La chronique HEBDO. Le mépris made in DZ

Redaction

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Par Saâd Doussi

Il aura fallu  trois jours de neige pour que l’Algérie soit paralysée. Trois jours durant où la poudreuse a mis à nu toute l’étendue du drame que vit cette Algérie profonde, cette Algérie d’en bas, des millions d’anonymes sans voix ni étendard. L’hiver de cette année a tué comme les routes, la hogra ou le terrorisme résiduel cher à Ouyahia.

Des Algériens sont morts faute de gaz butane ou d’électricité. Morts parce que bloqués dans leurs montagnes et villages qui n’existent pas sur les cartes placardées sur les murs des résidences d’Etat et des villas cossues de la nomenclature. Morts parce que les ministres, les walis et tous les commis de l’Etat étaient bien planqués chez eux, à l’abri du froid et de la rupture de la bonbonne de gaz butane à 1000 balles. De toutes manières, eux, ils ont le gaz de ville qu’ils ne payent pas tout comme ils ne payent pas l’électricité, les courses, les loyers. L’Algérie du pétrole leur appartient.

Des Algériens sont morts, normal me diriez-vous, ils en meurent chaque jour que Dieu fait et défait, mais ils sont morts car on a vite fait de les oublier. Ou peut-être on ne s’est jamais souvenu de leurs existences. Ils sont morts parce qu’avec tout l’argent du pétrole, l’Algérie d’en haut n’est même pas capable d’avoir des chasses-neige pour libérer les accés. Avec tout l’argent du gaz, ils ne sont même pas capables de raccorder l’autre Algérie au réseau domestique.

Ce qui s’est passé ces derniers jours a de quoi révolter les plus placides et le plus dur, le plus insensé dans ce drame blanc c’est qu’à aucun moment, le pouvoir vissé sur place n’a eu une pensée, un mot de compassion, une ligne de condoléance pour ce peuple d’assistés. Rien, nada, oulach. Le conseil des ministres, la bonne blague, qui se tient sans un mot de réconfort, ni examen de conscience. Boutef qui parle à la caméra, invitant l’Algérie profonde à aller voter massivement sans un mot de réconfort, ni examen de conscience. C’est dire la schyzophrénie ambiante dans un pays et son ombre. Pourtant, on devrait être vacciné contre cette indifférence institutionnelle qui veut que si on n’aborde pas les problèmes, ils disparaissent d’eux-mêmes. Une philosophie de l’autruche qui s’est développée tout au long de ces trois derniers mandats présidentiels pour faire de l’Algérie un pays négationniste. Ce mépris habituel a ce côté revenchard d’un pouvoir qui estime qu’il n’a aucun compte à rendre à un peuple qui ne l’a jamais plebiscité.

Alléluia. Nous aurons bientôt 462 députés à nous défendre. 73 de vaillants et courageux élus du peuple de plus pour s’élever contre des lois et des ministres qui ne nous veulent pas que du bien. Le peuple algérien est ravi de ce quota supplémentaire de bras levés en bouclier pour dire non à la hogra et au népotisme de l’Etat. Pour s’ériger en barrière protectrice et proscrire tous les dépassements. Pour instaurer les vraies valeurs de la démocratie pour qu’elle cesse d’être un alibi de façade pour importation politique.

Nous aurons 462 députés qui siègeront à l’Assemblée prêts à se sacrifier pour que le peuple qui les a élus lors d’élections propres et démocratiques soit fier de son choix. Des députés qui n’hésiteront pas à distribuer leurs 30 millions net par mois aux plus pauvres de leurs électeurs. Qu’ils prendront en charge les plus démunis de leurs voix une fois de passage à Alger et qu’ils s’attéleront à être l’écho des sans voix auprès du gouvernement. Voilà qui est dit dans le meilleur des mondes. Dans l’abstrait seulement avec des si et des pourquoi pas ? Mais dans cette Algérie des paradoxes, de la corruption et de la rapine, les choses ne fonctionnent malheureusement pas comme ça. Il y aura plus de députés pour plus d’argent dépensé, plus de privilèges donnés en guise de remerciement pour bons et loyaux services. Il y aura davantage de mains levées pour bénir les décisions gouvernementales et légitimer un système vertical. L’Algérie n’a besoin ni d’un ni de cinq cents députés, elle a besoin d’une démocratie naturelle, véritable et de gaz butane pour ne pas crever de froid.