Plus la date des régionales approche, plus l’angoisse monte au sein de l’UMP, le parti majoritaire au gouvernement. Les français sont ronchons, ils en veulent à Sarkozy qui multiplie les promesses non tenues et les frasques « bling bling » qui font les choux gras de la presse nationale et internationale.
Le président français est en chute libre dans les sondages. C’est un mauvais signe pour la droite au pouvoir qui craint un vote sanction comme celui vécu aux dernières élections municipales et européennes qui a permis aux socialistes et aux verts de gagner du terrain.
Du coup, Sarkozy revisite son scénario de campagne de 2007 pour les présidentielles et tente de le remettre au goût du jour pour les régionales.
A l’époque où il occupait le poste de ministre de l’intérieur, « le premier flic de France », Sarkozy réussit à séduire l’électorat du Front National par un discours sécuritaire et réactionnaire. Le résultat tout le monde le connaît : quelques mois après, il se fait élire Président de la République grâce aux voix de l’électorat lepéniste qui s’est fondu dans un parti plus « présentable », mais sans rien perdre de sa nature raciste et xénophobe.
Un débat aux relents de Vichy
A mi-mandat, Sarkozy perd de son aura et devient impopulaire. Alors il ressort son concept de « la droite décomplexée » pour les régionales. Son idée phare : un débat sur « l’identité nationale française ». Qui est français et qui ne l’est pas ? Consigne de Sarkozy à ses lieutenants dont son ministre Eric Besson : « Allez y à fond la caisse… je veux du gros rouge qui tache » (comprendre : ciblez les milieux populaires).
Ce cri de guerre donne de l’assurance aux partisans du président. Depuis les dérapages verbaux se succèdent et la surenchère nationaliste enfle à qui mieux mieux. (1)
Sans surprise, le premier à être passé à l’offensive c’est le ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux avec sa triste blague raciste sur les arabes qui, après quelques remous, est passée comme une lettre à la poste.
Inconnu au bataillon, le député UMP André Valentin et maire d’un petit village de la Meuse, où vraisemblablement il n’y a pas âme arabe qui y vive, lui emboîte le pas et prévient à son tour les braves français de ce nouveau danger qui risque de les « bouffer » et qui l’identifie en la personne de « l’immigré », dix millions de fois nuisible.
Toujours sur le même ton accusateur, la secrétaire d’Etat chargée de la Famille et de la Solidarité, Nadine Morano, vient de brosser le profil « sarkozysé » du« bon musulman français ». « Moi, ce que je veux du jeune musulman, quand il est français, c’est qu’il aime son pays, c’est qu’il trouve un travail, c’est qu’il ne parle pas le verlan, qu’il ne mette pas sa casquette à l’envers » déclare-t-elle deux jours après la profanation d’une mosquée dans le Tarn.
Des arabes pour la figuration
Après ce discours « paternaliste » de Morano, Fadela Amara, la secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville, n’a qu’à bien se tenir et soigner son langage familier, si elle tient à garder sa voiture avec chauffeur et son poste au gouvernement.
Nommées dans le gouvernement pour incarner la politique d’ouverture de Sarkozy, les deux arabes, Rachida Dati et Fadéla Amara, et l’africaine Rama Yade, ne représentent en fait que leurs propres intérêts dès lors qu’elles servent davantage d’alibis consentants, représentatifs des minorités visibles, qu’une réelle volonté de changement.
Pendant ce temps, la France de Sarkozy continue à « exhaler des relents nauséabonds d’une France à la Vichy particulièrement indigeste », regrette la belle Isabelle Adjani.
Hier, dans la France du Maréchal Pétain, c’était la faute aux juifs, aujourd’hui dans la France de Sarkozy, c’est l’arabe, le musulman, l’immigré, qui sert de bouc émissaire.
Fayçal Anseur
(1) Quelques commentaires d’internautes,censurés sur le site dédié par le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale au débat sur « l’identité nationale française »
Ça commence mal pour le débat sur l’identité nationale. Vingt-quatre heures après le lancement du volet online de la consultation, des internautes se plaignent de censure sur le site dédié par le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale. En fin de matinée, ce mardi, deux riverains, frustrés, ont alerté Rue89.
La première s’appelle Agnès Lenoire, elle est enseignante et tient Doutagogo, un blog que je cite régulièrement. Ce matin, sur le coup de 9h30, elle a fait plusieurs tentatives pour poster un commentaire sur ce que le gouvernement valorise comme son « outil participatif ».
Raté : à 13 heures, toujours pas l’ombre du message sur le site. Alors que sa contribution n’avait pas grand chose de diffamatoire qui justifierait quelque modération à la hâche :
« Bonjour,
Réfléchir à une identité nationale hypothétique, c’est faire le lit du nationalisme, en douceur, l’air de rien. Notre identité est toute personnelle, toute intérieure, et si elle devait s’apparenter à autre chose qu’à l’intime, ce serait à l’Europe.
Ce débat-là s’oppose à l’idée de l’Europe qu’on a essayé de faire passer au moment de voter sa constitution. Maintenant que c’est acquis, on nous organise un joli petit repli sur nous-mêmes. On n’est plus à une contradiction près dans ce pays.
Cordialement, Agnès. »
« Pour moi, être français c’est avoir honte de la politique d’immigration »
Quoique poli et en bon français, le message sera donc passé à la trappe. Idem pour quatre messages successivement envoyés par un autre lecteur de Rue89, Vincent. Ses tentatives infructueuses remontent à hier, lundi 2 novembre. Il a passé l’après-midi sur le site, et tenté plusieurs envois entre 16 et 18 heures, le jour du lancement du site. En vain également.
J’ai pu consulter son tout premier message, qui racontait l’histoire de sa copine, thésarde étrangère en proie aux galères administratives. Qui s’élevait aussi contre la récupération politique de l’idée d’identité nationale. Deux extraits pour vous laisser mesure que son texte, même s’il est peu flatteur, était sobrement troussé :
« Je me souviens que lorsque j’étais à l’école primaire, on nous apprenait ce que c’était que l’Europe et que d’être européen aujourd’hui.
Je pense que cette question est beaucoup plus pertinente que la question de l’identité de la France, qui même en matière de politique d’immigration, la raison d’être du charmant ministère à l’origine de ce pataquès, n’a aucune suffisance aujourd’hui en soi par rapport à l’Europe. »
==« Tout d’abord je pense que ce “débat” n’en ait pas un et n’a aucune raison d’être au delà d’une stratégie pré-électoraliste de manipulation de l’opinion. J’espère que le nombre de messages formulant cet avis sera communiqué en plus du nombre de message postés afin de ne pas détourner l’opinion de chacun.
Pour moi, être français c’est avant tout avoir honte de la politique en matière d’immigration de mon pays. Cette politique me fait honte, au delà du traitement extrêmement choquant réservé aux réfugiés et immigrés en transit ou en attente de régularisation. »
« Cinquième message, merci de ne pas le “modérer” »
Raté aussi pour Vincent : nulle mention de son message et des tentatives suivantes sur le site dans lequel comme vous pourrez le constater vous-même. C’est seulement à sa cinquième tentative, et après avoir largement expurgé son texte que notre riverain finit par se trouver en ligne. Le voici pour info :
« Cinquième message, merci de ne pas le “modérer”… Trouvez-vous normal que les messages de modérer les messages ainsi ? Je souhaite simplement apporter mon opinion.
Je souhaitais dire que je trouve très effrayante cette question de l’identité nationale et que cela me renvoie aux difficultés régulièrement éprouvées par ma copine coréenne et étudiante en thèse pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour.
Le traitement des étrangers en France me choque et je pense qu’aucune idée de la nation ne peut justifier cela.
Sinon, je me souviens que lorsque j’étais à l’école primaire, on nous apprenait ce que c’était que l’Europe et que d’être européen aujourd’hui. Je pense que cette question est beaucoup plus pertinente que la question de l’identité de la France, qui même en matière de politique d’immigration, la raison d’être du ministère à l’origine de ce “débat”, n’a aucune suffisance aujourd’hui en soi par rapport à l’Europe. »
Vous pourrez certes me dire que son ultime message a bien été publié, malgré sa tonalité plutôt sceptique. Mais il n’empêche que Vincent a bien l’impression d’avoir été blacklisté tant qu’il était plus critique.
« Serais-je encore français si je n’adhère pas à la définition “
Etrangement, plusieurs messages figurent sur le site, qui racontent des histoires de censure du même accabit. Exemple avec Kamik59, à 16h51 mardi 2 novembre :
‘Dixième tentative pour exprimer mon point de vue sur ce débat… l’espérance et la persévérance française (merci au ministère pour ses modérations).
Oui je suis français… comme 62 millions de personnes. Oui je me sens français mais je ne sais pas le définir. Ai-je envie de définir l’identité nationale française ? Non. Pourquoi ? Parce que cela reste un sentiment, une sensation et je ne veux pas qu’une définition de l’identité nationale m’enlève ce sentiment.
Serais-je encore français si je n’adhère pas à la définition ? Aura-t-on le droit de m’enlever mon identité française si je vais à l’encontre de cette définition ? Un débat c’est bien, son utilisation politique c’est dangereux.’
Commentaires racistes.
« La nationalité française a été attribuée à tout va. La France est devenue une colonie de l’Afrique de façon irrémédiable ».
« Avant la France avait des colonies, maintenant elle est colonisée ; le droit du sol et l’invasion essentiellement maghrébine viendront à bout d’un sujet qui ne fera plus l’objet d’un débat dans 1 ou 2 décennies car notre identité propre aura complètement disparu, il suffit de regarder la sortie des écoles pour s’en rendre compte […] Charles Martel reviens, vite ! »
« Ce qui me peine beaucoup, c’est d’attirer tous ces étrangers qui profitent du social, ces gens là ne travaillent pas !! »
« Pourquoi ne pas organiser un référendum sur la question de l’islamisation rampante de notre société? »
« Les incidents qui se multiplient concernent pratiquement toujours les communautés africaines et musulmanes. »
« Etre français, est-ce être con au point de laisser venir encore plus d immigrés économiques […] Subissez, métisséz vous, convertissez vous, et abandonnez vous, voila le message des élites, et ce grand debat nen est plus un ».
« La RECIPROCITE entre pays est indispensable pour les flux migratoires. Comment accepter l’islamisation à marche forcée de l’Europe et que l’apostasie soit punie de mort dans de nombreux pays arabes Les musulmans ont déjà 54 pays ! »
« Si l’on est Français de longue lignée ancestrale de France ( l’hexagonne ) , on ne peut que s’indigner et résister à la perte d’une identé Française ( Européenne , Chrétienne , faite de vingt siècles de luttes , de souffrances ,de labeur et de génie ) ayant pour causes [notamment] l’immigration massive , y compris celle venant des DOM-TOM , des soixante dernières annèes , véritable invasion »
« C’est être fort du patriotisme de nos ainés qui ont refusé l’invasion. C’est vouloir garder notre culture, nos traditions. Refuser de les métisser par l’apport que veut faire une catégorie de personne en imposant des dogmes religieux […] C’est vouloir que nos enfants grandissent sans craindre qu’ils soit obligés un jour de porter le voile ou la barbe »
« Arrêt à cette invasion d’immigrés, bientôt la France perdra son identité, l’immigration n’a pas été voulu par le peuple, mais par des politiques inconcients, vivre sur le territoire en harmonie »
Avec Mediapart et Rue89