Par Nassim Brahimi
Ce début de semaine a été plutôt houleux chez-nous, avec le déclenchement d’une polémique pas évidente à déceler, qui pourrait se résumer à la question suivante: Etes-vous manifs ou, plutôt, pas nif?
Dans les deux cas, vous-risquez, à coup sûr, de vous casser le nez soit par une matraque, soit par un sentiment culpabilisant de «mini-devoir» abandonné.
Les peuples arabes veulent exprimer leur colère et indignation, démontrer leur détermination et révéler à leurs dirigeants ce qu’ils savent déjà, c’est-à-dire qu’ils ne sont que le prolongement du zéro.
Mais, en Algérie, les marches de colère ont eu tout un autre goût, politique en l’occurrence – comme d’habitude d’ailleurs – imposé non pas par les manifestants, mais par une série d’intrus qui récupère en dénonçant la récup.
On peut aisément déduire que ce qui inquiète le plus, ce ne sont pas les marches sans démarches, ni la massive participation des barbues qui angoissent (à tort) notre inconscient collectif.
La vraie peur qui se manifeste est celle de constater à quel point les mesures répressives peuvent devenir, d’un seul coup, caduques et franchissables, quand le peuple le veut, ou quand un Cheikh en fait l’appel dans son prêche.
L’aveuglement de ceux qui sont contre les marches, à trop vouloir diaboliser l’expression populaire, les empêche de poser le vrai problème de ce pays, sans prétendre à pouvoir le traiter.
Car, si El Qaradawi a tant d’influence sur nos concitoyens, c’est que ceux qui devraient jouer son rôle n’ont aucune légitimité ou crédibilité pour le faire.
A commencer par les partis politiques – ou plutôt les concentrations de rentiers – qui oublient souvent d’être un canal d’expression citoyenne, pour se résumer à n’être qu’un ruisseau de diffusion populiste.
En marchant pour soutenir Gaza, le peuple rend un immense service au système, car il aurait très bien pu marcher contre d’autres raisons internes bien plus dérangeantes ; la multiplication des salaires de nos chers représentants, par exemple.
C’est la catharsis qui soulage la cocote et empêche le débordement intraitable par n’importe quel déclencheur : un match de foot, par exemple.
On peut même exprimer notre honte pour moins que ça, en lisant la liste des sept premiers candidats à la candidature, par exemple.
Où pire, organiser un immense rassemblement populaire pour éclater un rire synchro sur la campagne de sensibilisation sur les bienfaits d’aller poster une lettre au bureau de vote, puis attendre son arrivée, quelques siècles après.
Enfin, les raisons ne manquent pas pour justifier la marche du peuple.
Les Algériens l’ont fait pour Gaza.
A trop vouloir les blâmer, ils risqueront de le faire pour autre chose.
Courage Gaza.