Gaza : des organisations portent plainte pour "crimes de guerre" devant la CPI

Redaction

Quatre-vingt-dix organisations, essentiellement françaises et beaucoup pro-palestiniennes, vont déposer, mercredi 14 janvier devant la Cour pénale internationale (CPI), une plainte pour « crimes de guerre » visant l’offensive israélienne à Gaza. Interrogé par Le Monde.fr, Me Gilles Devers, l’avocat lyonnais qui a rédigé le document, revient sur cette initiative.

Sur quels éléments vous appuyez-vous pour caractériser les crimes de guerre commis par l’armée israélienne ?

L’article 8 du traité qui a institué la CPI définit le crime de guerre comme le fait de causer intentionnellement des grandes souffrances ou de porter atteinte à l’intégrité physique des personnes civiles, et de se livrer à la destruction des biens non justifiée par une nécessité militaire et effectuée à grande échelle. Il faut savoir que le crime de guerre ne peut pas être justifié par l’agression reçue, même si les tirs de roquettes peuvent constituer en eux-mêmes des crimes de guerre.

A partir de là, deux éléments entrent en compte. D’abord, le caractère disproportionné de l’offensive israélienne. C’est un aspect qui a été évoqué lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU dès le 31 décembre et reconnu par plusieurs Etat membres. L’autre élément, c’est la nature des atteintes portées contre les populations et les biens civils. On sait que les femmes, les enfants et les vieillards constituent près de la moitié des victimes. La part des combattants tués est minoritaire. Par ailleurs, l’armée israélienne a plusieurs fois visé des locaux gouvernementaux ou civils comme des mosquées, des clubs de sports ou l’immeuble de la télévision.

Comment comptez-vous poursuivre des citoyens israéliens, sachant que l’Etat hébreu n’a pas ratifié le traité instaurant la Cour pénale internationale ?

Cela rend évidemment les choses beaucoup plus difficiles. Mais beaucoup de soldats israéliens possèdent la double nationalité. Si un Israélien est mis en cause dans des massacres relevant de crimes de guerre possède également la nationalité française, il peut faire l’objet d’une poursuite. Dans ce cas, le procureur de la Cour pénale ouvre une enquête pour étudier les informations qui lui ont été transmises. S’il conclut qu’il existe une « base raisonnable », il fait une demande d’autorisation d’enquête. Mais attention : la CPI ne peut mettre en cause que des personnes et non des Etats.

Il y a une autre possibilité. Le Conseil de sécurité a la possibilité de saisir lui-même le procureur, s’il estime que le crime remet en cause l’ordre international. L’ONU peut également créer des tribunaux spéciaux. C’est très improbable compte tenu des équilibres internationaux. Mais nous avons quand même déposé hier une demande à l’Elysée pour que la France, qui préside le Conseil de sécurité de l’ONU, prenne ses responsabilités. [La délégation comprenait notamment le MRAP, l’Union juive française pour la paix et le collectif Résistance Palestine.]

Envisagez-vous d’autres actions ?

Nous allons demander un recours en annulation au tribunal de première instance pour la communauté européenne contre la signature des accords de rehaussement entre l’Union européenne et l’Etat hébreu. Ces accords, verbalement liés au processus de paix et au respect des droits humains, visent à renforcer la coopération politique et économique. Nous ferons la démarche dans le courant de la semaine prochaine. Nous mènerons également des procédures individuelles concernant les victimes françaises des crimes actuels à Gaza, étant donné que le juge français est compétent dès lors que la victime est française. Nous essaierons de centraliser les demandes, mais cela dépendra des familles.
Propos recueillis par Elise Barthet

Articles de Elise Barthet publiés par Mondialisation.ca
Avis de non-responsabilité : Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles du Centre de recherche sur la mondialisation.

Pour devenir membre du Centre de recherche sur la mondialisation

Le Centre de recherche sur la mondialisation (CRM) accorde la permission d’envoyer la version intégrale ou des extraits d’articles du site www.mondialisation.ca à des groupes de discussions sur Internet, dans la mesure où les textes et les titres ne sont pas modifiés. La source doit être citée et une adresse URL valide ainsi qu’un hyperlien doivent renvoyer à l’article original du CRM. Les droits d’auteur doivent également être cités. Pour publier des articles du Centre de Recherche sur la mondialisation en format papier ou autre, y compris les sites Internet commerciaux, contactez: [email protected]

www.mondialisation.ca www.mondialisation.ca contient du matériel protégé par les droits d’auteur, dont le détenteur n’a pas toujours autorisé l’utilisation. Nous mettons ce matériel à la disposition de nos lecteurs en vertu du principe « d’utilisation équitable », dans le but d’améliorer la compréhension des enjeux politiques, économiques et sociaux. Tout le matériel mis en ligne sur ce site est à but non lucratif et est mis à la disposition de tous ceux qui s’y intéressent dans le but de faire de la recherche ainsi qu’à des fins éducatives. Si vous désirez utiliser du matériel protégé par les droits d’auteur pour des raisons autres que « l’utilisation équitable », vous devez demander la permission au détenteur de ces droits.

Lemonde.fr 13 01 2009