Autour d’Hugo Chavez et Evo Morales, la gauche radicale d’Amérique latine célébrait jeudi à La Paz une première vague de soulèvements, il y a 200 ans, menant aux indépendances sur le continent, commémorations dont la Bolivie a avidement pris les devants.
Les célébrations, comme les jours précédents, devaient être marquées de messages de soutien des dirigeants « bolivariens » au président Manuel Zelaya destitué au Honduras: dernier front, selon eux, du bras-de-fer avec « l’empire », comme le Bolivien Morales a encore qualifié Washington cette semaine.
« C’est une agression, une provocation de l’empire », a déclaré mardi le chef d’Etat socialiste, évoquant « des informations de première main selon lesquelles +l’empire+, par le biais du commandement Sud des Etats-Unis, a fait le coup d’Etat au Honduras ». « Il n’est pas possible », a-t-il déploré mercredi, « qu’en ce nouveau millénaire il y ait encore des coups d’Etat provoqués par des petits groupes ou agents externes ».
Outre les présidents Chavez (Venezuela), Rafael Correa (Equateur), Fernando Lugo (Paraguay), des ministres de plusieurs pays latino-américains assistaient aux festivités, dont une parade militaire multinationale, des défilés de communautés indiennes, paysannes.
La venue à La Paz de Zelaya, qui eût constitué un coup d’éclat pour les dirigeants de gauche, ses plus virulents soutiens, a été évoquée par des médias boliviens, mais démentie par le gouvernement. Mais le droit à « l’insurrection » comme celle à laquelle Zelaya a appelé mardi la population du Honduras, était au coeur des références à La Paz.
Les cérémonies y sont centrées autour du bicentenaire d’un soulèvement, le 16 juillet 1809, dont le héros Pedro Domingo Murillo fut pendu par les forces de la couronne espagnole en 1810.
La Bolivie ne conquit l’indépendance qu’en 1825 grâce à l’armée de Simon Bolivar. Mais elle n’a pas attendu ce bicentenaire-là pour commémorer les premiers « gritos » (cris) de liberté: des rébellions locales, souvent éphémères, qui allaient déclencher une vague de soulèvements, onde de choc jusqu’aux premières indépendances (Colombie, Argentine de facto, 1810).
Fin mai, c’était un autre soulèvement à Sucre (sud) -engendrant une micro-république de quelques mois- que le gouvernement bolivien a célébré. Son héroïne d’alors, l’Argentino-Bolivienne Juana Azurduy, devait être jeudi promue « générale » à titre posthume.
Et lundi, Morales montait à cheval à Patacamaya, à 100km de La Paz, pour une autre commémoration.
La référence à la libération est constante chez Morales, au pouvoir depuis 2006, qui a inscrit son projet politique dans la « refondation » post-coloniale de la Bolivie. Et a appelé récemment les peuples amérindiens -dont les Aymaras dont il est issu- à réaliser la « deuxième et définitive indépendance de l’Amérique ».
Ce penchant messianique a trouvé un écho chez certains gouvernements de droite ou de centre-droite de la région, en une surenchère parfois inquiétante.
Ainsi au Pérou voisin, où le président libéral Alan Garcia s’est dit récemment convaincu que l’Amérique latine vit actuellement « une sorte de guerre froide », un « conflit continental idéologique et de modèles ».
« D’un côté la démocratie politique et économique qui avance avec le progrès du monde, et de l’autre, l’étatisme économique et la démagogie qui bloquent les pays », en référence aux gouvernements Chavez et Morales. Qui ont été accusés par Lima d’alimenter les durs conflits sociaux des derniers mois au Pérou.
Par Jose Arturo CARDENAS
16 07 2009