L’opposition de gauche a commémoré lundi le cinquantième anniversaire de la répression meurtrière d’une manifestation d’Algériens le 17 octobre 1961 à Paris, un « crime » jamais reconnu officiellement par l’Etat français.
Le premier geste du candidat officiel du Parti socialiste à l’élection présidentielle de 2012, François Hollande, a été de jeter une rose dans la Seine depuis le pont de Clichy, en hommage aux Algériens tués cette nuit-là alors qu’ils défilaient pour réclamer l’indépendance de leur pays, déclarée en 1962.
Le maire de Paris Bertrand Delanoë a pour sa part déposé une gerbe de fleurs à l’angle du pont Saint-Michel, en face de la préfecture de police de Paris, en compagnie de l’ambassadeur d’Algérie en France, Missoum Sbih. En 2001, il avait dévoilé une plaque commémorative au même endroit.
« Il y a eu un crime terrible le 17 octobre 1961 à Paris, ici-même (…) cela a été fait avec soit la passivité, soit la décision des autorités politiques de la France, donc il faut savoir regarder son passé avec courage et honnêteté », a-t-il déclaré.
Une vingtaine de manifestations sont prévues lundi dans toute la France pour commémorer la nuit du 17 octobre 1961. Dimanche, la ville de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, a renommé l’une de ses artères « Boulevard du 17 octobre 1961 ».
« On peut enfin parler de choses douloureuses, on peut enfin commencer à faire le deuil sur cet événement », s’est réjoui Mehdi Lallaoui, président de l’association Au nom de la mémoire.
« Ça témoigne d’une prise de conscience citoyenne qui participe du devoir de mémoire », a confirmé l’ambassadeur Missoum Sbih.
Mais de nombreuses associations déplorent que 50 ans après les faits, l’Etat français n’ait toujours pas reconnu sa responsabilité dans cette répression qui aurait fait, selon les estimations, entre 48 et 300 morts.
UNE PROPOSITION AU SÉNAT
« Je ne demande pas la repentance, la reconnaissance, c’est tout », a dit à Reuters Mohamed Ghafir, responsable du mouvement indépendantiste algérien pour la rive gauche de Paris à l’époque.
Pierre Tartakowsky, président de la ligue des droits de l’homme, a dit n’avoir « qu’un seul regret, c’est de constater que le gouvernement ne dit mot, et n’éclaire pas ce qui doit être éclairé ».
« On ne construit pas la démocratie (…) sur l’oubli ou sur le mensonge », a-t-il déclaré.
Plusieurs maires socialistes de la région parisienne et Europe-Ecologie les Verts appellent ainsi l’Etat à reconnaître sa responsabilité. David Assouline, sénateur socialiste de Paris, entend présenter au Sénat une demande en ce sens.
Une pétition a par ailleurs été signée par plus de 100 personnes, dont l’ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard.
Le 17 octobre 1961, à l’appel du mouvement indépendantiste algérien, entre 20.000 et 30.000 Algériens marchent dans Paris pour protester contre le couvre-feu imposé aux travailleurs algériens par le préfet de Paris, Maurice Papon. Nombreux sont ceux qui viennent des bidonvilles de la banlieue parisienne.
S’ensuit une répression policière d’une grande violence.
La police aurait tiré à balles réelles et jeté des hommes dans la Seine, selon de nombreux témoignages. Environ 12.000 manifestants sont interpellés et regroupés dans des enceintes sportives, où certains auraient été torturés.
Aujourd’hui, si les commémorations se multiplient, elles divisent encore le corps politique. Jean-Christophe Fromentin, maire de Neuilly, a ainsi rejeté la demande de six communes des Hauts-de-Seine, des Yvelines et du Val d’Oise d’organiser une cérémonie sur le pont de Neuilly.
Reuters