Hors la loi: Un film, un pays et un son de cloche

Redaction

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Comme il semble original étant algérien de réaliser un film retraçant un pan de l’histoire ! Une nouveauté après quarante huit années d’autonomie méritée, la virulence des commentaires que ce long métrage a provoqués feraient presque croire que cet homme à présent libre est encore colonisé. Il est vrai que sa parole d’évangile ou ses actes culturels ne peuvent logiquement être encensés sur le territoire sacré de son ex colonisateur. L’adresse du cinéaste algérien à vouloir être le premier du genre à entrer dans le Panthéon des faiseurs d’images est une grande maladresse aux yeux de ceux qui pensent détenir le droit de disposer.

L’un et l’autre, à l’instar d’un duel au Far West, ont dégainé trop vite ou ont tiré plus vite que leur ombre. Loin des indifférences, les passions s’enchaînent et se déchaînent entre deux peuples qui à la fois s’aiment et se haïssent. Il n’est pas besoin d’attendre de visionner le film pour se donner raison, il suffit d’aller lire les commentaires venimeux pour voir à quel point les différences sont profondes et qu’elles subsisteront encore longtemps dans les cœurs.

On peut dire que depuis 1962, les formules d’animosités prodiguées par les hexagonaux vis-à-vis de leurs Co-patriotes des rives opposées de la Méditerranée n’ont guère changées pour ne pas dire évoluées. Sans prendre de gants aucun, le sentiment d’intrusion, de rejet voire de dégoût demeure bien enraciné. On découvre tristement des propos du genre, je transcrits : « …nous dirait-il, par exemple, ce qu’était le territoire qui allait devenir l’Algérie avec notre arrivée ? …la France a construit l’Algérie, et non les Algériens, çà c’est un fait réel, Alger la Blanche, Oran, Constantine ou autres villes, les ports, les aéroports, les routes, les écoles, les dispensaires et hôpitaux, qui a mis sur pied l’agriculture et l’économie de l’Algérie ! …ce film est financé avec l’argent du contribuable français ! …il est sous couleurs algériennes ! … Jamel Debouze doit sa fortune aux spectateurs français ! … Je suis pour la suppression de la double-nationalité sauf pour les pays membres de l’Union européenne ! … et puis ce monsieur (Bouchareb), il vit en France, ce qu’il me semble, un peu de décence ! … nous aurions été de méchants colonialistes et pourtant de nombreux immigrés ou français d’origine algérienne vivent chez nous ! ». Et d’autres de répondre : «…je remercie ceux qui en France ont financé ce film, car cette fiction donne un angle de vision qui nous change du rapport des armées françaises, obligatoirement partisan, et réducteur.

L’histoire ne s’écrit pas à une main ! …qui a donc intérêt à ainsi entretenir, voire aggraver des relations déjà si difficiles entre ethnies tellement éloignées, encore imprégnées d’un ressentiment belliqueux et colonial ? … Si vous êtes gênés par ce film, vous n’avez qu’à demander l’ouverture des archives sur la colonisation et la guerre. Les Algériens sont prêts à confronter la réalité, c’est la France qui refuse d’ouvrir les archives ! … La guerre est finie depuis presque 50 ans et la majorité des français n’étaient pas encore nés en 1962. En tous cas, les Algériens sont moins enragés que vous à ce sujet ! … Que dire du pays des droits de l’homme qui a envahi pendant des siècles la moitié de l’Afrique ? Le peuple algérien a juste réclamé son dû, à savoir sa souveraineté ! Etc. ». Fin de transcription.

L’histoire franco-algérienne ne commence-t-elle à s’écrire que lorsque des hommes autres que les historiens daignent s’y consacrer et arrivent à traverser les esprits? Ces hommes proches des masses qui, en un livre, ou le temps d’un film ont les dispositions de bousculer l’intérêt général et de provoquer l’effervescence nécessaire pour mettre sur table ce que les politiciens n’ont pas su dresser! Encore faut-il que ces artistes ne soient pas vite considérés comme des opportunistes en mal d’inspiration et par ce fait usent de sujets sulfureux pour récolter une notoriété facile. D’une manière ou d’une autre, on trouvera toujours quelque chose à dire, laissera-t-on donc ces acteurs agir au rythme de leur destinée ?
Pour ce qui concerne la tragédie algérienne, la seule politique qui siérait à présent entre les protagonistes de l’histoire de la colonisation est celle de l’autruche.

Il y a parfois des silences qui apaisent et apportent avec le temps la concorde et la communion. Le drame est si compliqué, un tel film ne peut apporter un quelconque traitement de part et d’autre des cœurs meurtris ! La génération de l’Algérie-française est encore vivace comme en témoignent les nombreuses associations ainsi que les sites qui illustrent une nostalgie bien poignante qui ne peut d’âme humaine être indifférent.

Ces gens-là connaissent aussi bien l’Algérie que nous, ils la magnifient d’une telle ardeur que cela nous ferait envie de l’entrevoir sous des cieux limpides et sans fumée. Quand à ceux qui ne connaissent de l’Algérie que le Beur d’à côté qui fait tâche de sa méprisable présence, qu’ils aillent s’informer comment des villes arabes se sont construites en l’absence de colonisateurs. A l’instar des villes des pays du monde, l’Algérie, de par une culture ininterrompue, aurait pu être construite par ses propres architectes et par là même user de la main d’œuvre qui a servi à construire Alger la blanche, Oran, Constantine etc.

En attendant les métissages se multiplient jusqu’à une période future où les partisans de la Nostalgérie se seront à jamais évanouis, les avis auront enfin la couleur passée qui permettra aux auteurs de ce sujet d’en discourir avec la raison que demande l’histoire.

A.Ouadda