France. Et revoilà Brice Hortefeux et ses fichiers…

Redaction

hortefeux Il n’en démord pas. Après la fronde collective qui s’était emparée de la France à l’annonce de la création et de la mise en place du fichier Edvige qu’il avait finalement été obligé d’annuler le 20 novembre dernier, voici les nouveaux nés du ministre français de l’Intérieur, Brice Hortefeux.

Il existe déjà de nombreux fichiers permettant de classer les individus. Citons par exemple le FNAEG (Fichier National Automatisé des Empruntes Génétiques, mis en place en 1998 grâce aux progrès de la science dans la police scientifique), le SIS (Système d’Information Schengen) qui comptait dans ses bases 200 000 véhicules, 69 000 armes ou encore 1 900 000 documents d’identités ou encore le FNIS (Fichier National des Interdits de Stade, crée en 2007 avec l’augmentation des actes de violence dans et en dehors des stades de football). En 2006, le ministère de l’Intérieur a même crée le fichier ELOI qui recense toutes les personnes en situation irrégulière sur le territoire (finalement lui aussi très contesté et supprimé un an après)

Alors pourquoi tant de révolte à l’apparition de nouveaux fichiers pourtant déjà assez nombreux ?

Le fichier Edvige

Il a été rapidement et presque unanimement condamné par la classe politique, mais également le mouvement associatif français. Il prévoyait, et c’était la première cause de la grogne, un fichage possible dès l’age de 13 ans. La CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) avait rapidement émis des réserves vis-à-vis d’un tel système, son président estimant qu’il s’agissait d’un « excès de fichage ».

La seconde cause était un fichage douteux des personnes en raison de leur opinions politiques, religieuses, mais également de leur orientation sexuelle, origine ethnique ou même leur état de santé. Ficher une personne fichée parce que atteinte d’une grave maladie ou parce que ses parents sont d’origine étrangère a effectivement un côté qui peut apparaître révoltant. Ainsi le 09 septembre 2008 le ministère de l’Intérieur avait annoncé envisager des modifications pour finalement annuler ce projet en novembre.

Les deux nouveaux fichiers: Edvige « bis » ?

Brice Hortefeux vient donc d’annoncer l’éventuelle ( c’est quasiment sur les roues) mise en place deux nouveaux fichiers en ayant pris en compte les contestations émises au sujet d’Edvige , et clamé « Edvige est mort, il n’est pas question de le remplacer ». Qu’en est-il réellement? L’origine ethnique ne sera plus mentionnée…mais sera par contre clairement écrite l’origine géographique, terme sans doute plus politiquement correct. Habile manière de jouer sur les mots qui n’a pas échappé à SOS Racisme dont le vice président a clairement exprimé son désaccord : « remplacer le critère « ethnie » par « origine géographique », c’est nous prendre pour des abrutis ».

Alors que se cache précisément derrière ces deux projets ?

Le premier nommé PASP (prévention des atteintes à la sécurité publique) sera consacré à la lutte contre les phénomènes de bandes et le hooliganisme. Les mineurs de moins de 13 ans pourront toujours y figurer, la seule différence avec Edvige étant la disparition du fichage des personnes syndiquées ou élus comme des personnes physiques ou morales ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatifs. En contrepartie les opinions politiques, religieuses, philosophiques seront elles bien présentes, alors qu’elles représentaient quasiment l’essentiel des critiques virulentes à l’annonce d’Edvige. Autre élément à ne pas avoir été modifié: le fichage systématique des proches ..ce qui promet une base de données pharaonique.

Le second fichier, nommé EALSP (Enquêtes Administratives Liées à la Sécurité Publique) sera réservé aux enquêtes sur les personnes souhaitant exercer des métiers dans la Police, la Gendarmerie, les aéroports ou autres endroits stratégiques sensibles.

Ces 2 décrets sont parus au journal officiel du 18 octobre.

Contrairement à l’épisode Edvige, la CNIL a donné son accord pour ce double projet. Mais la grogne persiste. Les associations ont l’impression d’avoir été trahies par ces contournements habiles de vocabulaire pour arriver au même résultat. La LICRA a elle été moins sévère et s’est juste montrée réservée sur le fichage des moins de 16 ans.

La classe politique s’est pour l’instant montrée assez discrète à ce propos. Le PS a simplement critiqué le fait qu’une décision si importante puisse être prise par un simple décret.

Mais c’est bien au sein de la population française que le débat fait rage. Si certains estiment que les personnes se prononçant « contre » soient forcément celles qui ont quelque chose à se reprocher, d’autres s’insurgent et crient au scandale. On peut légitimement se poser la questions des limites de la liberté, si une opinion religieuse ou philosophique entraine un fichage dans les ordinateurs de l’État. On peut également remettre en cause l’égalité, deuxième terme de la devise de notre nation, si certaines personnes sont fichées avec comme critère leur couleur de peau.

Quelque soit sa portée, cette nouvelle « affaire » a permis de faire oublier un peu le scandale « Jean Sarkozy » dont on se demande d’ailleurs si ses origines hongroises apparaitront dans ce nouveau fichier.

Vincent Pouyol

Des décrets publiés dimanche 18 octobre au Journal officiel portant création de deux nouvelles « bases de données » de police précisent le type de données qui peuvent y être recensées, ainsi que les dérogations possibles.

Dans la première, destinée à la « prévention des atteintes à la sécurité publique », figureront:

– Motif de l’enregistrement
– Photographies
– État civil
– Nationalité
– Profession
– Signes physiques particuliers et objectifs
– Adresses physiques et électroniques
– Numéros de téléphone
– Titres d’identité
– Immatriculation des véhicules
– Informations patrimoniales
– Activités publiques
– Comportement et déplacements
– Agissements susceptibles de recevoir une qualification pénale
– Personnes ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec l’intéressé (se limitant à leur identité, sauf si elles-mêmes présentent un risque d’atteinte à la sécurité publique).

En outre, « à titre dérogatoire et dans un cadre strict », selon une circulaire du ministère de l’Intérieur adressée dimanche aux préfets, pourront être indiqués:

– Signes physiques particuliers et objectifs « pris comme éléments de signalement » (tatouage, cicatrice, couleur de cheveux)
– Origine géographique ou appartenance à un même quartier
– Activités politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales

L’inscription dans cette base de données sera automatiquement supprimée trois ans après le dernier événement ayant donné lieu à son enregistrement pour les mineurs, et après dix ans pour les majeurs.

Dans la seconde, consacrée aux « enquêtes administratives liées à la sécurité publique », seront seulement enregistrés:

– Motif de l’enquête
– Photographies
– Etat civil
– Nationalité
– Profession
– Adresses physiques et électroniques
– Numéros de téléphone
– Titres d’identité

Pourra également, « à titre dérogatoire », être fait mention d’éléments à caractère politique, philosophique, religieux ou syndical si y est lié un comportement « incompatible avec l’exercice des fonctions ou missions envisagées ».
Des mineurs peuvent y être inscrits, s’ils ont plus de 16 ans et ont fait l’objet d’une enquête administrative les concernant directement dans le cadre d’une procédure de recrutement.
L’inscription sera automatiquement supprimée cinq ans après son enregistrement « quel qu’ait été le résultat, favorable ou non de l’enquête »

(Nouvelobs.com)