Fraternité, vous avez dit fraternité ?

Redaction

dése Quel sens donner à la fraternité arabe aujourd’hui ? a-t-elle déjà existé par le passé ? Pourra-t-elle constituer en soi un élément moteur pour un quelconque projet d’avenir (politique, économique, social et culturel) unifiant les peuples qui composent cette aire géographique qui s’étend du golfe « arabique » à l’océan atlantique ?

L’histoire des peuples se construit et s’écrit le long des siècles à travers leur vivre ensemble et les valeurs qu’ils partagent où qu’ils finissent par partager. Cet héritage est nourri par les apports des uns et des autres au patrimoine commun. A la seule condition bien entendu que cette transmission se fasse selon des règles bien établies et surtout efficaces.

Depuis un peu plus de 60 ans, les Arabes, au sortir de la seconde guerre mondiale, ont essayé à se doter d’instruments politiques qui leur permettraient de réaliser le vieux rêve, qui à défaut de faire renaître la mythique Oumma islamique « abrogée » par un décret de Kamal Attatürk, en 1923, réaliserait l’ « union » d’Etats partageant en principe l’usage de la langue du dhad, une histoire commune et une religion unique.

Dans une atmosphère marquée par la guerre mondiale et le partage des zones d’influences et pour contrecarrer la propagande nazie en direction des opinions arabes hostiles au britanniques, Londres favorise en sous-main, au Moyen et Proche-Orient, l’émergence d’une « unité arabe ». Cette « généreuse » idée voit son aboutissement en 1944 avec la création de la Ligue des Etats Arabes par sept pays indépendant à cette date : l’Égypte, la Syrie, l’Irak, la Jordanie, l’Arabie Saoudite, le Liban et le Yémen.

A retenir !

L’histoire des peuples se construit et s’écrit le long des siècles à travers leur vivre ensemble et les valeurs qu’ils partagent où qu’ils finissent par partager.

Mais, dès sa naissance, la ligue connut ses premières divisions. Les intérêts des uns et des autres ne sont pas toujours convergents, d’autant plus qu’à l’échelle mondiale se mettait alors en place la politique des blocs et chaque régime arabe essaie de défendre ses propres intérêts en s’appuyant sur telle ou telle capitale occidentale : Londres et Washington en l’occurrence puis Moscou par la suite.

En 1952, avec l’avènement de Gamal Abdelnasser, le grand frère Égyptien réussit à imposer aux autres pays arabes une organisation où à chaque fois, il s’agissait pour les autres États membres de se positionner par rapport aux décisions du Caire. Cela n’empêchera pas la naissance de conflits qui ne s’arrêteront même pas lors des guerres contre Israël (1967 et 1973). Le clivage est fort clair entre républiques et monarchies.

Avec la décolonisation et les indépendances des années 60 et 70 (Maroc, Tunisie, Algérie, Mauritanie, Émirats Arabes, Koweït, Bahreïn, Oman et Qatar), la ligue s’élargit mais cela n’empêche pas les conflits entre nouveaux États indépendants de se déclencher (Algérie-Maroc, Maroc-Mauritanie, Tunisie-Libye, scission du Yémen, …)

Par la suite, les conflits militaires s’estompent pour laisser émerger d’inextricables conflits politiques qui connaîtront leur paroxysme avec la signature du traité de paix égypto-israélien à Camp David en 1977. Le grand frère est alors banni de la Ligue : un front du refus réussit à exclure l’Egypte malgré la molle position des monarchies. Le siège de la ligue fixé au Caire est déplacé à Tunis.

L’Égypte reviendra sur la scène en 1990 avec l’appui de ces mêmes monarchies.
La suite est plus proche de nous : il y eut ce qu’on appela la première (après l’invasion du Koweït par les troupes irakiennes) et deuxième guerre du golfe (pour empêcher l’Irak de détenir des « armes de destruction massif »). Et là également les frères étaient divisés et en rangs dispersés.

Sur le plan économique, les échanges interarabes demeurent insignifiants malgré une certaine répartition de la rente pétrolière et gazière dont bénéficient indirectement certains pays « exportateurs » de main d’œuvre telles l’Égypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, le Soudan.

D’autres expériences se déployant sur un plan régional ont été tentées. Les unes ont réussi telle le Conseil de Coopération des Pays du Golfe (CCG) et les autres présentent des bilans mitigées ou sont carrément bloquées comme l’Union du Maghreb Arabe (UMA). Pour sa part, la Libye se tourne vers l’Afrique sans succès.

La fraternité et l’union arabe ne peuvent se fonder et se matérialiser dans des relations platoniques entre les populations de ces pays, elles ne se décrètent pas non plus par les tenants des pouvoirs.
Comme toutes choses en partage elles doivent êtres concrètes, avoir un sens et crée ce sens. Et cela ne peut devenir réalité qu’avec un assentiment populaire réel qui ne peut provenir que d’une société démocratique dont les peuples sont souverains de choisir en commun leur destin en toute liberté. (Pour revenir à l’état de mobilisation des publics algériens et égyptiens lors de la dernière rencontre de football, il faut signaler que les foules n’ont jamais constitué une opinion constitutive d’un état d’esprit ou d’un projet commun ni l’hystérie un mode de communication et d’échange démocratique).

Il faut reconnaître que l’état du monde arabe est loin de montrer une quelconque disposition à des changements radicaux allant dans le sens de ce besoin humain d’acceptation de l’autre fut-il son « frère » à commencer par les régimes qui les premiers refusent de partager le pouvoir qu’ils détiennent par la violence.

En attendant le messie pour les unifier, les Arabes font toutes l’attention des puissances occidentales qui chacune en fonction de sa proximité idéologique et ses intérêts surtout économiques et géostratégiques tente de « fédérer » cet ensemble dans une aire géopolitique : le projet américain Grand Moyen-Orient (GME project), l’Union Pour la Méditerranée (projet cher à Nicolas Sarkozy) pour l’Union Européenne et l’initiative sur la gouvernance et l’investissement pour le développement du Moyen Orient et l’Afrique du Nord (MENA) pour l’OCDE.

Dahou Ezzerhouni

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