La chronique Hebdo. Les kamis de la démesure

Redaction

Par Saâd Doussi

Quelle nationalité doit avoir l’Algérien pour vivre décemment dans son pays et éviter de crever loin de la lumière ? Certainement pas algérienne. Probablement posséder deux peaux.  Assurément locataire des étages d’en haut. Etre citoyen de l’Algérie d’en bas s’inscrit forcément dans une logique génétique fortement liée à l’espace géographique de son acte de naissance.  Ainsi, l’Algérien d’en bas est un pauvre citoyen né dans l’immense arrière pays d’un pays qui n’a de budget que pour sa vitrine. Sa frontière natale est limitée à l’Ouest par le chômage, à l’Est par la crise de logement, au Nord par la hogra et au Sud par le désert. Ses parents lui ont légué misère et manque d’eau potable, hérités de père en grand-père depuis que Massinissa est mort. Son école n’est pas chauffée et pour y parvenir, il faut se taper quatre kilomètres à pieds parce que le maire du village a vendu le bus de l’Etat pour payer ses notes d’hôtel à Alger. La durée de vie de son cursus scolaire est aussi brève qu’un moment de vérité dans la bouche d’un ministre de la République. Il a six frères et quatre sœurs. L’ainé est mort au maquis, les deux autres mangés par la mer et ses sœurs se sont mariés avec des cousins bergers.

L’Algérien d’en bas évite de regarder en haut de peur d’un torticolis et d’une baffe donnée par un policier en faction devant les villas de la République. Il évite de regarder droit dans les yeux du Pouvoir, change de trottoir lorsqu’il croise les gardiens de la République et quitte la ville quand la République arrive. Il meurt sur la route, de froid ou asphyxié par  des appareils de chauffage défectueux. Il voyage sur des radeaux de fortune et dine, le soir, avec des poissons au fond de la Méditerranée.

Il ne vote pas parce qu’il n’est pas citoyen. Il marche, brûle les pneus et casse les vitrines. Il est pour l’émeute du toit, de l’huile et des matchs de foot perdus. Son village est juste à la lisière de l’indépendance, traversé par des pipelines sans que la cuisine ne fonctionne au gaz de ville. Il a un passeport inutile et un visa fantômatique. Il court en reculant, lève la main pour dire adieu au temps. Il a pour ami l’ennui, pour maitresse un joint et pour avenir un rêve éveillé.

L’Algérien d’en bas est immortel, un hilghander des temps modernes incapable de mourir parce que pour mourir il faut avoir vécu avant.

Que Guéant, le porte-clés de l’identité blanche de la France coloniale, a repris les bonnes habitudes de Sarko lorsqu’il était pensionnaire de la Place Beauvau. Il a mis dans l’avion un imam en direction de chez lui, accusé d’avoir appelé à « fouetter à mort » adultères et à dissous, dans un verre d’eau républicain  un groupuscule qui a mené des actions contre la loi sur le voile intégral.

Faut-il blâmer pour autant le Guéant national d’expulser quelqu’un qui brandit, sur une terre laïque, un martinet pour battre à mort une femme mariée qui irait voir ailleurs si le lit du voisin est plus confortable. Faut-il lui en vouloir d’interdire les « Anonymous » de la burqa ? Certainement pas.

Dans le fond, vraiment dans le tréfonds du fond, la France a ses raisons de vouloir se protéger contre toutes formes d’extrémismes qui mettent à mal l’image déjà écornée de l’Islam en occident, mais de là à en faire un fonds de commerce électoral, il y a une ligne franchie depuis l’avènement du sarkozysme.

A force de prêter le flanc, de ramener soi-même des pierres pour être lapidé, de se découvrir une âme de bourreau de la République et de vouloir ramer à contre courant des lois locales, alors on n’a que ce qu’on mérite. Et dans ce cas-là, un billet retour sur vol charter vers son acte de naissance et une nouvelle mauvaise publicité faite à la religion qui n’a rien demandé à personne. Surtout à ces illuminés du kamis. En plus pourquoi fouetter une femme infidèle, ne serait-ce pas plus simple de lui pisser dessus comme l’a chanté Brel au lieu de pleurer ou de vouloir la fouetter.