L’Union du Maghreb Arabe, un bilan mitigé (+vidéo)

Redaction

L’Union du Maghreb Arabe (UMA) été créée le 17 février 1989 à Marrakech, mais depuis le bilan de l’intégration économique est mitigé. Or, l’intégration économique du Maghreb au sein de l’espace euro-méditerranéen et arabo- africain est une urgence de l’heure car les effets de la crise d’octobre 2008 augurent de profonds bouleversements géopolitiques et socio-économiques entre 2015/21020. Ce n’est pas une utopie mais une exigence économique et historique.

I- Les indicateurs socio-économiques : des résultats décevants

1.1-PIB par tête en 2008 des pays du Maghreb

Selon le FMI, le PIB Algérie par habitant en 2008 est de 4 041 dollars US (8649 US$ en parité de pouvoir d’achat). En Tunisie, le PIB par habitant en 2008 est de 3 759 dollars (7938 US$ en parité de pouvoir d’achat). Au Maroc, le PIB par habitant en 2008 est de 2720 US$ (4 385 US$ en parité de pouvoir d’achat). Pour la Libye signalons que c’est le seul pays de l’Afrique a avoir été classé dans l’indice du développement humain parmi les pays développés (indice 0,83) témoignant d’une parité du pouvoir d’achat élevé dans le rapport du PNUD du 04 octobre 2009 et un PIB par tête d’habitant de 14200 dollars US alors que le pays le plus pauvre, la Mauritanie avec environ 1012 dollars par tête d’habitant se retrouve vers la fin classement dans l’indice du développement humain IRH

1.2-Produit intérieur brut en 2008 à prix constants

Le PIB Algérie est estimé à 160 milliards de dollars pour une population de 33,1 millions en 2008 dont 45/50% hydrocarbures. Quant au Maroc le PIB est de 87 milliards de dollars pour une population de 31,2 millions, la Tunisie PIB 41 milliards de dollars pour une population de 10,4 millions d’habitants, la Libye PIB 87 milliards de dollars en majorité hydrocarbures deuxième producteur de pétrole en Afrique derrière le Nigeria et devant l’Algérie, avec plus de 1,7 millions de baril jour devant passer fin 2011 à 3 millions pour une population d’environ 2008/2009 de 6,3 millions d’habitants et enfin la Mauritanie PIB 3,16 milliards de dollars pour une population de 3,37 millions. Le total du PIB du Maghreb arabe en 2008 et idem pour 2009 ne dépasse pas 380 milliards de dollars, montant dérisoire comparé au PIB d’un petit pays comme la Corée du Sud qui dépasse 1.100 milliards de dollars, du Japon plus de 4800 milliards de dollars pour une population légèrement supérieure d’environ 127 millions d’habitants, sans compter le PIB des USA d’environ 14.545 milliards de dollars, de l’espace économique européen dont le PIB dépasse 18.285 milliards de dollars pour la même période ou les exportations allemandes annuelles supérieures à 1.500 milliards de dollars.

2.3- Pour les exportations et les importations des pays du Maghreb

Pour 2008 l’Algérie a exporté pour 78,23 milliards de dollars dont 98% d’hydrocarbures et les importations de 39,16 milliards de dollars avec le montant presque équivalent pour 2009 ( baisse de 0,95% par rapport à 2008 ), le Maroc les exportations ont atteint 20,60 milliards de dollars et 23,23 pour les importations et la Tunisie exportation de 19,22 milliards de dollars et importation de 23,23. Quant à la destination, l’Algérie exporte sur le marché européen environ 62% et importe environ 60%, le Maroc exporte également 60% de ses échanges avec l’Europe, tandis que la Tunisie le taux atteint 78% et le Maroc Tunisie importent plus de 72% à partir de ce même marché.

II- Dépasser la vision étroite des micro- États suicidaire pour les pays du Maghreb

2.1- Une région frappée par une récession relative

Le volume global des échanges entre les États membres du Maghreb est très faible, ne dépassant pas 3 pour cent moyenne 2008/2009, celui entre les pays arabes 6% et le commerce intra-africain ne dépassant pas 10% dont pour l’Algérie 1% de ses échanges. Aussi entre les discours et la réalité existe un large fossé. Le Maghreb a donc un poids économique insignifiant au sein du commerce mondial et d’une manière générale, la région méditerranéenne est frappée actuellement par une récession économique avec un écart croissant, les pays de l’UMA ayant un revenu PNB par tête qui représente moins de 15 % de ceux de la CEE.

Le rapport de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) paru courant janvier 2009, pour cette région précise que l’écart de richesse entre les deux rives de la Méditerranée est le plus fort au monde, avec un PIB annuel par habitant qui se situe en moyenne dans un rapport de 1 à 10. Entre le Maroc et l’Espagne, il est par exemple de 1 à 12. Cette situation dramatique s’aggrave depuis plusieurs années avec son lot de tensions inévitables, l’augmentation significative de l’émigration vers l’Europe, et le risque de voir à terme la région s’embraser à la moindre occasion. L’OCDE estime qu’il faudrait créer au Sud de la Méditerranée, au minimum 40 millions d’emplois dans les quinze prochaines années pour avenir seulement à maintenir le taux de chômage à son niveau actuel.

Il est peu probable, compte tenu de la situation économique des pays de la zone européenne, de solutionner à brève échéance ce problème majeur, et ce, malgré les meilleures volontés affichées. Toujours selon l’OCDE, « le flux d’investissements européens dans la zone est anormalement faible : l’Europe ne réalise que 2% de ses investissements en Méditerranée, alors que les Etats-Unis et le Japon investissent respectivement 20% et 25% de leurs investissements dans « leur » sud.

La Méditerranée sera l’une des régions du monde les plus touchées à court terme, par les conséquences du changement climatique, dont la désertification Méditerranée ». Cette récession s’explique par différents facteurs dont le manque d’homogénéisation économique pour des raisons essentiellement historiques et sociologiques et qui fait fuir les capitaux vers d’autres cieux plus propices.

2.2-Quels devront être les objectifs stratégiques de l’intégration économique ?

Pragmatiquement pour réaliser l’intégration maghrébine on peut envisager plusieurs axes :

La solution maximum qui impliquerait la signature d’un traité instituant l’Union économique maghrébine sur le modèle du traité de Rome avec fixation d’un calendrier relatif à l’élimination des droits de douanes et des restrictions contingentaires, établissement d’un tarif extérieur commun, harmonisation des politiques économique, fiscales, monétaires et enfin mise en place d’institutions communes dotées de pouvoir de décisions.

La solution minimum qui ferait de la création progressive d’une union économique une simple déclaration d’intention, les seuls engagements juridiques se limitant à la participation périodique à des négociations sur les concessions tarifaires ou sur les choix des lieux d’implantation d’industries nouvelles.

La solution intermédiaire est fondée sur l’interaction entre la libéralisation commerciale et l’harmonisation industrielle. Cette solution devrait couvrir une période de 5 ans au cours de laquelle les pays maghrébins s’engageraient : à des réductions linéaires (10 % par exemple par an) des droits de douanes et des restrictions quantitatives frappant les produits échangés, à l’établissement d’une liste d’industries à agréer et dont les produits seraient assurés de la libre circulation et de la franchise sur le marché maghrébin, à la création d’une Banque maghrébine d’intégration pour financer les projets d’intérêt commun et favoriser cette industrialisation simultanée et équitable, à l’institution éventuelle d’une union des paiements et enfin à l’harmonisation de leurs politiques commerciales à l’égard des pays tiers pour ne pas compromettre plus tard l’institution d’un tarif extérieur commun.

Après cette banque d’investissement, la création d’une banque centrale et d’une bourse maghrébine pourrait être dans une seconde phase être créés car elles doivent précéder nécessairement la création d’une monnaie maghrébine devant s’insérer horizon 2020 à travers des réseaux dans le cadre de la future création d’une banque centrale et bourse euro méditerranéenne.

Comme, il y a lieu d’accorder une attention particulière à l’action éducative car l’homme pensant et créateur qui est avec la bonne gouvernance les deux fondamentaux du développement du XXIème siècle, devra être à l’avenir le bénéficiaire et l’acteur principal du processus de développement. C’est pourquoi je préconise la création d’une université afro -maghrébine, ainsi qu’un centre culturel de la jeunesse afro- maghrébin comme moyen de fécondation réciproque des cultures, et la concrétisation du dialogue soutenu pour éviter les préjugés et les conflits sources de tensions inutiles.

2.3.- Quelles sont implications socio-économiques de l’intégration ?

L’intégration économique consolidée du Maghreb devrait être conçue et mise en œuvre pour tirer un meilleur parti ou bénéfice des ressources complémentaires des différents pays ; créer un marché de taille plus vaste susceptible d’entraîner de significatives économies d’échelle, indispensable dans un univers de compétitivité économique ouverte ; créer un climat économique plus favorable au Maghreb dans les échanges économiques internationaux.

La mise en œuvre de l’intégration renforcée passe par les conditions suivantes :

– contrôle renforcé de la croissance démographique au delà des évolutions naturelles ; reconquête des marchés intérieurs sur les produits intermédiaires où le Maghreb dispose, simultanément : des ressources naturelles, des ressources énergétiques, des ressources humaines et des compétences technologiques, des capacités de financement ;

– spécialisation des pays dans les secteurs d’activités où ils disposent d’un avantage  » naturel « , du fait de leurs ressources, de leur situation géographique ou de leur capacité de financement, avec un souci affiché d’équilibrer les développements économiques entre régions et enfin harmonisation progressive des modes de vie et des spécifications technique des équipements et des produits.

2.4- Les atouts du Maghreb

Les pays du Maghreb disposent de sérieux atouts susceptibles de leur permettre d’enclencher, assez rapidement, de fortes croissances de leurs économies analogues à celles observées dans d’autres régions du monde, notamment en Asie ; parmi ces avantages on peut citer (dans le cadre d’une croissance soutenue) : une population jeune et en pleine expansion sur un vaste territoire; une homogénéité culturelle que renforce l’unité linguistique; l’existence d’une élite importante et de qualité; des moyens financiers appréciables – même en situation de crise- qui placent la région en position confortable par rapport aux autres régions en développement; un potentiel énergétique, industriel et agricole prometteur, même s’il est inégalement réparti. D’autant plus la proximité de l’énorme marché européen et le grand intérêt pour investir dans cet espace de la communauté internationale et spécialement les Etats Unis d’Amérique de l’Union Européenne pour ne pas parler des pays émergents (Chine, Inde, Russie,Brésil).

2.5.- L’UMA et la nouvelle donnée régionale euro- méditerranéenne

La création du partenariat euro méditerranéen, associant des dizaines de partenaires dans un cadre multilatéral complémentaire et d’un renforcement des relations bilatérales, a été officialisée lors du sommet de Barcelone de novembre 1995 qui il faut le reconnaître a eu jusqu’à présent un impact mitigé selon le dernier rapport 2009 du Forum Euro-méditerranéen des Instituts de Sciences Economiques (Femise).

Aujourd’hui, il y a urgence à ce qu’une nouvelle ère dans les relations euro- méditerranéennes s’ouvre alors que l’Europe redécouvre sa véritable dimension historique et géographique. Trois pays de l’UMA, le Maroc, la Tunisie et l’Algérie ont signé des accords d’association. Bientôt la Syrie et la Libye depuis la levée de l’embargo, intégreront cet espace qui sera sans doute un des plus riches du monde si l’on intègre le sud de la méditerranée et le continent Afrique. Car, il faut éviter tout égoïsme en pariant sur un partenariat gagnant –gagnant et il serait suicidaire pour l’Europe d’ignorer ces espaces vitaux face à la concurrence des grands géants américains et asiatiques.

L’ère des micros -Etats étant révolu, l’intégration économique de l’Afrique via l’intégration maghrébine est donc vitale et on pourrait envisager un grand espace économique Europe Afrique horizon 2015/2020.

En conclusion, les pays de la région du Maghreb perdent chaque année 2% à 3% de leur PIB en raison des lenteurs accusées dans le processus d’intégration économique de la région, selon le FMI sinon plus si l’on tient compte des effets cumulatifs alors que cette intégration leur permettrait de créer plusieurs millions d’emplois par an réduisant ainsi le chômage et la pauvreté, être concurrent grâce aux économies d’échelle et surtout d’attirer des investisseurs potentiels intéressés par de grands marchés .

Docteur Abderrahmane MEBTOUL
Professeur d’Université en management stratégique