« La place de la femme dans la société algérienne ?« . Cette question a suscité les réactions de beaucoup d’algériennes et d’algériens, vivant en Algérie ou à l’étranger. Témoignages.
En Algérie
« Samia est une femme qui passe inaperçue. Jamais de remarque désobligeante dans la rue; fait rare pour une femme dans une Algérie où même un chat habillé en fille attirerait le regard de l’homme frustré, l’homme seul, l’homme triste. Non, Samia n’attire pas les regards. Elle passe, ombre d’elle-même sans le vouloir, elle ne fait que passer et personne ne la remarque.
En fait, Samia est heureuse de ne jamais être traitée comme les autres. La vérité étant qu’elle n’a jamais été traitée comme les autres. Non, elle ce n’est pas comme le reste des êtres humains qu’elle a été traitée. »
Récit de Samia, profession chauffeur de bus. Trouvé sur Facebook.
Djamila, dentiste: Parler de la place de la femme c’est déjà la détacher du reste de l’humanité, comme si on parlait d’une minorité quelconque. Cela s’appelle de la stigmatisation, c’est le début du sexisme.
Nesrine biologiste: Ce n’est déjà pas une société. Le jour où ça le deviendra, la femme aura ou non sa place, la question se posera dés lors.
En attendant, ce qui devrait être un peuple se comporte comme une foule, qui se gère aux grès des conflits, des flux, des échéances importantes etc. Nul n’est à sa place, encore moins la femme.
Amel, vendeuse en magasin: L’évolution est réelle, la femme a de plus en plus de place et d’importance dans notre société, reste qu’elle est cantonnée dans des créneaux spécifiques.
Sarah, nourrisse: Du respect!!!! Et si on commençait par là. Nous sommes victimes de harcèlement perpétuel.
Narimene, sportive de haut niveau: Pourquoi il y aurait lieu de parler de la place de la femme dans une société. Cette société pourrait-elle exister sans elle, sans nous? Non. Du moment où la femme existe, sa place est toute faite dans la société. Il est aberrant de parler de ce genre de choses.
Malika, femme au foyer: Le problème se situe dans les mentalités. Ce n’est pas lié à la religion ou aux mœurs. Il n’ y a qu’a voir nos anciens, ils sont beaucoup plus ouverts que ces jeunes qui croient tout connaître sur la ligne de conduite à suivre.
Samira, vétérinaire: J’habite en France, et même en occident, la place des femmes est chèrement acquise. Nous n’avons rien à leur envier en ce qui concerne les lois. Ici la parité dans les salaires n’est pas encore effective. Nous avons aucune leçon à recevoir des autres sociétés. Concernant les mentalités, c’est autre chose. On ne peut s’en prendre qu’à nous même.
Anissa, ingénieur: Le seul pays arabe hormis le notre et le Liban, où la femme a une place prépondérante dans la vie de tous les jours est la Tunisie. Le hic, c’est que cette avancée n’est pas le fruit d’une lutte de ces dames. C’est le résultat d’une décision politique entreprise par les hommes. Les hommes ont placé la femme sur son pied d’estale. C’est pour cela que dans les autres contrées arabes, où ces initiatives masculines ne sont pas à l’ordre du jour, ce phénomène n’est pas d’actualité, contrairement à nos femmes qui ont fait ce pays, autant que ses hommes.
Propos receuillis par Kh_louna
A l’étranger
1-Quelle place occupe aujourd’hui la femme dans la société algérienne . Et quelle place devrait-elle avoir, selon vous?
Meriem (1):
Il y a pour moi deux ou trois aspects: la place que la femme occupe juridiquement et celle du quotidien dans la société. Le troisième aspect est logiquement celui concernant la place que la femme devrait occuper. !
La femme en Algérie, en conséquence de la définition du rôle de la femme durant les années « pseudo-socialistes », est un membre actif dans le réseau du travail, pouvant occuper pratiquement les mêmes positions que les hommes. En rentrant dans les facs, on oserait dire qu´elle domine, assume plus que l’homme les attentes du marché libre et de la globalisation, en s´instruisant.
Concernant l´aspect juridique, les femmes sont privées d´égalité par le code de la famille. Ceci fait que jusqu’à´à nos jours, une femme se réjouit plus d´un garçon que d´une fille, pensant au partage de l’héritage, au cas où le mari décède où en cas de divorce.
Depuis les années noirs, je constate que les femmes sont beaucoup plus soumises et carrément étouffées. Cela fait en sorte qu’elles se sont crée leur monde parallèle, dans lequel elles se retrouvent et sont libres,
En réalité, avec tous les devoirs du foyer et les responsabilités professionnelles, donc la participation aux frais familiaux, les femmes assument le triple du travail des hommes. Sans elles tout foyer algérien s´écroulerait. Elles devraient occuper une place égale à celle des hommes, indépendantes des limites sociaux-religieux et les barrières qui vont avec !
Fella (2):
La place de la femme algérienne dans la société est en nette progression. Longtemps considérée comme incapable professionnellement, le monde du travail était presque vide de femmes.
Mais ces dernier décennies, on observe un changement positif; la femme occupe une place plus que importante dans le secteur économique.
Concernant l’égalité des droits, la femme étant donné les pressions imposées par le code la famille, la femme reste toujours privée de certains droits fondamentaux, comme le choix de se représenter et de ne plus être constamment réduite au statut de mineur.
Je trouve inadmissible qu’on lui demande de travailler pour subvenir à ses besoin, d’être responsable de son ménage et de ses enfants et ne pas avoir un statut qui lui donne la liberté de choisir son compagnon ou décider de divorcer. Et que la seule manière d »accéder à cette demande est de céder ses droits de sadak (dot), voire donner de l’argent à son ex-mari pour s’en séparer, monnayant ainsi sa liberté.
Samir 3 :
Je ne vis plus en Algérie depuis 10 ans environ, mais je peux témoigner que là-bas, il n’est pas facile d’être une femme, à mon humble avis.
Dans notre pays, la femme occupait et occupe toujours la place « où veut bien l’installer l’homme ». Cela se traduit donc par une inégalité des chances dans l’accès aux droits, à l’emploi, à l’enseignement et surtout dans l’accès aux postes de direction et les centres de décisions. A mon sens, cette inégalité homme/femme instaurée par les hommes, trouve souvent ses justificatifs dans notre héritage traditionnel maghrébin particulièrement macho et patriarcal, rajouter à cela des justificatifs d’ordre moral ou religieux. Ce dernier peut aisément s’observer, je pense, au travers des mouvements politiques dits islamistes et qui ont réussit à « institutionnaliser » cette vision traditionnelle et conservatrice de la relation homme/femme dans notre société.
Vous sentez-vous épanouie en tant que femme algérienne ?
Meriem:
Difficile pour une bi-nationale comme moi de répondre à cette question. Ma compréhension du rôle de la femme et mon sentiment d´individu féminin, font que, en arrivant déjà dans l´avion qui va vers ma patrie, je me sens soudainement mineure et contrecollée par tous.
S´épanouir est possible quand on est prêt de se faire rejeter, d´attirer l´attention pour sa différence et donc, de devoir s´expliquer à tout moment, à toute une société !
Ceci est amusant quand on est touriste, mais pas en tant que femme qui est obligée de vivre en Algérie,
Fella:
Personnellement je ne peux parler d’épanouissement de la femme uniquement. Je pense que tout algérien ne se sent pas épanoui, vue le niveau de vie sociale en Algérie.
L’algérien vivote grâce au système D, et doit toujours batailler afin de trouver une solution pour accéder à des chose élémentaires, Alors peut-on chercher l’épanouissement quand on manque de tout? Difficile à mon avis
2- Quels sont les tabous, y compris socio-religieux, à briser dans la relation homme-femme en Algérie ?
Meriem:
Les tabous sont tellement nombreux. Comment les inclure tous dans un paragraphe ?
Le plus important pour moi est de d´abord briser le mensonge permanent entre homme et femme et dans toute la société!
Ce tabou est la suite des menottes religieuses.
Cela permettra déjà de pouvoir communiquer entre individus et créer une authenticité dans les relations.
Après, en toute honnête, un échange démarrerait sur des bases stables, tout en se libérant des pensées des autres.
Fella:
les tabous sont multiples.
A- Je trouve ridicule de parler encore de nos jours de virginité et de « fille de bonne famille », d
B-le droit de s’exprimer en tant qu’être humain est très difficile pour une femme en Algérie, car celle-ci est considérée comme « cette personne par très intelligente qui ne peut discerner le bien du mal et donc lui demander son avis c’est comme demander l’avis d’un enfant et cela serait absurde chez certains hommes,
Samir:
A mon sens, il s’agit d’abord et avant tout de toucher au tabou de l’égalité dans les droits.
A ce jours l’homme algérien n’arrive pas à concevoir une société où cette égalité est assurée sans équivoque. Ceci serait un énorme pas des uns(les hommes) vers les autres (les femmes) si nous voulions aller vers une société qui garantisse cette égalité homme/femme.
Abolir ou largement amender le code de la famille actuellement en vigueur serait un premier pas vers cet objectif, je pense.
3- Pensez-vous que la parité homme-femme est possible en Algérie ?
Meriem:
Pour atteindre la parité, il faut du respect et un changement total concernant l´influence des traditions dans les relations.
Actuellement une base pareille ne peut exister que dans le foyer lui même, c’est à dire dans le couple. Mais en dehors, cet équilibre doit être défendu contre les opinons condamnant d´une société intolérante et traumatisée, perdue complètement dans sa propre définition du civisme. Les relations entre hommes et femmes sont amicales parfois dans des micro-cosmos, mais cruelles dans l’ensemble,
Fella:
je ne pense pas que la parité homme femme ventage la femme, au contraire la femme doit fournir un double effort pour devenir l’égale de l’homme.
Elle doit prouver qu’elle peut faire le travaille de l’homme, mais en plus prouver qu’elle peut faire mieux que lui pour dire d’elle a gagné sa place. Je trouve cela injuste: pourquoi toujours prouver qu’on est mieux que l’autre. Chaque individu a des qualités que d’autres n’ont pas. En revanche, on ne demandera pas à l’homme de savoir tenir un ménage ou changer les couche pour prouver qu’il est un bon père. Mais la femme elle, elle doit faire ça, et en plus être professionnellement irréprochable. C’est injuste.
Samir:
Oui incontestablement, notre société est capable d’évoluer vers cet état des choses. Nous devrions même faire une politique publique volontariste pour assurer ce genre de choses, en imposant par exemple, par la loi, la parité dans certains emplois, ou autres représentations politique.
4- Peut-on parler de combat féministe en Algérie. Si oui, quelle est sa nature et quels sont ses objectifs ?
Meriem:
Si on parle de liberté d´expression et d´indépendance d´une association ou d’une ONG en Algérie, oui, dans ce cas on peut parler de combat féministe. A ce propos, remarquablement sont nombreuses celles qui réussissent à persister dans la lutte contre les injustices dont sont victimes les femmes, et ce malgré toutes les difficultés rencontrées . Souvent l’on remarque que ce combat est mené simplement dans le voisinage, en ce soutenant mutuellement.
Même si, parmi ces combattantes, il y en a trop à mon goût, qui oublient de mener le combat dans leur foyer et acceptent des conditions d´illégalité frappantes qu’ells subissent.
Fella:
Le combat féministe est quasiment inexistant en Algérie. Il existe des bribe de féministe qui se cachent derrière des associations ou des organisations pour la protection de l’enfance et des mères
Il faut savoir que les féministes sont très mal vues en Algérie, car on a que le modelé extrémiste qui demande tellement de choses à la femme qu’elle finit par perdre sa féminité.
Par conséquent, ce type de mouvement séduit peu de femmes et il faudrait carrément essayer une autre approche que l’extrémisme féministe se mouvement pour arriver à plus d’adhésion de la part du public concerné.
Pour conclure, je dirai que la femme algérienne a su se faire une place dans la société malgré les réticences des hommes. Le changement économique aide la femme, ne pouvant plus subvenir tous seuls aux besoins de la famille, les hommes ont fini par laisser les femme « libres » pour travailler et les aider financièrement et comme cela les femmes ont su prouver et gagner leur place.
certes il y a toujours des choses qui ne marchent pas bien, mais je pense que l’Algérie est sortie de sa coquille sociaux-culturelle et notre sacrifice d’aujourd’hui sera un chemin pour guider les générations à venir
Samir:
Je dirais oui, si par combat féministe on pense au militantisme pour la reconnaissance des droits des femmes à l’égalité avec les hommes
Je pense qu’il y a aussi actuellement beaucoup d’associations qui travaillent dans le secteur de l’assistance aux femmes en besoin ou subissant des violences et autres injustices. Ceci aussi peut être considéré comme relevant du combat féministe, me semble t-il..
5- Un mot pour conclure ?
Meriem:
Je suis persuadée que tout est organisé par les femmes, même économiquement et surtout socialement. Je garde l´espoir qu´elles trouveront un jour la place qu´elles méritent, tout en sachant que vraisemblablement à l’avenir l´éducation va changé et avec elle le comportement et le habitudes des prochaines générations.
La méchanceté féminine qui s´est installée doucement dans certaines couches, n´est que le résultat des pressions et injustices vécues trop longtemps par les femmes. En se protégeant des attaques, il y a tendance d´oublier le bonheur de l´autre.
Après un changement des lois la concernant et et un autre regard de la société sur elle, la femme algérienne pourra se développer comme elle le souhaiterait et donc dégager que du bien !
Samir:
Dans notre pays l’Algérie, il n’est pas facile d’être citoyen à cause notamment de la nature autoritaire (dictatoriale j’allais dire) du régime. Et il est encore moins facile d’être une femme citoyenne, considérée d’ailleurs comme inférieure par les lois du pays.
PS: Merci à Algérie-Focus et Mr Fayçal pour m’avoir permis de donner un humble point de vue de citoyen sur cette question de la place de la femme dans la société algérienne.
Propos recueillis par Fayçal Anseur
1- Meriem, traductrice, Allemagne
2- Fella, commerciale, Algérie
3- Samir, fonctionnaire, France