette page.

Entretien :

1- Hugo Chavez a pu réussir en quelques années ce que Fidel Castro tente de mettre en place depuis trente ans, à savoir fédérer les pays de l’Amérique Latine autour de l’idée d’une émancipation possible du joug de Washington. Comment expliquez-vous ce succès ?

Il convient de rappeler que le premier pays à s’être émancipé de l’ombre tutélaire de Washington a été Cuba avec le triomphe de la Révolution en 1959. Cuba a longtemps été considéré comme l’exemple à suivre par le reste de l’Amérique latine et du Tiers-monde en termes d’indépendance et de souveraineté, entre autres. C’est d’ailleurs toujours le cas actuellement.

Hugo Chávez, qui est un visionnaire politique d’envergure et un grand admirateur de Simón Bolívar, a parfaitement compris que l’avenir des peuples latino-américains passe par un affranchissement de la domination séculaire étasunienne. Le temps de la soumission et de la révérence est révolu. L’Amérique latine a désormais atteint une maturité politique qui a permis à ses peuples de porter au pouvoir des dirigeants progressistes soucieux de leurs intérêts, que ce soit au Venezuela, en Bolivie, en Equateur, au Paraguay, au Honduras et dans une moindre mesure au Brésil, en Argentine ou au Salvador, entre autres. Contrairement aux pratiques du passé, Il est beaucoup moins évident pour Washington d’imposer sa volonté par la force militaire ou le chantage économique en Amérique latine.

2- Après l’Amérique Latine, Chavez tente d’élargir son champ d’action au monde arabe, notamment au Maghreb. Pourquoi s’intéresse-t-il à cette partie du monde et quel est le but recherché ?

Le but d’Hugo Chávez est de fédérer les nations du Tiers-monde autour d’un projet émancipateur basé sur l’indépendance, la réciprocité et la solidarité et un système qui considèrerait l’être humain comme étant la priorité absolue. L’union des nations du Tiers-monde est indispensable pour constituer un front contre les politiques néolibérales et tyranniques du FMI et de la Banque mondiale qui ont plongé le monde dans une misère indescriptible.

3- Toute proportion gardée, l’Algérie ressemble par certains points au Venezuela : position géographique stratégique, passé historique révolutionnaire, richesse en hydrocarbures, etc. Est-ce que l’Algérie pourrait à son tour engager les pays du Maghreb dans un projet commun à même d’atténuer l’influence de la France, et depuis quelques années aussi, celle des États-Unis dans la région ?

L’Algérie dispose de toutes les conditions objectives pour s’affranchir de la tutelle des nations occidentales. De par ses richesses, son histoire et sa position géographie géostratégique, elle peut à la fois davantage s’émanciper et fédérer les nations africaines autour d’un projet libérateur. Il convient de rappeler qu’historiquement l’Algérie a été le centre névralgique des mouvements révolutionnaires et indépendantistes du continent.

4- Le président Bouteflika, semble se raviser. Après un relatif rapprochement avec le nord sur le plan économique et politique, il s’intéresse aujourd’hui à l’Amérique Latine et Chavez, en ces temps de crise économique. S’agit-il à votre avis d’une simple manœuvre politicienne, ou bien d’une réelle volonté de changement de cap ?

Je crois que le président Bouteflika veut que l’indépendance de l’Algérie passe par un contrôle total des ressources stratégiques de la nation qui doivent rester dans le giron de l’Etat et ne passer, sous aucun prétexte, entre les mains des multinationales.

5- Quel est le poids du Maghreb et particulièrement de l’Algérie aujourd’hui dans les enjeux géopolitiques mondiaux, sachant que les américains perdent du terrain en faveur des puissances émergentes comme la Chine, la Russie, l’Inde… ?

Le Maghreb dépend de moins en moins des puissances occidentales et est en train de nouer un partenariat stratégique avec la Chine et la Russie, notamment en ce qui concerne l’Algérie. C’est un pas indispensable à tout affranchissement.

6- Quel est votre pronostic sur l’évolution du combat de L’Amérique Latine. Peut-on s’attendre à un effet d’émulation sur d’autres régions du monde ?

L’Amérique latine a changé d’époque. On assiste à un extraordinaire renouveau politique du continent. Les peuples ont compris que les politiques néolibérales les avaient plongés dans une misère indescriptible. Les processus sont en train de se consolider au Venezuela, en Équateur et en Bolivie. Mais il ne faut pas sous-estimer le danger que représentent les élites qui refusent de se plier au jeu démocratique, comme l’illustre le cas du Honduras où sévit une dictature militaire depuis juin 2009, régime qui dispose du soutien officieux et tacite des États-Unis. L’avenir nous dira si la vague progressiste touchera les côtes des autres continents.

Interview réalisé par Fayçal Anseur
lamrani

Quitter la version mobile